L'ère Fabre N°1 Octobre 2024 | Page 54

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Paris Turf , 1982 , Louis Deniel
« Si vous me demandez quels sont les artisans de notre succès , jse vous répondrais : André Adèle , ma femme et le personnel de la maison . André Adèle , trois ans après sa mort , est encore pour 80 % dans les victoires de mes chevaux . Me femme , qui est chaque matin en selle , participe à tous les galops — ce qui , avec mes soixante-dix kilos , ne peut plus être mon cas . »
« Chacun sait que des bons chevaux ne le sont plus si les hommes , autour d ’ eux , ne sont pas de qualité . »
« Je ne considère pas qu ’ il y a révélation à proprement parler . En 1978 , j ’ ai gagné vingt-quatre courses ; en 1979 , quarante-quatre . Cette année , en 1980 , on parle davantage de moi parce qu ’ il s ’ est agi de tiercés et d ’ une série heureuse . Cependant , je crois , en effet , entraîner mieux . J ’ applique les méthodes du « patron » ( il continue de dire , à propos d ’ André Adèle : « le patron »). La base du travail est un galop demi-train de 1 200 m , en groupe , juste ce qu ’ il faut pour muscler un cheval et le mettre en souffle , sans l ’ écœurer . Les chevaux de qualité et qui sont prêts vont jusqu ’ au bout du galop sans faiblir . L ’ art de l ’ entraîneur est ce déceler , chez ceux qui faiblissent , les raisons de la faiblesse . André Adèle , qui avait fait son apprentissage , avant 1914 , sous la coupe du grand entraineur américain Leigh , était , par ses méthodes , un entraîneur américain . Un autre exemple : l ’ alimentation . La base en est , en Europe , l ’ avoine à volonté . Lui considérait que l ’ avoine n ’ est qu ’ un complément , à rationner , et que la nourriture doit d ’ abord être constituée par du bon foin , tant que le cheval en souhaite . C ’ est encore un principe américain . Je vous assure : on allait observer , à Belmont Park ou en Californie , ce qui était à notre porte , avenue du Mesnil , à Maisons-Laffitte . J ’ ai donc appliqué , quasi servilement , les méthodes d ’ André Adèle . Mais les résultats n ’ étaient pas les mêmes . Pas mauvais : je vous le dis , vingt-quatre victoires voilà deux ans ; quarante-quatre l ’ an passé : mais pas aussi bons . Souvent , après les galops , ma femme me le faisait remarquer : « C ’ est étonnant , les chevaux ne sont pas aussi bien que chez le patron ; on fait la même chose et , pourtant , ce n ’ est pas la même chose ... » Les chevaux , en effet , terminaient leurs 1 200 mètres , à la fois plus nerveux et moins endurcis . J ’ ai compris , peu à peu : je donnais le même travail mais , évidemment , pas sur la même piste , pas avec les mêmes cavaliers : le tirant du sable , le profil de la piste , la main des hommes , modifiaient sensiblement les composantes du travail . Alors , j ’ ai tâtonné pour retrouver l ’ équivalent réel de ce que nous faisions à Maisons-Laffitte . On est partis moins vite et plus du même endroit de la piste , 300 m plus loin . Maintenant , oui , le crois que je fais du « André Adèle » exactement comme André Adèle , pas seulement en apparence . »
vidéo de l ’ INA
Louis Deniel . © APRH 54