Par Emmanuel Roussel
À la fin d’un règne long et sans partage, quand tous les ennemis ont été vaincus, les opposants soumis, les passions vécues, commence une période de doute. Quoi qu’il arrive désormais, il y aura toujours cette référence, ces palmarès remplis de Fabre, partout.
Quand François Mathet est mort, comme une pièce maîtresse tombe sur l’échiquier, on a sans doute cru qu’il n’y aurait jamais plus d’entraîneur de ce calibre. Or quatre ans après, André Fabre avait revêtu ses habits. Il ne les a plus quittés.
Aujourd’hui, lorsque l’on essaye de se projeter dans le turf de demain, c’est-à-dire à l’après-Fabre, on a encore une fois bien du mal à lui imaginer un successeur, qu’un bilan puisse surpasser le sien.
Bien sûr, d’autres entraîneurs peuvent prétendre à l’ascension, mais ce qui pourrait leur manquer, ce n’est ni le talent, ni la rigueur, ni l’intelligence, ni l’observation. C’est le vent ! Si bien conçu soit-il, quel vaisseau pourra, désormais, compter sur le souffle d’éleveurs-propriétaires comme le cheik Mohammed, Jean-Luc Lagardère, Daniel Wildenstein, l’Aga Khan, Khalid Abdullah pour faire qu’une machine aussi capricieuse qu’un hydrofoil s’extraie des embruns et vole sur l’eau ?
Le turf mondial ne manque ni de vaisseaux, ni de capitaines. Ce qui manque, désormais, c’est le vent. Le vent qui cherche son chemin en escaladant les montagnes, en dévalant les collines, en creusant la pierre et en brisant l’eau, qui éloigne les nuages, pousse le bois flotté vers un autre continent, qui teste les haubans, les mâts et les âmes, qui fait avancer mais aussi chavirer si le capitaine l’ignore, le vent qui naît quand la foule se lève, gronde et s’essouffle pour porter les chevaux. Le vent qui peut tout !
C’est lui dont on a besoin pour que triomphent nos capitaines. Ah! si seulement notre changement climatique n’était que passager…
Sans vent, pas de Fabre, pas davantage de Nelson, de Vincent ou d’Aidan O’Brien, juste des petits bateaux qui tournent dans un étang. Et nous autres qui regardons alors aussi niais et désemparés que des poules devant un maillet de polo.
Ainsi donc, bon vent, André ! Puissiez-vous nous emportiez encore assez longtemps pour que nous trouvions notre second souffle.