HERVÉ GALLORINI
Galorama. Masseur équin, une profession pas si courante dans les écuries…
Hervé Gallorini. On est très peu en France. Et il ne faut pas exercer en Corrèze (rires). Je suis installé à Chantilly. J’ai trois contrats différents. J’exerce les lundis, jeudis et vendredis. Pia Brandt me fait confiance depuis plus de dix ans, je m’occupe d’une quarantaine de ses chevaux. Plus une vingtaine chez Nicolas Clément et une dizaine chez Tim Donworth : je vois 70 chevaux par mois. Je travaille beaucoup avec ma sœur (Isabelle Gallorini) aussi.
G. Est-ce un métier très différent d’ostéopathe ?
H.G. L’ostéopathe s’occupe de la structure osseuse, le masseur de la chair musculaire : étirements, assouplissements, détection des potentielles lésions musculaires, contractures, gênes…
G. Quelles sont les grandes différences avec les massages que vous prodiguez aux joueurs de football du Paris FC ?
H.G. L’humain est doté de 639 muscles, le cheval de 469. Mais globalement, ça se rejoint. À la différence près que les joueurs sont allongés et les chevaux debout lorsque je les masse. Pour les joueurs, j’utilise de l’huile de camphrée ou une huile neutre. Pour les chevaux, uniquement du gel arnica. C’est moins abrasif, plus agréable pour eux. Le carré lombaire, au niveau du trapèze thoracique, doit faire l’objet d’une grande vigilance. C’est une chair d’une trentaine de muscles.
G. C’est aussi une différence de culture, non ?
H.G. De culture et de moyens. Les sportifs ont tous les équipements à disposition et n’ont pas les frais de pension à gérer. Si un joueur doit passer une échographie, la question ne se pose pas. Les massages sont beaucoup plus répandus et fréquents. Même pour les arbitres. Chaque équipe qui reçoit, a l’obligation de mettre un masseur à disposition. Sur un hippodrome, on n’a pas le droit de toucher un cheval, ni de lui mettre une couverture massante… On parle de bienêtre équin, mais il y a des choses qu’on devrait faire pour un cheval qu’on ne fait pas parce que c’est trop cher. J’ai massé des jockeys aussi. L’hiver à 20 h à 0°C, ce n’est pas du luxe. Il y a une différence d’infrastructures. Moi, je milite pour les bains chauds, les bains froids. Le monde du foot est bien mieux équipé.
G. Observez-vous des similitudes entre sportifs de haut niveau et chevaux de course ?
H.G. On retrouve surtout des comparaisons entre les postes que les joueurs occupent. Les défenseurs centraux vont être plus sujets à des problèmes de cervicales, de trapèzes et lombaires, parce qu’ils sont plus dans le duel, le corps à corps. Leurs courses sont très différentes des milieux de terrain ou des latéraux qui font des allers-retours sans cesse. Pour le cheval, comme sur une piste d’athlétisme, on reconnaît les sprinteurs et les coureurs de fond à leur morphologie. Je ne vois pas trop de différence entre le plat et l’obstacle. Plus que l’impact à la réception, ça dépend du poids du cheval. Je ne suis pas sûr qu’il y ait plus de tendinites en obstacles qu’en plat. En revanche, les sprinteurs se raidissent plus vite au niveau des épaules, comme les chevaux de PSF.
G. Le dos, c’est aussi le « mal du siècle » pour les chevaux ?
H.G. Oui. C’est surtout en fonction du matériel et de la position du cavalier. Le cheval est fait pour tracter, pas pour porter. Le problème, c’est le poids, jusqu’à la compression de la sangle. Les maux viennent souvent de détails matériels. Les torchons de selle du matin par exemple. Une fois lavés et séchés, ils deviennent plus abrasifs. Avec le frottement du tapis, ça « bouffe » du poil. La durée de vie d’une selle est de 10-15 ans. Or, tous les chevaux ne sont pas faits pareils. Dans l’idéal, une selle convient à un yearling et à un cheval de six ans qui a fini sa croissance.
G. Quelles sont les pires blessures ?
H.G. Les ligaments croisés, le talon d’Achille chez les footballeurs. Les tendinites chez les chevaux, si on excepte les fractures. Les croisés demandent 9 mois à un an de rééducation. Le muscle, c’est très compliqué.
G. Idéalement, un cheval devrait être massé selon quelle fréquence ?
H.G. Chaque début de semaine, j’ai ma liste de partants pour la semaine. J’aime voir le cheval 5 jours avant sa course. Si quelque chose ne me convient pas, j’ai le temps d’intervenir.
G. Vous est-il arrivé de mettre un véto ?
H.G. Dès mes premières expériences. C’est grâce à cela que j’y suis encore. L’entraîneur me dit : « Il va être le favori du Quinté + ». Je lui ai répondu : « Oui, mais dans cinq mois ». J’ai perçu une lésion musculaire, l’échographie a révélé un trou dans la cuisse. À contrario, les vétérinaires ne trouvaient pas ce qu’avait la jument d’un gros propriétaire. J’ai dit : « Elle va courir ». Je suis venu la masser deux fois par jour, on a doublé les entraînements pour rattraper le retard. Elle a gagné son Groupe quinze jours après.
G. Entre le football et les courses, des méthodes sont-elles transposables ?
H.G. Je ramène de l’argile des écuries aux footballeurs. Comme celle qu’on trouve à la mer, ça vaut tous les produits qu’on trouve dans le commerce. Pour soigner les coups, je leur mets des compresses imbibées d’alcool modifié comme pour les chevaux. Il y a encore plus de liens avec le rugby. Un jour, j’ai trouvé dans une malle d’une équipe du TOP 14 un produit anti-inflammatoire utilisé pour les chevaux. Pas mal de similitudes aussi avec les cyclistes, qui se font « tartiner » de soins et ont tous leur masseur personnel sur le Tour de France. Après, il y a des choses qu’on ne peut pas transposer. Un « taping » (bandage adhésif thérapeutique) sur un cheval, ça ne tient pas. L’eau est le meilleur masseur. Mais attention : baigner un cheval jusqu’aux épaules dans la mer équivaut à un deuxième canter.