Il va y avoir du sport N°6 Mars 2025 | Arabians

CELUI QUI ÉCRIT L’HISTOIRE
Par Cécile Adonias

Al Ghadeer est le meilleur pur-sang arabe de tous les temps et le premier cheval de l’histoire à remporter deux fois la prestigieuse Triple Couronne à l’issue d’une somptueuse victoire dans le Gr.1-PA HH The Amir Sword sur les 2 400 mètres d’Al Uqda le 16 février dernier. Celui qui défend les couleurs d’ Al Shaqab Racing au plus haut niveau est un fils d’Al Mourtajez, qui ne cesse lui aussi d’affoler les statistiques en tant qu’étalon. François Rohaut parle de son champion, cheval d’une vie.

Galorama. Al Ghadeer et vous réalisez un exploit. Une semaine après, comment vous sentez vous ? Comment va Al Ghadeer ?
François Rohaut.
Al Ghadeer va bien. Il est en vacances au Haras de Lauze aux bons soins de l’équipe de Thomas Fourcy et Yann Creff. Il va passer deux mois là-bas. C’est mérité, et il a besoin de recharger les batteries pour repartir de plus belle. Pour ma part, je vais bien. Je suis soulagé, soulagé du travail bien fait, du travail de toute l’équipe et que tout se soit bien passé. Nous étions sereins et le cheval nous l’a bien rendu.

G. Qu’avez-vous ressenti lors de sa victoire ?
F.R.
Soulagement, c’est vraiment le mot ! Malheureusement, tout ne s’est pas bien déroulé à Doha. Les évènements, les soucis avec la piste, le mouvement des jockeys, qui était compréhensible, ont entrainé des changements. Les bonnes décisions ont été prises par le Cheikh Joaan Bin Hamad Al Thani et ses équipes pour que les courses puissent avoir lieu dans de bonnes conditions.

G. Entraînez-vous de manière différente Al Ghadeer des autres PSAR (pur-sang arabes) ?
F.R.
Al Gadheer suit le même entraînement que tous les autres pur-sang arabes. Il n’y a que les galops sérieux où nous avons besoin d’un pursang pour l’emmener jusqu’au bout. Il connait bien son métier et, avec l’âge, il prend la vie du bon côté et se préserve. Si nous le travaillons avec un pur-sang arabe, il va l’écœurer et ce n’est pas le but. Les arabes marchent beaucoup au moral, c’est important de les avoir bien mentalement parlant.

G. En quoi Al Ghadeer est-il différent des autres chevaux : physique, mental ?
F.R.
Il est différent ! Il n’est pas très grand, mais il est compact avec une superbe ligne de dos et une arrière-main puissante. Chez les arabes, c’est un modèle un peu différent. C’est peut-être ce qui fait la différence d’ailleurs. Il est parfait et remplit tous les critères d’un cheval qu’on espère avoir dans une écurie.

G. Vous entraînez depuis longtemps des PSAR, comment la race a-t-elle évolué au cours de ces dernières années ?
F.R.
Depuis que les éleveurs français vendent des chevaux et qu’ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient gagner de l’argent, ils ont changé beaucoup de paramètres, comme la gestion de la terre, de l’alimentation et bien d’autres. Les chevaux ont grandi, ils ont pris de la profondeur et ont plus d’os. Ils sont devenus plus forts, plus puissants et par conséquent, les chronos se sont envolés ! Au début, on recevait des chevaux presque sauvages, un peu compliqués et, au fil des années, ils sont devenus gentils et lutteurs. L’intérêt des pays du Golfe pour l’élevage français a permis une progression énorme de la race.

G. Diriez-vous que les PSAR vont plus vite de nos jours ?
F.R.
Oui, oui ! C’est sans comparaison ! Nous ne pourrions même pas les mettre ensemble. C’est tellement différent, rien que par l’entraînement qui n’est plus le même non plus. Il faudrait demander à Jean-Pierre Totain si Danzina pourrait se confronter aux arabes actuels. C’était une championne à son époque. Mais je pense qu’il y aurait un écart énorme. Maintenant, la race s’est stabilisée et il n’y a plus grand-chose à améliorer. Je pense qu’il n’y aurait pas beaucoup d’écart entre des champions comme Al Mourtajez, Ebraz et Al Ghadeer.

G. Cela a-t-il une implication sur le risque de blessure ?
F.R.
Nous n’avons quasiment pas de problèmes tendineux chez les arabes si nous faisons attention et que nous respectons leur croissance. Leur formation est plus tardive. Ils partent au débourrage au printemps de leurs deux ans, retournent à l’herbe pendant l’été et ne partent à l’entraînement qu’à l’automne. Nous leur laissons le temps de murir sans trop subir d’effort. Certains pourraient probablement courir à deux ans, mais il y aurait des blessés. De manière générale, ils sont plutôt sains et solides. Ils ont de l’os. Il y a également peu de problème de saignement comme ils sont plus matures. Nous avons, comme pour les pur-sang, des sores shines (blessures). Mais il suffit de prendre son temps et de les laisser s’endurcir. Par ailleurs, ils ne peuvent pas courir à répétition en France. Le programme est construit de telle manière qu’ils ont un temps de récupération plus long entre chaque course.

G. Quel programme Al Ghadeer va-t-il suivre en 2025 ? Allez-vous tentez une troisième triple couronne ?
F.R.
Nous n’avons pas beaucoup d’alternatives. Goodwood est une évidence, car le festival est sponsorisé par le QREC mais aussi parce qu’il est sur sa meilleure distance. Il est imbattable sur 1 600m. Puis nous irons certainement sur le Qatar Prix Dragon et sur la Qatar Arabian World Cup. Courir lors du week-end de “ l’Arc,” c’est également une évidence. ParisLongchamp, c’est son jardin, il est devant son public. C’est que du bonheur d’être à Longchamp avec lui. Je pense qu’il est important de noter qu’il a été élu deuxième meilleur cheval de l’année par les lecteurs de Jour de Galop. Un pur-sang arabe qui arrive à ce niveau de reconnaissance, ça a une signification ! Il a fait beaucoup pour sa race. Nous avons réfléchi à intégrer d’autres courses à son programme. C’est un peu délicat d’aller à la Saudi Cup, une semaine après le H.H Amir Sword Festival. Cela n’a pas trop de sens, surtout pour le bien-être du cheval. Aller à Abu Dhabi en décembre, c’est également compliqué. Il y a beaucoup d’aléas sur cet hippodrome où il y a toujours de nombreux partants. Tout peut arriver. La seule course qui pourrait convenir est la Dubai Kahayla Classic (Gr.1 PA), sauf création de nouvelles épreuves de ce niveau. Mais le plus important est de préserver l’intégrité physique et moral d’ Al Ghadeer . Il faut qu’il conserve son envie de gagner. Et tant qu’il l’aura, il sera imbattable. C’est le cheval d’une carrière !