La reconversion des chevaux de course a toujours existé. Aussi loin que l’on puisse remonter dans le temps, de nombreux exemples d’utilisation des chevaux de course peuvent être cités. En période de guerre, certains d’entre eux étaient réquisitionnés comme monture pour les soldats se rendant au front. Dans les années 60, il n’était pas surprenant de voir s’illustrer des cavaliers de concours complet en selle sur des pur-sang réformés des courses. Aussi, le pur-sang a joué un rôle important dans la construction de la race du Selle Français, utilisé comme « améliorateur de la race ». Parmi les étalons fondateurs de ces chevaux de sport, nombreux comportent dans leur généalogie des ancêtres pur-sang. Si l’on se penche du côté des centres équestres, il est presque systématique de retrouver des pur-sang (et des trotteurs) au sein de la cavalerie, qui s’illustrent comme d’excellents « maîtres d’école ». À l’ère actuelle, où le bien-être des chevaux est au cœur des préoccupations, la reconversion a été mieux définie et a pris une place nouvelle au sein de la profession. Depuis 2019, France Galop soutient financièrement la reconversion via l’association Au-Delà des Pistes, créée en 2016 et reconnue d’intérêt général, qui assure
••• la promotion du pur-sang et sa polyvalence et qui prend en charge, chaque année, plus de 300 chevaux grâce à une trentaine d’écuries de reconversion réparties partout en France. C’est également le cas, depuis 2021, de la Société d’Encouragement du Trotteurs Français pour la reconversion des trotteurs, notamment via l’association Passerelle.
Un avenir tout tracé
Depuis leur naissance, les pur-sang nés pour les courses suivent une succession d’étapes qui les conditionnent pour devenir cheval de course. Au débourrage, un certain nombre de codes leur sont enseignés pour ensuite intégrer l’entraînement. Marcher les uns derrière les autres, se tendre sur le mors pour prendre de la vitesse, accélérer davantage lors d’une reprise de rênes, travailler en « botte-botte ». Beaucoup d’usage des mains et du poids du corps, mais très peu de jambes. Mais qu’en est-il des sports équestres ? L’usage des jambes est l’aide de base du travail de dressage du cheval de sport. Elles servent à avancer, à guider, à diriger. Les mains, quant à elles, sont légères, utilisées de manière subtile pour ralentir, redresser et diriger à leur tour. C’est en tenant compte de ces critères spécifiques que l’on mesure l’importance du travail de reconversion pour amener un cheval de course au cheval de sport ou de loisir.
Le temps est votre meilleur allié
« Vous aviez le temps de le monter mais pas de le sortir, mais on donne quoi quand on ne donne pas de son temps ? » extrait de Danse avec lui. Les pur-sang sont des chevaux intelligents et dotés d’une grande résilience. Qu’ils aient été réformés à la suite d’une blessure ou simplement par manque de qualité pour les courses, ils sont capables de réaliser de grandes choses dans leur seconde vie. Ils ont été manipulés très jeunes, ont découvert des environnements différents, ont été mis entre les mains de diverses personnes, ce qui en font des chevaux faciles au quotidien. À leur sortie de l’entraînement, un temps de repos est bienvenu pour faire redescendre la pression et entamer la transition vers leur nouvelle routine. Chaque individu est différent et aura besoin de plus ou moins de temps pour comprendre ce qu’on attend de lui. Tout comme le débourrage pré-entraînement, la reconversion est une période cruciale pour amener le cheval vers sa nouvelle discipline. Il est nécessaire de ne pas sauter d’étape et que chacune d’entre elles soit bien assimilée. Certains chevaux plus sensibles, qui expriment plus d’émotions, auront davantage besoin de temps pour aborder le travail sereinement. Tout est question d’adaptation et d’observation : être capable d’identifier le profil du cheval que l’on a entre les mains pour le diriger vers une activité adaptée à sa personnalité et à ses capacités physiques, qui le mettra en sécurité ainsi que son futur cavalier. Le temps accordé aux chevaux est un facteur essentiel pour obtenir le meilleur d’eux-mêmes.
Éric Hoyeau, le pur-sang n’est pas un cheval ordinaire
CONVERSATION
Gentleman-rider avec plus de 200 victoires au compteur en plat et en obstacle, et un titre de Champion du Monde d’obstacle en 1982, Éric Hoyeau a œuvré au rapprochement des deux agences de ventes aux enchères françaises pour créer ARQANA en 2006. Sous sa Présidence depuis le lancement, ARQANA s’est montré particulièrement innovant et s’est continuellement développé pour s’imposer en leader sur le marché hexagonal et deuxième acteur en Europe. L’année dernière, il a progressivement laissé les rênes de l’agence deauvillaise à Olivier Delloye, nouveau Président, tout en continuant à s’investir dans différents projets car « pour les hommes, comme pour les chevaux, quand on change de carrière ou de rythme de vie, on ne peut pas tout arrêter ». Véritable amoureux du pur-sang, il ne les a jamais quittés et les a toujours admirés pour leur courage, leur vivacité et leur loyauté. Aujourd’hui, accompagné de sa femme Anne - sans qui il ne se serait peut-être jamais remis en selle, c’est avec des pur-sang réformés qu’il fait le plein d’émotions lors de grandes galopades sur la plage de Deauville. Mégane Martins a recueilli quelques confessions d’un homme de cheval connu pour sa combativité à toute épreuve.
FRANÇOIS LAUCHARD
Pour les chevaux jeunes et en bonne santé mais qui n’ont pas toutes les aptitudes pour réaliser une carrière dans les courses, l’une des reconversions qui prend de plus en plus d’ampleur est celle de cheval « maître d’école » des écuries d’applications de l’AFASEC. Nous avons rencontré François Lauchard, formateur technique au sein du campus de Calas-Cabriès, qui nous explique cette seconde vie pour ces chevaux de course.
Galorama. François, pouvez-vous nous expliquer quel est le processus pour qu’un cheval qui sort des courses puisse intégrer les écuries d’applications ?
François Lauchard. Les chevaux n’ont pas tous les facultés pour performer en compétitions, soit pour des raisons de santé, soit parce qu’ils n’ont pas les capacités, c’est à ce moment là que les entraîneurs peuvent nous céder des chevaux. En accord avec le propriétaire du cheval, et s’il a les aptitudes pour devenir cheval d’application, il rejoint nos écuries. Le renouvellement de la cavalerie peut se faire durant toute l’année à la condition de trouver des chevaux adaptés mais aussi de pouvoir placer nos chevaux sortants. Il y a quand même une période propice pour récupérer des chevaux qui se situe du mois d’octobre au mois de novembre, lorsque les entraîneurs opèrent une sélection dans leurs effectifs pour rentrer les poulains.
Il y a deux façons de procéder, la première est de contacter en amont les différents entraîneurs pour leur demander s’ils pensent avoir des chevaux à céder et la deuxième est que les entraîneurs eux-mêmes nous contactent pour connaître nos exigences. Si un cheval correspond à nos besoins, nous faisons une demande d’acquisition au siège et si la réponse est positive nous récupérons le livret signalétique du cheval ainsi que la carte de propriété et faisons effectuer une visite vétérinaire.
NOUS ESSAYONS D’AVOIR DIFFÉRENTS PROFILS DE CHEVAUX POUR PERMETTENT AUX APPRENANTS DÉBUTANTS, COMME AUX PLUS CONFIRMÉS, DE SE FORMER.
G. Quelles sont les caractéristiques pour qu’un cheval réformé des courses devienne un cheval d’application ?
F.L. Il doit être sain et net, ne pas présenter d’animosité particulière, être sociable au box pour ne pas mettre en danger les apprenants et ne pas présenter de difficultés à la monte.
G. Y-a-t-il une phase d’acclimation pour ces chevaux qui sont habitués à la compétition ?
F.L. En général, ils s’acclimatent assez rapidement , meme si pour certains, le changement de lieu et de méthode d’entraînement, le nombre ou la durée des sorties peuvent les perturber au début. En règle générale, les chevaux s’adaptent assez facilement.
G. Pouvez-vous nous expliquer une « journée type » pour un cheval au sein de l’écurie d’application ?
F.L. Le matin, le travail consiste essentiellement a l’entretien des boxes de 7h30 a 8h30 dans un premier temps, ensuite vient la phase de travail des chevaux a la piste ou en carriere suivant les classes présentes. Nous essayons d’avoir différents profils de chevaux pour permettent aux apprenants débutants, comme aux plus confirmés, de se former. Les chevaux sortent le plus souvent deux fois par matinée pour pouvoir faire monter la totalité des élèves. L’après-midi sert essentiellement aux cours théoriques (cours sur les aplombs, présentations en mains, code des courses, etc.), généralement de 14h30 à 17h30. La deuxième partie de l’aprèsmidi est consacrés aux soins des chevaux, pansage, pose de bandages.
G. Il y a aussi un après écurie d’application pour ces chevaux, comment procédez-vous ?
F.L. Quand les chevaux présentent des signes de lassitude au travail en raison de leur âge ou de leur longévité au sein de l’écurie, nous nous tournons vers différentes associations qui récupèrent des chevaux et se chargent ensuite de les placer avec le plus grand soin tout en assurant leur suivi. Nous travaillons essentiellement avec les associations, les chevaux de l’Eden, l’association libre et sauvage et Au-Delà des Pistes.