L'ère Fabre N°1 Octobre 2024 | A la une

DES CHEVAUX HEUREUX

Ce n’est pas une mince affaire : faire en sorte que les chevaux d’une écurie qui en réunit plus de 200 soient heureux. Or, depuis ses débuts, ce désir de vouloir des chevaux heureux semble ne jamais avoir quitté l’entraîneur. Il l’évoque avec admiration lorsqu’il rend hommage à François Mathet dans un mot adressé à son épouse et dévoilé par Theresa Révay dans sa biographie « La Course Parfaite » (éditions Tallandier) : « Bien sûr, nous n’étions rien pour votre époux que des relations occasionnelles, mais pour nous il représentait beaucoup plus. Pour moi en particulier, l’honneur de sa profession et celui chez qui les chevaux étaient les plus heureux. » En évoquant André Adèle, en 1973, il disait encore « il semble avoir si bien compris ses chevaux qu’ils ont l’air heureux malgré l’univers concentrationnaire dans lequel ils vivent ».

Ce petit supplément d’âme des « Fabre » que les parieurs et les jockeys apprécient à sa juste valeur vient peut-être de ce bien-être équin qui, s’il est sauvegardé, peut pousser le cheval à aller un peu plus loin dans son effort. Mais il semble y avoir davantage qu’une transaction dans ce souci du bonheur.

L’hommage à Mathet qui fixe un cap

Sans vouloir se livrer à de la philosophie de magazine (quoique…), on peut ainsi relever l’agacement perçu le jour du Moulin de Longchamp, remporté de bout en bout par son pensionnaire Tribalist en septembre dernier à ParisLongchamp. C’est un Groupe 1, le 200 et quelque d’André Fabre, mais interrogé sur Sky Sports Racing, il ne peut s’empêcher, après avoir rendu hommage à son alezan, de glisser un commentaire ironique sur le fait qu’il avait aussi battu Facteur Cheval, le « héros national »… Que diable Facteur Cheval avait-il fait à M. André pour mériter d’être ainsi reniflé ? La vie d’André Fabre tourne autour de ses chevaux. Il a pratiqué toutes les équitations ou presque. Il aime ça, et il aime les chevaux. Il les respecte. Et il prend comme une injustice le fait qu’on ne reconnaisse pas à leur juste valeur les performances de ses pensionnaires. « Je pense que dans ce métier, on réussit tout seul contre les autres », déclarait-il dans Weekend en septembre 1990. André Fabre défend tous ses joueurs.

Témoignage

Entraîneur classique, désormais manager, John Hammond a été assistant d’André Fabre avant de prendre sa licence. Il évoquait sa personnalité avec le journaliste Julian Muscat dans un article qui consacré à l’entraîneur français dans le Racing Post, en octobre 2019.

« Lorsque je l’ai rejoint en tant qu’élève assistant [en 1987], j’entrais dans une grande organisation parfaitement huilée. Les équipements sont impeccables et les deux écuries sont gérées comme des établissements cinq étoiles. Mais quand on parle de l’organisation d’André Fabre, il faut aussi parler de sa femme Elisabeth. C’est une véritable horsewoman et une excellente cavalière. Elle a toujours été là, au quotidien. J’ai vu comment André Fabre traitait son personnel et ses chevaux, et comment il gérait les propriétaires. C’est un homme d’une réelle intégrité. Ce n’est pas quelqu’un qui ferait quelque chose en quoi il ne croit pas vraiment par opportunisme ou avec une arrière-pensée. Il n’aurait certainement pas fait un bon politicien, à l’époque actuelle. »

« C’est un homme extrêmement spirituel. Si vous vous asseyiez à côté de lui au déjeuner, vous passez un très bon moment - et vous ne parlerez probablement pas du tout de chevaux. Il est facilement dans l’auto-dérision ; je ne l’ai jamais entendu parler de ses propres victoires. »

« Aucun de ses chevaux n’est jamais surmené, et il sait toujours quand il faut lever le pied. Je pense que sa plus grande performance d’entraînement a été Sagamix. Il a commencé la saison de 3 ans inédit, a gagné ses deux premières courses, puis André l’a mis de côté parce que le cheval avait besoin de plus de temps. Il l’a ramené cinq mois plus tard pour gagner le Prix Niel en septembre et a gagné « l’Arc » 1998 dès sa quatrième sortie. Les produits de Linamix étaient un peu fous. Très peu d’autres entraîneurs ont gagné de bonnes courses avec eux. »

Témoignage

Maxime Guyon, qui fait partie des jockeys les plus sollicités par André Fabre, après la victoire de Sosie dans le Prix Niel 2024.

« C’est un vrai cheval de tenue, il est très dur. Il est typique des chevaux de M. Fabre, qui sont froids et ne font qu’avancer jusqu’au bout. Sosie a un super mental, il est vraiment facile. C’est un vrai avantage. M. Fabre laisse le temps aux chevaux de venir. Le poulain avait gagné à 2 ans et on savait qu’à 3 ans, il allait encore progresser parce que physiquement c’est un monstre. Il est costaud, très imposant comme cheval. »