L'ère Fabre N°1 Octobre 2024 | A la une

Témoignage

Le courtier Frédéric Sauque est associé au premier grand succès d’André Fabre comme entraîneur de plat, à savoir Al Nasr, gagnant du Prix d’Ispahan 1982, qui a décidément marqué le début de sa carrière classique .

« J’ai connu André parce que Moufid Dabaghi, propriétaire libanais, et moi, avions une jument à l’entraînement chez André Adèle et qu’elle s’est blessée après avoir gagné une course. Et M. Adèle nous a conseillé de mettre des chevaux chez ce jeune entraîneur, André Fabre, qui venait de s’installer et allait devenir un grand professionnel. Il ne s’était pas gouré ! » « Avant les ventes, j’étais allé faire un tour au Haras d’Etreham, chez Roland de Chambure, et j’étais tombé sur un poulain magnifique. À tel point que je me suis dit qu’on ne pourrait pas l’acheter. Il était annoncé comme le top des ventes. Bien né, beau et avec du tempérament. Le jour des ventes arrive, en nocturne avec le nœud papillon, et je commence à enchérir sur un cheval assez cher. Au-dessus d’un million de francs à l’époque. M. Dabaghi et moi étions assis juste deux rangs en dessous de Mahmoud Fustok. Ils se mettent à parler en arabe. Ils se connaissaient très bien et personne ne comprenait ce qu’ils disaient. C’était Fustok qui lui demandait d’arrêter d’enchérir contre lui. M. Dabaghi m’a donc demandé d’abandonner. Le marteau est tombé. Je crois que c’était un million deux ou un million trois. Ça arrive. Et le fameux poulain d’Étreham entre sur le ring peu après. À 500 000 francs, personne ! Je crois que je l’ai acheté 550 000 francs ! On l’annonçait comme le top price, et il est acceuilli par un silence de mort... Malgré tout, M. Dabaghi s’était retourné pour dire à Fustok : « celui-là, il est pour moi ! » Ce qui s’était passé, c’est que quelques jours avant la vente, le yearling s’était mis un petit coup dans un boulet. Rien de méchant mais bon. On n’avait pas de radios, à l’époque, et ça avait refroidi du monde. Le poulain est parti chez André Fabre. Il était déjà un cran au-dessus de beaucoup d’entraîneurs. Le meilleur de France et un des meilleurs dans le monde. Il n’a rien fait de spécial. Il a juste pris son temps. André Fabre lui a fait une carrière à l’économie mais, comme on était partis très fort ensuite on est allé courir le Derby d’Epsom. Piggott nous avait couru parce qu’il voulait le monter. On a fêté la victoire… la veille, à Londres ! Mais ça n’a pas été du tout. C’était l’année de Shergar et on a fini loin. On ne sait pas ce qui s’est passé. Le cheval soufflait beaucoup. On n’a jamais compris. »

« André Fabre a changé le jour où il s’est rendu compte de son pouvoir. Parce qu’avant ça, il était sympa. On a bien rigolé, quand on a fait l’Amérique ensemble. Avec lui, ça a duré dix ans. Oui, c’est quelqu’un qui pouvait être marrant à l’époque. Il a très vite constitué une grosse écurie parce que je pense que c’est son mode d’expression. André Fabre est assisté par son épouse, certes, mais je crois que c’est quelqu’un qui peut très bien entraîner beaucoup de chevaux. »