France Soir, 4/11/73, Gérard Brami
« J’ai commencé à monter à cheval à Berlin, où mon père était en poste. Ce fut une sorte de coup de foudre. Je ne montais qu’en fonction de mes résultats scolaires. Mes bonnes notes étaient récompensées par des heures d’équitation. À 21 ans, je suis arrivé à Paros pour y suivre des études de droit. Je montais toujours à cheval mais en concours hippique, où j’ai d’ailleurs obtenu quelques bons résultats sur le plan national. Les courses m’étaient complètement inconnues. Un ami commun m’a présenté Léon Gaumondy pour une sorte de stage de perfectionnement… J’avoue que je dois un peu ma licence aux événements de mai 68. Je séchais presque la totalité de mes cours pour l’entraînement et les courses. Les professeurs à l’examen firent preuve d’une grande indulgence qui arrangea bien mes affaires. »
« J’ai eu la chance de tomber sur André Adèle, un homme qui semble les avoir si bien compris que tous ses chevaux ont l’air heureux malgré l’univers concentrationnaire dans lequel ils vivent. »
« C’est un métier tellement difficile. Les grands jockeys font des tas de choses en course qui sont pour eux naturelles, mais qu’il m’est difficile de réussir, moi qui n’en suis qu’aux premiers balbutiements. »
Week-End, juin 78, Michel Bouchet
« Prendre un cheval, le dresser, lui apprendre son métier et le voir progressivement s’épanouir est évidemment ce qu’il y a de plus prenant dans cette profession. Mais il ne faut pas oublier non plus les déceptions et les coups durs inhérents au métier. J’ai la grande chance d’entraîner des chevaux que je connais parfaitement pour les avoir montés souvent à l’entraînement et en course. J’ai eu aussi, chance encore plus grande, le bonheur de côtoyer un homme de cheval dans toute l’acceptation du terme. André Adèle m’a appris tout ce que je sais mais surtout une certaine philosophie du métier que lui avait donnée sa grande expérience. »
Michel Bouchet, né et élevé à Chantilly, avait conclu son article par ces mots : « Comme son maître, ses chevaux restent longtemps dehors et ils travaillent out en douceur, en confiance, et ils ont l’air heureux. »
Paris Turf, 1982, Louis Deniel
« Si vous me demandez quels sont les artisans de notre succès, jse vous répondrais : André Adèle, ma femme et le personnel de la maison. André Adèle, trois ans après sa mort, est encore pour 80% dans les victoires de mes chevaux. Me femme, qui est chaque matin en selle, participe à tous les galops — ce qui, avec mes soixante-dix kilos, ne peut plus être mon cas. »
« Chacun sait que des bons chevaux ne le sont plus si les hommes, autour d'eux, ne sont pas de qualité. »
« Je ne considère pas qu'il y a révélation à proprement parler. En 1978, j’ai gagné vingt-quatre courses ; en 1979, quarante-quatre. Cette année, en 1980, on parle davantage de moi parce qu'il s'est agi de tiercés et d'une série heureuse. Cependant, je crois, en effet, entraîner mieux. J'applique les méthodes du « patron » (il continue de dire, à propos d'André Adèle: «le patron »). La base du travail est un galop demi-train de 1 200 m, en groupe, juste ce qu'il faut pour muscler un cheval et le mettre en souffle, sans l'écœurer. Les chevaux de qualité et qui sont prêts vont jusqu'au bout du galop sans faiblir. L'art de l'entraîneur est ce déceler, chez ceux qui faiblissent, les raisons de la faiblesse. André Adèle, qui avait fait son apprentissage, avant 1914, sous la coupe du grand entraineur américain Leigh, était, par ses méthodes, un entraîneur américain. Un autre exemple : l'alimentation. La base en est, en Europe, l'avoine à volonté. Lui considérait que l'avoine n'est qu'un complément, à rationner, et que la nourriture doit d'abord être constituée par du bon foin, tant que le cheval en souhaite. C'est encore un principe américain. Je vous assure : on allait observer, à Belmont Park ou en Californie, ce qui était à notre porte, avenue du Mesnil, à Maisons-Laffitte.
J'ai donc appliqué, quasi servilement, les méthodes d'André Adèle. Mais les résultats n'étaient pas les mêmes. Pas mauvais : je vous le dis, vingt-quatre victoires voilà deux ans ; quarante-quatre l'an passé : mais pas aussi bons. Souvent, après les galops, ma femme me le faisait remarquer : « C'est étonnant, les chevaux ne sont pas aussi bien que chez le patron ; on fait la même chose et, pourtant, ce n'est pas la même chose... »
Les chevaux, en effet, terminaient leurs 1 200 mètres, à la fois plus nerveux et moins endurcis. J’ai compris, peu à peu : je donnais le même travail mais, évidemment, pas sur la même piste, pas avec les mêmes cavaliers : le tirant du sable, le profil de la piste, la main des hommes, modifiaient sensiblement les composantes du travail. Alors, j'ai tâtonné pour retrouver l'équivalent réel de ce que nous faisions à Maisons-Laffitte. On est partis moins vite et plus du même endroit de la piste, 300 m plus loin. Maintenant, oui, le crois que je fais du « André Adèle » exactement comme André Adèle, pas seulement en apparence. »
Galop Informations, Septembre 83, Gérard de Chevigny
« Je persiste à penser que les courses américaines sont un objectif tout à fait à notre portée. (…) Cela fait mal à l’orgueil de voir débarquer dans nos « petits » Groupes 3 des concurrents anglais manifestement catalogués dans les deuxièmes zones chez eux ; c’est que, tout bons connaisseurs et juges qu’ils sont, les professionnels britanniques ne tiennent pas en bien haute estime le niveau de notre compétition ! Cela est grave. Au lieu de se lamenter sur cette fausse réputation, la seule réponse pour les Français offensés de la sorte consiste à aller affronter les Anglais chez eux. Alec Head et François Boutin le font ; il n’est d’année où ils n’aient de partants dans le Derby, les Guinées ou à Ascot. Ils courent le risque d’être battus… sans lequel on ne gagne jamais. »
« Le Français, viscéralement, n’aime ni la compétition, ni son verdict, c’est-à-dire la sélection. »
« Notre métier est presque totalement maîtrisé quand on parvient à mesurer, au mètre près, les capacités de résistance de chaque cheval. »
« Je ne cherche pas la complication. »
« Les courses, ce n’est pas la sécurité sociale. »
« S’il advient un jour que mes concurrents abdiquent en cascade sur le simple constat : « il y a un Fabre, inutile de courir », alors je serai en mesure d’évaluer ma réussite ! La réussite en France, c’est ça. Ici, l’important pour réussir, c’est qu’il y ait du gens qui disent du bien de vous. Ou vous redouter ; c’est la même chose. Je ne fais pas le papier avant de déclarer partant. Ou si peu… Ce sont mes chevaux qui décident de courir. »
Week-end, septembre 1990, François Hallopé
« Je reconnais que je n’ai pas une vision très conviviale de la vie, car je pense que dans ce métier, on réussit tout seul contre les autres. »
« Quand je me suis installé, je n’avais aucun a priori et j’ai joué le jeu avec l’ensemble des journalistes. Mais je me suis vite rendu compte que mes propos étaient ou inventés, ou déformés, ou mal interprétés. Parler la langue de bois ne m’intéresse pas et je ne suis pas cynique. J’ai donc décidé de couper les ponts. »