Chaque mois, nous posons quatre questions à quatre personnalités des courses que nous estimons susceptibles d’apporter des éclairages différents sur des sujets d’actualité.
NICOLAS DE LAGENESTE
ÉLEVEUR-PROPRIÉTAIRE-ENTRAÎNEUR,
PHILIPPE DECOUZ
ENTRAÎNEUR À CHANTILLY
NICOLAS CAULLERY
ENTRAÎNEUR À CHANTILLY
EMMANUEL ROUSSEL
JOURNALISTE
ont accepté de livrer leur verdict.
1. Avez-vous suivi le meeting d ’ hiver à Vincennes et quel souvenir pensez-vous en garder ?
2. Que vous a inspiré la disparition du Prince Aga Khan ?
3. Que pensez-vous des dissensions entre le trot et le galop ?
4. La SETF pourrait quitter Vincennes et reproduire ses installations à Enghien . Que cela vous inspire-t-il ?
1. Je suis régulièrement les courses de trot et j’ai pas mal de relations particulièrement sympathiques dans ce milieu. J’ai aussi une jument et des parts sur des chevaux à l’entraînement. Le Prix d’Amérique a encore une fois été une très belle réussite. L’atmosphère et l’ambiance qui règnent à Vincennes ce jour-là sont uniques. Nous avons certainement des leçons à prendre dans ce domaine…
2. J’ai toujours adoré les familles de l’élevage de l’Aga Khan, et je les ai toujours recherchées. C’est une référence et une garantie de fiabilité, le résultat d’une sélection rigoureuse sur plusieurs générations et un investissement constant. Nous travaillons tous à sélectionner notre élevage et celui de l’Aga Khan est un modèle, évidemment.
3. Je craignais une telle situation depuis longtemps et c’est très regrettable. Nous vivons aujourd’hui sous le même toit et nous n’avons toujours pas de vrai service en commun.
4. Je trouve que c’est dommage. Le site de Vincennes est une vitrine internationale, mais je comprends qu’il faille mettre tous les atouts de son côté pour négocier avec la Mairie de Paris.
1. J’ai suivi le Critérium des Jeunes cet hiver et j’ai trouvé ces chevaux incroyables. Mais j’avoue que je n’ai pas souvent le temps de suivre tout ça, à quelques exceptions près.
2. Plus qu’une figure du galop, c’est un symbole qui disparaît pour beaucoup de personnes dans le Monde, et un véritable homme de paix. En mécène qu ’il était, il a beaucoup fait pour les courses et c’est une lourde perte pour nous tous.
3. Il me semble que ces dissensions sont à l’étage au-dessus du nôtre. C’est du côté des institutions qu’il y a un problème entre le trot et le galop, pas entre les professionnels. J’ai même le sentiment que l’on s’entend bien.
4. Au-delà de ce projet, je pense que nous n’aurions pas dû quitter Enghien. Il y avait des économies d’échelle à réaliser avec SETF et nous aurions pu gérer ce site à deux. Et nous aurions eu plus de poids en négociant ensemble.
1. Je suis allé à Vincennes pour le Prix d’Amérique et j’ai pu revoir mes amis du trot. J’en ai beaucoup car, enfant, dans le Nord, je jouais avec certains d’entre eux sur les hippodromes. Quand je vais aux courses, je passe mon temps à discuter et je n’ai pas vraiment le temps de regarder les courses. On parle un peu boutique, personnel et tout ça, mais pas de ce sujet-là. Un jour, à Avranches, je rencontre Jean-Claude Hallais qui vient me parler gentiment. J’étais aussi impressionné qu’à l’époque où j’étais gamin, mais il ne pouvait pas deviner ce qu’il représentait toujours à mes yeux. J’ai vu l’évolution du trot au fil des ans, la monte, les chronos, les sulkies. Ils ont beaucoup avancé !
2. On avait beau s’y attendre, ça fait toujours un choc. Il nous quitte à un moment délicat, car on a parfois l’impression de ne pas savoir où nous allons. Une telle inspiration, ça va nous manquer. Il a tant fait à Chantilly pour le château, l’hippodrome… Il faisait vivre tant de gens ici. Il faut voir ce qui va se passer maintenant.
3. Je n’ai pas vraiment suivi cette affaire. Et quand je suis allé à Vincennes, on ne m’en a pas parlé, ni chez les jeunes, ni chez les plus âgés.
4. Vincennes, c’est un mythe, et c’est toujours difficile à casser. Mais quand je vois ce qui s’est passé à Lille après qu’on a quitté le stade Grimonprez- Jooris, personne ne le regrette aujourd’hui. Beaucoup d’enceintes sportives énormes ont été abandonnées ou complètement refaites, et c’est en général pour le meilleur. Il ne faut pas se braquer. S’ils peuvent faire de belles pistes et des espaces capables d’accueillir d’autres manifestations, pourquoi pas ? Parfois, il faut casser le mythe pour avancer.
1. Le déroulement des courses a beaucoup évolué. J’ai parfois l’impression de retrouver les courses de Yonkers mais sur une piste deux fois et demie plus grande. C’est intéressant car c’est très tendu, très tactique, et je comprends pourquoi désormais, seuls des drivers de très haut niveau ont leur chance. Il faut aussi souligner les succès des équipes de la communication et du marketing de la SETF, emmenées par Valérie François.
2. Cette casaque fait partie des repères des courses en Europe, et le fait que l’Aga Khan lui-même présidait aux destinées de son élevage garantissait un investissement pérenne. La princesse Zahra se retrouve à la tête d’un monument vivant, et il est rassurant de constater que la passion familiale ne s’est pas éteinte avec le décès de son père. Lorsqu’on voyage dans des pays en difficulté en Orient, son nom apparaît un peu partout, devant une école ou un hôpital. On réalise combien ce rôle est important pour des millions de gens dans le besoin.
3. S’il faut négocier, négocions. J’ai toujours été à cheval entre les deux mondes, et je comprends les deux visions. C’est d’abord un débat culturel, ancien et sous-jacent, entre deux managements très différents. Il me semble légitime de vouloir remettre les choses à plat, pour qu’elles gagnent en clarté et en efficacité. Partons de l’intérêt général de la filière et travaillons vers ce but commun. Or le seul problème des courses, aujourd’hui, c’est le chiffre d’affaires des paris hippiques. Il faut l’aborder d’un point de vue quantitatif, pour assurer le financement de l’activité, et d’un point de vue qualitatif, pour que le pari hippique retrouve sa place dans notre société contemporaine.
4. Je suis toujours attristé lorsque l’on touche ou abandonne un des sites où j’ai découvert les courses. J’aime ce qui est vieux, ce qui est patiné, même un peu de travers. Je déteste la destruction, le maquillage et la chirurgie esthétique.