À la fin d ’ un règne long et sans partage , quand tous les ennemis ont été vaincus , les opposants soumis , les passions vécues , commence une période de doute . Quoi qu ’ il arrive désormais , il y aura toujours cette référence , ces palmarès remplis de Fabre , partout . Quand François Mathet est mort , comme une pièce maîtresse tombe sur l ’ échiquier , on a sans doute cru qu ’ il n ’ y aurait jamais plus d ’ entraîneur de ce calibre . Or quatre ans après , André Fabre avait revêtu ses habits . Il ne les a plus quittés . Aujourd ’ hui , lorsque l ’ on essaye de se projeter dans le turf de demain , c ’ est-à-dire à l ’ après-Fabre , on a encore une fois bien du mal à lui imaginer un successeur , qu ’ un bilan puisse surpasser le sien . Bien sûr , d ’ autres entraîneurs peuvent prétendre à l ’ ascension , mais ce qui pourrait leur manquer , ce n ’ est ni le talent , ni la rigueur , ni l ’ intelligence , ni l ’ observation . C ’ est le vent ! Si bien conçu soit-il , quel vaisseau pourra , désormais , compter sur le souffle d ’ éleveurs-propriétaires comme le cheik Mohammed , Jean-Luc Lagardère , Daniel Wildenstein , l ’ Aga Khan , Khalid Abdullah pour faire qu ’ une machine aussi capricieuse qu ’ un hydrofoil s ’ extraie des embruns et vole sur l ’ eau ?
Le turf mondial ne manque ni de vaisseaux , ni de capitaines . Ce qui manque , désormais , c ’ est le vent . Le vent qui cherche son chemin en escaladant les montagnes , en dévalant les collines , en creusant la pierre et en brisant l ’ eau , qui éloigne les nuages , pousse le bois flotté vers un autre continent , qui teste les haubans , les mâts et les âmes , qui fait avancer mais aussi chavirer si le capitaine l ’ ignore , le vent qui naît quand la foule se lève , gronde et s ’ essouffle pour porter les chevaux . Le vent qui peut tout ! C ’ est lui dont on a besoin pour que triomphent nos capitaines . Ah ! si seulement notre changement climatique n ’ était que passager … Sans vent , pas de Fabre , pas davantage de Nelson , de Vincent ou d ’ Aidan O ’ Brien , juste des petits bateaux qui tournent dans un étang . Et nous autres qui regardons alors aussi niais et désemparés que des poules devant un maillet de polo . Ainsi donc , bon vent , André ! Puissiez-vous nous emportiez encore assez longtemps pour que nous trouvions notre second souffle .