Il va y avoir du sport N°6 Mars 2025 | Obstacle

CHELTENHAM FESTIVAL DE LÉGENDES

« Cheltenham est l’apothéose, c’est l’endroit où tu souhaites gagner. C’est le meilleur amphithéâtre des courses. C’est l’endroit le plus difficile pour vaincre et c’est aussi le plus important ». Celui qui en parle n’est autre que le plus grand jockey de tous les temps, lauréat de 4 358 courses sur les obstacles, sacré Champion Jockey à 20 reprises, vainqueur de deux Gold Cup à Cheltenham, d’un titre dans le Grand National et celui de personnalité de l’année accordé par la BBC Sports. Jacob Pritchard-Webb a rencontré Sir Anthony McCoy OBE le temps d’une interview aussi unique que passionnante qui retrace sa carrière depuis sa première victoire en 1992.

« Même dix ans après sa retraite, il y a toujours une part en lui qui rêve d’enfiler de nouveau la célèbre casaque verte et or ». L’homme de légende est depuis représentant de la tout aussi célèbre casaque de JP McManus et évoque les meilleures chances de pour Cheltenham.

« C’est Noël en mars pour cette jolie ville de style Regency (début du XIXe siècle) » où Emmanuel Roussel retrace, quant à lui, cette folie douce du 11 au 14 mars dans la campagne anglaise pour une immersion complète dans ce légendaire Festival.

READY TO ROOOAR ?

SIR ANTHONY MCCOY, LA GRANDE INTERVIEW
Par Jacob Pritchard-Webb

« Il est, selon moi, une légende vivante ». Jacob Pritchard-Webb a rencontré le légendaire jockey Sir Anthony McCoy le temps d’une interview à quelques semaines du grand rendez-vous de Cheltenham , apothéose des courses d’obstacles outre-Manche. Entrevue avec le plus grand jockey de tous les temps.

Les légendes des courses s’écrivent par leurs exploits et les records qu’elles pulvérisent. Les lauréats sont idolâtrés et célébrés au sein d’un sport où il n’y a pas de place pour les deuxièmes. L’histoire des courses compte de nombreux noms qui ont marqué leur époque, que ce soit en plat ou en obstacle. Ils sont immortalisés par des statues, des peintures ou des livres, mais un seul homme a suffisamment accompli pour mériter, et recevoir, ces trois hommages à la fois. Le débat sur qui est le plus grand jockey de tous les temps divise tous les passionnés, que l’on soit du côté de Lester Piggott ou Willie Carson, ou de celui de Frankie Dettori ou Ryan Moore. Un homme se détache de tous les autres en revanche, tant son palmarès est incomparable et indiscutable. Je parle évidemment de Sir Anthony McCoy OBE. Champion des jockeys à 20 reprises, incontestable héros crédité de 4 358 victoires, dont deux Gold Cup à Cheltenham, un titre dans le Grand National et même celui de la personnalité de l’année accordé par la BBC Sports.

Une éthique de travail inégalée
AP McCoy fut l’un des jockeys les plus acharnés et déterminés que ce monde ait connu, et ce depuis sa première victoire en 1992 à l’âge de 17 ans. À partir de cet instant, il n’a jamais pris de jour de repos, de peur de relâcher son effort, ou de ne pas être à la hauteur de ce qu’il souhaitait. J’ai eu la chance de le rencontrer quelques fois depuis ma blessure en sa qualité de Président du Injured Jockeys Fund. Une autre facette de sa personnalité que peu de personnes ont vu, c’est qu’il ne se soucie pas seulement du sport, mais également des personnes qui le composent et qui prennent les mêmes risques que lui. À la différence que certains ne sont pas relevés.

UN HOMME SE DÉTACHE DE TOUS LES AUTRES EN REVANCHE, TANT SON PALMARÈS EST INCOMPARABLE ET INDISCUTABLE.
Jacob Pritchard-Webb

Quand je le retrouve dans l’espace presse de l’hippodrome d’Ascot pour l’interview, AP a déjà monté deux lots le matin avant de venir aux courses pour représenter son allié de longue date, JP McManus, et son protégé Corbett ’ s Cross qui terminera deuxième du Grade 1 Ascot Chase. Il n’est pas abattu, mais il a conservé sa légendaire flamme de compétiteur. Même dix ans après sa retraite, il y a toujours une part en lui qui rêve d’enfiler de nouveau la célèbre casaque verte et or. Quand je lui demande des nouvelles de ses enfants, il répond avec humour : « Ils continuent de coûter cher ». Sa fille, Ève, est en Belgique avec quatre chevaux de saut d’obstacles et il semble que la pomme ne soit pas tombée bien loin de l’arbre quand il s’agit de monter à cheval. Alors qu’elle s’apprête à célébrer ses 16 ans cette année, je lui demande ce que cela lui fait d’être arrivé au même âge chez Jim Bolger pour ses débuts. « C’était un de ces endroits où on venait pour apprendre, et on apprenait vraiment.

NOUS PARTAGIONS TOUS LES DEUX LA MÊME VISION DU SPORT, POUR GAGNER ET NON SEULEMENT POUR FIGURER.
AP McCoy

Il entraînait d’excellents chevaux, en plat comme en obstacles, et il avait une équipe incroyable. Aidan O’Brien était son assistant, il y avait aussi David Wachman, Christy Roch, Kevin Manning, Seamus Heffernan et Paul Carberry. Ils savaient tous monter, et je veux dire vraiment monter. Ils ne se gênaient pas pour te faire savoir si tu faisais une erreur. C’était un peu comme l’armée, mais on en ressortait avec un savoir énorme ».

Un destin à l’obstacle scellé
Jim Bolger lui donne sa première monte en tant qu’apprenti sur le plat, et c’est de là qu’il espère bâtir son avenir. Une fracture de la jambe lors d’un galop du matin changera son destin puisqu’il reviendra avec trop de poids, et sera contraint de se tourner vers l’obstacle. Ses souvenirs de ses anciens collègues éclairent son visage d’un sourire, une liste des personnes auprès desquelles il a appris et travaillé qui formerait une équipe de rêve. Mais il ne laisse pas le temps de s’attarder sur ces souvenirs, qu’il enchaîne déjà sur la prochaine étape de sa carrière : « J’ai déménagé en Angleterre en 1994 pour travailler chez Toby Balding, réputé pour avoir entraîné des lauréats de la Gold Cup et du Grand National. C’était une famille très ancrée dans les courses et Toby était un homme extraordinaire, un vrai meneur d’hommes avec un charisme naturel. C’était un entraîneur exceptionnel, mais qui savait aussi communiquer avec les autres et c’est quelque chose qui m’a profondément marqué. Il m’a beaucoup enseigné sur la capacité de savoir se vendre et de donner envie aux gens de te faire confiance ». Avec un job dans les médias à présent, il est indéniable de voir l’importance de ces deux années et à quel point elles ont façonné l’homme qu’il est aujourd’hui.

« J’ai été Champion avec Toby durant mes deux années avec lui et j’ai battu le record d’Adrien Maguire avec 74 gagnants en une saison. C’était une superbe époque. Je montais également pour Paul Nicholls et Philip Hobbs durant la saison 1995/96 et un jour, David Bridgewater a décidé de quitter Martin Pipe. C’est ainsi que je suis devenu son premier jockey et que j’ai monté pour lui durant sept années ».

Quête vers les sommets
Cette collaboration propulse AP encore un peu plus vers les sommets, lui permettant de décrocher le titre de Champion Jockey dès sa première saison. Elle signera une dominance dans le sport pendant 20 ans. Aux côtés de Martin Pipe, son nom commencera à s’inscrire dans les livres des records. Avant la fin de la décennie, il portera un nouveau record de 253 gagnants en obstacles en une saison, égalera le record de 5 vainqueurs lors du Festival de Cheltenham en 1998 et deviendra le jockey le plus rapide à décrocher 100 gagnants en une saison en 2001. « Martin était juste différent, un vrai génie qui était unique dans tout ce qu’il entreprenait. Il avait une discipline et une rigueur inégalées, et il savait l’importance de la victoire et nous partagions tous les deux la même vision du sport, pour gagner et non seulement pour figurer. Il trouvait toujours un moyen de gagner, de nouvelles approches pour atteindre la victoire et progresser grâce à une discipline propre qui faisait toute la différence. Il détaillait tout, tout était noté, enregistré, il n’y avait aucune place pour l’approximation et c’est ce qui l’a emmené aussi loin dans ce sport. Je pense que s’il entraînait encore aujourd’hui, il serait toujours intouchable ».

Le tandem avec JP McManus
Quand une personne à l’image d’AP parle aussi élogieusement de quelqu’un, on écoute et on prend des notes. Martin Pipe sera un acteur primordial de la vie d’AP, lui donnant des directions et l’emmenant invariablement à la victoire, étape après étape. Ils auront passé sept incroyables années, jusqu’à l’arrivée de JP qui s’imposait déjà comme l’un des propriétaires majeurs des courses d’obstacle. « J’avais en fait déjà monté quelques gagnants pour lui – le tout premier était Mayasta à Punchestown en 1996, et elle s’avère être la mère de Synchronised avec qui j’ai remporté la Gold Cup pour JP. J’ai vu qu’il augmentait le nombre de ses chevaux et un jour, il m’a demandé si je voulais travailler pour lui. C’était aussi simple que cela ».

IL LUI FAUDRAIT MOINS D ’ UN BATTEMENT DE CŒUR POUR ÊTRE DE NOUVEAU EN SELLE SUR QUELQUES-UNS DES MEILLEURS CHEVAUX DE JP COMME FACT TO FILE OU MAJBOROUGH .
Jacob Pritchard-Webb

Pour la plupart, cela aurait été un simple oui. « J’avais atteint un âge et un stade dans ma carrière où la perspective d’aller en Irlande et de monter un peu plus me séduisait. J’avais le sentiment que tout le monde pouvait devenir Champion Jockey en montant pour Martin, et bien que cela ne soit pas un challenge, monter pour lui était un gros avantage. C’était quelque chose de nouveau avec JP, avec un fort potentiel, et j’ai aimé l’ambition associée. Je l’ai apprécié en tant que personne, et il voulait progresser et accroître le nombre et la qualité de ses chevaux ». C’est en selle sur l’un des chevaux de JP qu’il signera son 4 000 gagnant, associé à Montain Tunes pour Jono O’Neill à Towcester. Un homme qui ne s’accorde jamais un jour de repos devait avoir quelques doutes en quittant celui qui lui aura donné 7 titres consécutifs de Champion jockey. « Bien sûr, il y avait une part de doute, mais il y avait aussi beaucoup de chevaux que je pouvais monter et probablement de meilleurs chevaux, bien que la qualité se soit encore accrue depuis que j’ai raccroché les bottes ». Cela le fait rire, et un récent article où il indique qu’il pourrait toujours être champion jockey s’il avait encore l’opportunité de monter, me fait penser qu’il lui faudrait moins d’un battement de cœur pour être de nouveau en selle sur quelques-uns des meilleurs chevaux de JP comme Fact to File ou Majborough. Le choix de JP lui aura certainement donné la chance de monter de meilleurs chevaux, pas autant que ceux qui s’annoncent actuellement au Festival de Cheltenham et avec le grand rendez-vous qui approche, je me demande quels sont ses souvenirs de monte. « Cheltenham est l’apothéose, c’est l’endroit où tu souhaites gagner. Tous les sportifs ont un égo et si tu as la chance de monter ici, devant 70 000 personnes et de gagner, cela te donne la plus grande des émotions. Cheltenham est le meilleur amphithéâtre des courses où tout le monde souhaite gagner. C’est l’endroit le plus difficile pour vaincre, et aussi le plus important ». Chaque mot de ses réponses m’ayant tellement captivé, que j’en ai oublié mes questions suivantes. C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que cet homme avait un amour pour le sport et pour la gagne comme personne d’autre. Un cheval tient cependant une place particulière dans son cœur, Synchronised . « Il m’a offert ma victoire la plus forte en émotions en gagnant la Gold Cup. Sa mère nous avait offert, avec JP, notre premier succès. C’était d’autant plus spécial qu’un de ses produits, élevé par Noreen, la femme de JP, nous offre notre plus belle victoire ensemble. C’est ce jour-là où j’ai quitté l’hippodrome en me disant “c’est ce que j’étais destiné à réaliser”, bien que j’ai remporté de nombreuses courses importantes précédemment, dont le Grand National. Mais ce jour où j’ai quitté Cheltenham, le vendredi avec le trophée de la Gold Cup, a été le premier jour où j’ai réalisé ce que j’avais accompli, ce pour quoi je travaillais et ce pour quoi il m’avait embauché ». JP l’avait embauché pour monter des chevaux et gagner des courses autour d’un champ de courses, mais l’image d’AP portant les couleurs vertes et or ne cessera de faire battre les cœurs. Il est devenu, selon moi, une légende vivante.

AU CŒUR DU FESTIVAL DE CHELTENHAM AVEC LES COULEURS VERTES ET OR
Par Jacob Pritchard-Webb

Jacob Pritchard-Webb a poursuivi la conversation avec AP McCoy à quelques semaines de Cheltenham autour des chances de JP McManus pour le grand rendez-vous.
Interview réalisée le 20 février dernier

SUPREME NOVICES’ HURDLE

Kawaboomga
Deuxième de Kopeck des Bordes pour ses débuts. Il semble être la meilleure chance de nos engagés depuis qu’il a remporté sa deuxième sortie. Il a tout bien fait et s’est montré impressionnant. Je l’aime beaucoup.

Kel Histoire
Il a débuté victorieusement pour nous à Cork de manière très plaisante, et a ensuite tenté sa chance dans un Grade 2 pour Novice Hurdle lors de sa deuxième sortie où il a terminé deuxième de Salvator Mundi. Il est entraîné par la bonne personne et a le droit de tenter sa chance en progressant encore.

Irancy
Agé de 7 ans, il a pris du temps avant de débuter pour nous et n’a pas démérité en terminant troisième de Firefox. J’ai apprécié sa façon de gagner par 9 longueurs à Punchestown en dernier lieu dans un maiden hurdle, et il peut encore progresser pour être compétitif.

ARKLE CHALLENGE TROPHY NOVICES’ CHASE

Majborough
Il faudra un cheval exceptionnel pour le battre ” Il a tout pour lui, il voyage bien, il a gagné le Triumph Hurdle et possède une belle vitesse de croisière. Il a fait quelques erreurs de novice à Leopardstown, mais il en a tiré des leçons. Avec l’absence de Sir Gino, il faudra un cheval exceptionnel pour le battre. C’est un vrai cheval de course.

TURNERS NOVICES’ CHASE

The New Lion
Rien ne donne envie d’aller contre. Il voyage bien, il a remporté un Grade 1 et, même si la forme du Challow est parfois remise en question, de nombreux bons chevaux ont gagné cette course. Pas de point négatif, les Skelton sont très satisfaits de lui. Je l’aime bien, et il a une certaine classe.

Kaid d’authie
Il a débuté dans la même course à Auteuil que Majborough à 3 ans, dont il a terminé cinquième. Il a gagné une course de haies et a couru le Grade 1 Novice Hurdle lors du Festival de Dublin, où il a été un peu décevant derrière Kopeck des Bordes . Ses sauts n’ont pas été au niveau ce jour-là, mais il semblait prometteur auparavant. J’espère qu’il fera mieux à Cheltenham.

QUEEN MOTHER CHAMPION CHASE

Karoline Banbou
Elle est suffisamment estimée pour être engagée dans la course ” Elle a montré de belles choses lors de sa dernière victoire et semble être notre meilleure chance sur le papier. Elle a mené de bout en bout, bien sauté et n’a pas fait d’erreur. Elle devra encore progresser pour s’imposer, mais elle mérite de tenter sa chance.

Kom tu Voudras
Inédite sœur d’Entoucas, qui était entraîné par Joseph O’Brien. Confiée à Willie Mullins, ce qui en dit long sur son potentiel si elle est engagée dans la course.

Venusienne
Entraînée elle aussi par Willie Mullins, elle a terminé deuxième dans le Prix Finot pour ses débuts à Auteuil. Elle n’a pas encore couru pour nous mais elle est suffisamment estimée pour être engagée dans la course, ce qui est un bon indicateur.

Khrisma
Elle a été un peu décevante en dernier lieu à Windsor, mais elle devrait en avoir tiré un enseignement. J’ai l’impression qu’elle n’est pas la plus simple à entraîner.

RYANAIR CHASE

Fact to File
En prenant la ligne du “John Durkak” en début de saison, il semble être notre meilleure chance dans cette course. Il n’a pas vraiment été à l’aise sur la distance à Leopardstown face à un double vainqueur de la Gold Cup, un parcours plus court dans le Ryanair pourrait l’avantager.
 

Spillanes Tower
Il a bien couru dans le “John Durkan” dont il a terminé deuxième derrière Fact to File. C’est un jeune cheval qui a déçu dans le King George, mais il est entre de bonnes mains et une mauvaise course peut toujours arriver. Il devra réaliser la meilleure performance de sa carrière pour battre Fact to File, mais cette course s’annonce comme la plus relevée du Festival. Il arrivera frais et en forme, et ne sera pas loin à l’arrivée.

JCB TRIUMPH HURDLE

Larzac
Il n’a qu’une seule course dans les jambes, dans le Prix Pride of Kildare à Auteuil où il n’a été battu que d’une courte tête. Je ne serais pas surpris de le voir courir ici : si vous devez perdre votre statut de novice, autant que ce soit dans le Triumph Hurdle à Cheltenham. C’est un grand et bel athlète. Son physique est impressionnant, même si cela ne fait pas tout.

MARES CHASE

Dinoblue
Elle a gagné à Naas lors de sa dernière sortie et montre qu’elle est en bonne forme pour cette course. C’est notre meilleure chance, car elle arrive dans les meilleures dispositions et s’adapte à tous les terrains.

Limerick Lace
Elle n’a pas reproduit ce qu’elle avait montré l’année dernière. Elle a battu Dinoblue la saison précédente, ce qui donne un indicateur de sa qualité quand elle est à son meilleur niveau.

Bioluminescence
C’est celle qui est la plus dépendante du terrain des trois, elle aura plus de chances si le terrain est souple.

PADDY POWER STAYERS’ HURDLE

The Wallpark
Il pourrait s’orienter vers le Pertemps Hurdle (handicap sur 3 miles) qui pourrait mieux lui convenir. Ce sera une course compétitive et ils partiront sûrement vite, ce qui l’avantagerait. Il manque un peu de vitesse et a été trop en retrait dans la Long Walk Hurdle (Grade 1). Son engagement ici n’est pas encore certain.

BOODLES CHELTENHAM GOLD CUP CHASE

Corbett’s Cross
Il était à fond et allait aussi vite qu’il pouvait dans l’Ascot Chase sur 4 300 mètres. La distance de la Gold Cup lui conviendra mieux. Mais j’ai quelques doutes : il ne semble pas être un aussi bon chaser qu’il l’était sur les haies. Il ne rattrape pas de terrain sur ses sauts. Synchronized a gagné une Gold Cup et Corbett’s saute probablement mieux que lui...

ST JAMES’S PLACE HUNTERS’ CHASE

Its on the Line
Il peut être lunatique et aura besoin de toutes les aides possibles pour l’aider. Il n’a pas du tout bien voyagé la dernière fois et était très irrégulier dans son effort. S’il trouve la bonne motivation, il a sa chance car il a du talent.

FESTIVAL DE CHELTENHAM : LA FOLIE DOUCE À LA CAMPAGNE
Par Emmanuel Roussel

Tous les ans autour de la Saint-Patrick, fête culturelle et religieuse irlandaise fixée au 17 mars, se déroule le Festival de Cheltenham. Réparties sur quatre journées, ces 28 courses d’obstacle sont suivies par plus de 250 000 spectateurs au total sur un site exceptionnel avec trois pistes aux contours étranges, installé au pied d’une colline spectaculaire, Cleeve Hill, entre le village de Prestbury et la ville de Cheltenham.

L’hippodrome où se déroule le Festival de l’Obstacle de Cheltenham est nommé Prestbury Park, car il dépend du village voisin (on voit bien le typique clocher carré de l’église du village des tribunes). L’enclos de l’établissement religieux est un vieux cimetière dont certaines pierres tombales sont désormais couvertes de mousse. On apprend, sous cette surface vivante, le sort hasardeux des villageois des siècles derniers. Vers l’église, de l’autre côté d’une étroite rue bordée d’un muret, on trouve à côté du cimetière

un pub traditionnel, The Plough (la charrue), qui fut le repaire de grands entraîneurs par le passé, et qui résonnait les soirs de courses des chansons hurlées par les locaux et les touristes hippiques. Un peu plus bas, un taureau dans un champ, puis l’ancien moulin à eau, plus bas encore. De l’autre côté du cimetière, juste au-delà des cyprès qui le bordent, un passage donne sur la route tortueuse qui traverse le village. Au coin de ce passage et de la rue, il y a le King’s Arms, un pub magnifique devenu une franchise sans intérêt. Le légendaire jockey Fred Archer (1857-1886) aurait vécu là quelques années, enfant, lorsque sa mère tenait le pub. Le cœur du village de Prestbury vaut le détour à lui seul. Mais le festival est bien celui de Cheltenham. La gare de la ville* est nommée Cheltenham Spa, car elle tient sa réputation notamment du fait qu’au XVIIIe et XIXe siècle, on y a découvert des eaux minérales. Un quartier chic de thermes s’est développé dans celui baptisé par ses promoteurs Montpellier, une ville alors réputée en Grande- Bretagne pour ses vertus bienfaitrices, « soleil et air sain ». La villégiature languedocienne n’avait sans doute pas encore été exposée aux effluves de la Révolution Industrielle !

Les prix s’envolent
Durant le Festival de mars, la population de Cheltenham est triplée et ça n’a rien à voir avec les eaux minérales de cette ville d’environ 115 000 habitants, soit à peu près la population de Rouen ou d’Orléans. Elle passe donc à plus de 300 000 pour une semaine. Une gageure pour la municipalité, et une aubaine pour les commerces locaux ! Le prix des chambres dans la région, et jusqu’à des dizaines de kilomètres, s’envole. C’est Noël en mars pour cette jolie ville de style Regency (début du XIXe siècle). Une étude a estimé en 2023 l’impact économique du Festival de Cheltenham sur la ville à 274 millions de livres, ou 316 millions d’euros. Sept ans plus tôt, une première estimation faisait état de 100 millions de livres… Cette extrême popularité fait que l’accès à l’hippodrome est un casse-tête car s’il est proche de la ville, il est cerné par un environnement plutôt rural, et des routes étroites. D’une certaine manière, c’est un gigantesque rond-point autour d’un hippodrome et malheur à celui qui rate sa porte d’entrée : il est bon pour un tour ! En revanche, monter le soir en voiture la côte de Cleeve Hill, d’où l’on bénéficie d’une vue panoramique sur tout le site et la ville de Cheltenham, avant de laisser glisser de l’autre côté vers les magnifiques villages des Cotswolds que sont, notamment Winchcombe, Broadway ou Stow-on-the Wold, c’est une expérience inoubliable, surtout après avoir passé quelques heures dans une foule aussi animée et compacte que celle de Cheltenham.

Nous parlons donc là de près de 70 000 personnes par jour pendant quatre jours. On estime à 265 000 le nombre de pintes de Guinness bues à Cheltenham durant le festival. Cela équivaut à trois piscines olympiques. Si on y ajoutait les nombreux autres alcools, bières et vins (chauds, à l’occasion) consommés au cours du meeting, il serait plutôt question de lacs. Dans sa forme actuelle, ce festival n’est pas si ancien. Le Queen Mother Champion Chase (Gr.1), une des cinq épreuves-reines du Festival, a été créé en 1959. La Gold Cup, qui est l’équivalent du Grand Steeple-Chase de Paris, est la course la plus riche de la saison sur l’hippodrome à 755 000 € (contre 900 000 € pour notre « Grand Steeple »). Elle a d’abord été une course plate, de plus de 4 000 mètres, disputée sur la côte de Cleeve Hill. Créée dans sa forme actuelle en 1924 pour répondre au besoin d’une grande épreuve à poids-pour-âge pour steeple-chasers, et non un handicap comme le Grand National, elle a grandi en réputation pour devenir la plus cruciale du calendrier de l’obstacle « classique ». Golden Miller s’est imposé cinq ans de suite de 1932 à 1936 sous les couleurs de l’extravagante Dorothy Paget. Puis l’immense entraîneur irlandais Vincent O’Brien a sellé trois fois Cottage Rake pour la victoire entre 1948 et 1950, et dans son sillage, un autre irlandais, Arkle. Sous la casaque de la duchesse de Westminster, le pensionnaire de Tom Dreaper a gagné trois fois entre 1964 et 1966 et il est considéré, aujourd’hui encore, comme le meilleur chaser de tous les temps en Angleterre comme en Irlande.

Invasion irlandaise
Ces victoires irlandaises, justement, ont énormément contribué au succès du Festival. Au fil des ans, les entraîneurs irlandais et leurs chevaux ont gagné du terrain sur leurs concurrents britanniques. Ils dominent complètement la scène aujourd’hui : Willie Mullins ou Gordon Elliott, deux Irlandais, ont remporté le trophée de meilleur entraîneur du Festival sans discontinuer depuis 2013. Le public aussi a évolué dans ce sens. La part des spectateurs irlandais venus soutenir leurs champions n’a cessé de croître. C’est un public particulièrement enthousiaste. Le tonnerre d’applaudissements et de hourras au retour

*Il y a aussi une petite gare sur l’hippodrome ouverte certains jours, et notamment pendant les courses, et desservie par une locomotive à vapeur et de vieux wagons de la Gloucestershire Warwickshire Steam Railway.

rond des vainqueurs d’un gagnant irlandais fait trembler la lande anglaise. On a le sentiment de participer au bord du terrain à un sommet du tournoi des 5 Nations. On est transporté dans une autre dimension par cette folie guerrière. Bien sûr, certains regrettent aujourd’hui le calme relatif des trois jours du Festival de jadis, auquel on a ajouté une journée en 2005. La prééminence du tweed, du velours côtelé « corduroy » et des « trilbies » en couvre-chef n’est plus ce qu’elle était. Le National Hunt Festival n’est plus vraiment un festival de la chasse à courre, qui a longtemps été très lié au monde de l’obstacle outre-Manche. Comme dans la plupart des sports, les héros ont changé, de Kopa à M’Bappé en passant par Platini, par exemple. Comme dans la plupart des sports, les publics ont changé, de la radio à la télévision de masse, aux smartphones et aux abonnements à des chaînes sans culture. Comme dans la plupart des sports, le modèle économique a évolué. Mais à Cheltenham, une fois le ticket d’entrée à 100 € payé, l’improbable sandwich à 15 € avalé, la pinte de Guiness à 10 € bue, plus rien n’a de prix quand le soleil daigne éclairer Cleeve Hill de cette lumière de printemps si timide, que l’on tient dans sa main un ticket gagnant sur le favori, oui, celuilà même qui vient de franchir le dernier obstacle, et que toute la foule, avec vous, encourage pour ces derniers 220 mètres de grimpette, les plus longs de la planète, tandis que les rares chapeaux encore présents s’envolent devant vous.

 

 

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