L’an dernier, la casaque bleue, toque jaune, qui rappelle le blason familial des Rothschild, a conclu la saison de plat en 13e position selon les gains et primes. 12e en 2015, l’année d’Esotérique, 221e cinq ans plus tard, puis 110e, 71e et, donc, 12e hier. L’écurie associée au Haras de Meautry a été représentée, au gré des dix dernières années, par 12 à 23 chevaux. Le nombre de ses succès oscille sur cette même période entre 5 et 18. En 2024, elle est, des onze premières au classement français, celle qui a présenté le moins de chevaux en piste. Avec un tel effectif, l’aléa est important. Des locomotives comme Méandre, Esotérique et, ces deux dernières saisons, Mqse de Sevigné, tous gagnants de Groupe 1, propulsent les allocations et les couleurs dans le peloton de tête. Quand, en revanche, l’équipe n’a plus de meneur, les statistiques stagnent.
Deux fois lauréate des deux Gr1 de femelles du meeting de Deauville, Mqse de Sevigné est aujourd’hui, avec le prometteur Alcantor, le porte-drapeau de la casaque Rothschild. La mère de la championne, Penne, occupait, avant cet avènement, une place de choix dans la chronique de Meautry : « C’est une fille de Sèvres Rose, rappelle Édouard de Rothschild, qui a annoncé en septembre la mort de cet étalon. Il était extrêmement bien né, puisqu’il était issu du croisement d’Indian Rose, gagnante du Vermeille, et de Caerleon, lui-même un très bon étalon de Coolmore. Mon père adorait ce croisement, mais le cheval n’avait pas pu courir. Il s’est dit, tant pis, je l’utiliserai comme étalon. Et ça a plutôt bien marché ! Sèvres Rose a sailli peu de juments, évidemment, et il a fait de bons chevaux malgré tout. Penne, elle, a d’abord donné Méandre. Il n’a pas gagné à 2 ans car il a mis beaucoup de temps à venir, et il a couru plusieurs fois à cet âge. Il était prêt à courir, mais il était assez délicat. Tout son potentiel n’avait pas été révélé. Et puis, à 3 ans, il a très bien gagné le Prix de l’Avre, et la logique voulait qu’il courre ensuite le Grand Prix de Paris, qu’il a remporté. Puis le Grand Prix de Berlin et le Grand Prix de Saint-Cloud, avant de poursuivre ailleurs ses aventures. »
Mqse a sans doute plus de classe,
plus de vitesse que Méandre
Onze ans plus tard, c’était au tour de Mqse de Sevigné de flatter l’héritage de Penne. Partie sur 2 000 mètres jusqu’au début de sa saison de 4 ans, c’est finalement sur le mile qu’elle a gagné ses propres lettres de noblesse. Elle quittera la compétition, dimanche soir, après un baroud d’honneur sur les 2 400 mètres du Qatar Prix de l’Arc de Triomphe, dans la lignée de Luth Enchantée, miler de premier plan finalement 3e de l’Arc en 1983, ou plus récemment Persian King, 3e de l’Arc 2020 après avoir fait sa carrière sur 1 600 mètres. « Mqse a sans doute plus de classe, plus de vitesse que Méandre, estime Édouard de Rothschild. Nous avions décidé, avec André Fabre (entraîneur de Persian King, ndlr), de la garder à l’entraînement à 5 ans dans le but de préparer l’Arc avec elle. C’est quand même une jument d’un grand gabarit, qui s’est visiblement bien aguerrie à 4 ans et encore plus à 5 ans. Ses origines ne sont pas incompatibles avec un tel objectif. Et puis, les anciens qui couraient leurs bons 3 ans sur 1 600 mètres avec la « Poule d’Essai » ou les « Guinées », allaient ensuite sur les 2 000 mètres avec le Prix Lupin, par exemple, puis le « Jockey Club » ou le « Derby » sur 2 400 mètres. Et après ça, ils poussaient même jusqu’à 3 000 mètres pour le Grand Prix de Paris. Au fond, ce que nous faisons aujourd’hui, c’est ce que n’importe quel éleveur classique aurait fait avec un 3 ans de premier plan jadis. »
La casaque Rothschild est née pratiquement en même temps que les courses en France, à travers le Jockey Club. Elle est peut-être aujourd’hui la plus ancienne encore en activité sous son nom original. Bientôt bicentenaire, ce n’est pas le moindre des héritages que Mqse de Sevigné porterait aujourd’hui à ParisLongchamp, et nulle autre victoire, par son histoire et sa nature, ne servirait autant les traditions.