L'ère Fabre N°1 Octobre 2024 | A la une

LE BALLET DES CASAQUES

Une grande écurie de pur-sang ne peut se maintenir au meilleur niveau qu’avec le soutien de propriétaires et d’éleveurs de premier plan. Depuis la fin des années 70, et l’installation d’André Fabre, cette population a été presque complètement remplacée. Les Princes du Golfe sont arrivés à cette époque et au premier chef deux d’entre eux, qui ne cesseront pratiquement jamais d’envoyer au Cantilien une sélection extraordinaire, et conséquente, de poulains : le cheik Mohammed Al Maktoum, émir de Dubaï, et le prince Khalid Abdullah, membre de la famille royale saoudienne. Ils représentent la plus grande part des gagnants de haut niveau de l’écurie Fabre, et ses principaux pourvoyeurs en yearlings.

Défier les Britanniques chez eux, encore et encore

Anthony Stroud, manager des effectifs du cheik Mohammed Al Maktoum dans les années 80, et régulièrement au service de l’émir de Dubai, s’était confié à Julian Muscat pour les besoins de son portrait d’André Fabre paru en octobre 2019 dans les colonnes du quotidien britannique Racing Post. Il explique comment le cheik et l’héritier d’André Adèle se sont entendus : « À cette époque, nous cherchions notre entraîneur en France, mais nous voulions aussi avoir des 2ans en Angleterre. André était tout à fait d’accord et en huit ans, il a gagné deux fois les Middle Park Stakes avec Lycius et Zieten, et les Dewhurst Stakes avec Pennekamp pour nous. En plus de 30 ans, il a toujours été super loyal envers le cheik Mohammed. » Le Français ne faisait alors que suivre les idées déjà développées en 1983 dans les colonnes de Galop Informations, selon lesquelles il fallait sans cesse défier les Britanniques chez eux. Il annonçait aussi que les courses américaines étaient à notre portée, et le prouvait dix ans plus tard avec Arcangues, vainqueur du Breeders’ Classic sur le dirt de Santa Anita à plus de 120/1. Vous avez dit qu’il avait les idées longues ?

Malgré la qualité de sa méthode et son expérience d’homme de cheval, André Fabre n’aurait pas pu rester si longtemps au meilleur niveau s’il n’avait su cultiver l’intérêt de ses clients, des plus grands aux plus modestes. Il a toujours réussi à garder des propriétaires de tous les horizons et à organiser ses effectifs sans faire naître des conflits d’intérêts entre ses clients, y compris avec ses propres chevaux depuis qu’il se consacre en famille à l’élevage avec son épouse et sa fille Lavinia.

Préserver la stabilité malgré tout

Si les contingents délégués par les casaques du Golfe ont pu fluctuer selon les périodes (cf. statistiques ci-contre), notamment lorsque l’écurie Godolphin s’est installée sur l’hippodrome d’Évry au lieu d’envoyer ses poulains à Chantilly en 1998, André Fabre a toujours pu maintenir un nombre de pensionnaires stable. C’est la condition sine qua non pour obtenir des résultats réguliers et pour maintenir toute l’activité d’un personnel précieux l’écurie s’est dotée d’un directeur des ressources humaines, probablement pour ne pas avoir à gérer les aléas du management de notre époque. Cependant, certains divorces fracassants ont émaillé sa carrière, notamment avec Mahmoud Fustok, l’Aga Khan et la famille Wildenstein. André Fabre a des principes et sans doute des limites infranchissables que nul ne peut franchir. Sauf, peut-être, ses chevaux. Il a les défauts de ses qualités. Patient, il ne souffre pas les pressés. Travailleur, il ne supporte pas les dilettantes. Rigoureux, il ne tolère pas l’à-peu-près. Observateur, il n’est pas là pour rêver. Ses chevaux doivent être heureux, et ses propriétaires aussi, mais pas à n’importe quel prix.

Témoignage

Édouard de Rothschild, éleveur-propriétaire, connaît une belle réussite avec André Fabre, qui a sellé son premier partant.

« Je connais André Fabre depuis sa victoire dans le Grand Steeple 1977, qu’il a remporté comme jockey avec Corps A Corps, pour mon oncle Teddy Van Zuylen. Mon père avait ses chevaux chez François Mathet, puis les a transférés chez lui ensuite pour quelques années (de 1982 à 1987, ndlr) et il a pu s’en féliciter avec le Prix Saint-Alary de Grise Mine, par exemple, dès 1984. Pour ma part, j’ai eu mon tout premier partant chez lui, en 1985. C’était une pouliche nommée Ialdoa que nous avions achetée yearling et elle avait débuté à Longchamp avec Lester Piggott ! Un souvenir très amusant. Ensuite, j’ai eu des chevaux à l’entraînement en Angleterre puis chez Jean-Marie Béguigné et chez François Boutin. Et lorsque ce dernier nous a quittés, en 1995, j’ai transféré mon effectif chez André Fabre. C’est une relation de partenariat, et j’ai avec lui un dialogue très facile, très agréable. Comme disait un de mes amis, une fois qu’on a eu des chevaux chez lui, le reste, il y a très peu à en dire. André Fabre est tout simplement excellent. Et l’information qu’il nous donne, en tant qu’éleveurs, est un élément tout à fait essentiel. C’est donc un travail d’équipe entre ceux qui s’occupent des foals au haras, l’entraîneur, le directeur du haras et le propriétaire. »