Le modèle des pur-sang diffère beaucoup selon leur spécialité et leur distance de prédilection. Un peu comme en athlétisme : le sprinteur au physique surpuissant aurait bien du mal à tenir le choc s’il prenait le départ d’un marathon. Quand les chevaux de 1 000-1 600 m sont globalement râblés, dominés par leur arrière-main musculeuse, les pur-sang de 2 400 m ont un physique plus longiligne et une belle épaule qui semble les projeter vers l’avant. Des études histologiques démontrent que ces différences morphologiques se déclinent jusque dans les muscles des pur-sang. Richard Corveller, vétérinaire à la clinique équine de Meslay du Maine, explique : « Les fibres musculaires conditionnent l’aptitude des chevaux. Celles d’un sprinter se contractent vite mais durant un temps court, à l’inverse de celles d’un cheval de tenue. Leur cœur lui-même a des capacités différentes. » Ce potentiel physique s’hérite et le travail de l’éleveur consiste à l’orienter et l’affuter en fonction du but recherché. Prenons le cas de Sottsass, vainqueur du Prix de l’Arc de Triomphe 2020 à 4 ans, après s ’ être classé 3e de l’édition précédente. Son propre frère Shin Emperor sera au départ de la course reine le 6 octobre prochain sous bannière japonaise.
L’étalon Éclipse, véritable « Adam » des pur-sang puisqu’on le retrouve quasi-systématiquement dans le pedigree des chevaux contemporains, était doté d’un cœur énorme. L’autopsie du champion né en 1764 a révélé un palpitant de 6,4 kilos quand le poids habituel du cœur d’un cheval de course oscille entre 3 et 5 kilos. La poitrine des cracks Phar Lap et Secrétariat abritait également un cœur énorme. Diverses études scientifiques contemporaines démontrent une corrélation entre la distance de prédilection d’un cheval, son degré de performance et la taille de son cœur. Le ventricule gauche, qui renvoie dans le corps par le biais de l’aorte le sang préalablement oxygéné dans les poumons, est le principal objet des études. Le volume diastolique final ( volume du cœur lorsqu’il est rempli de sang ) et le volume d’éjection systolique ( volume de sang renvoyé dans le corps quand le cœur se contracte ) sont plus élevés chez les chevaux s’exprimant sur 2 000 m et plus que chez les sprinteurs. Ces derniers ont globalement une paroi cardiaque légèrement plus épaisse et des cavités légèrement moins volumineuses que les chevaux de tenue. Une étude anglaise menée à Cambridge et Newmarket en 2005, portant sur 483 pur-sang à l’entraînement, a démontré que le volume du ventricule gauche du cœur était plus important de 8 à 16 % chez les chevaux d’obstacle par rapport à ceux courant en plat sur des distances courtes. L’étude conclut aussi que le cœur des chevaux évolue physiquement sous l’effet de l’entraînement afin de mieux s’adapter à l’effort demandé. Le rôle de l’entraîneur dans le « formatage » du jeune galopeur est donc bien un élément-clé.