Il va y avoir du sport N°6 Mars 2025 | Ils ont fait l'actu

PROPRIÉTAIRE

ANTOINE GRIEZMANN
« C’ÉTAIT LE RÊVE DE MON PÈRE, ÇA POUVAIT DEVENIR LE MIEN. »
Par Emmanuel Roussel

Désormais bien installée dans les pelotons et le cœur des turfistes, la casaque de l’écurie Griezmann est aussi celle d’une aventure vécue par un père et son fils, d’une découverte perpétuelle entre un sportif de haut niveau, et un athlète équin qu’il admire et respecte…

La casaque noire à épaulettes roses de l’écurie Griezmann a sept ans. Si on en croit le célèbre film de Billy Wilder (dans lequel la robe blanche de Marilyn Monroe est soulevée par le souffle du passage d’un métro), c’est au bout de « Sept ans de réflexion », ou plutôt d’union, qu’un mari risque le plus de devenir volage. Mais cette casaque noir et rose semble s’être bien installée dans les pelotons, au trot comme au galop, et l’intérêt du joueur international, né auprès de son père turfiste, Alain, reste bien vivace. En effet, après avoir constitué son écurie au fil des achats de yearlings, l’écurie Griezmann se diversifie aussi dans l’élevage. Deux produits de Terre Australe , elle-même vendue en février, dont une a couru cet hiver à Cagnes, et trois poulains d’Eristars , gagnante à Aix-les-Bains et à Moulins, par exemple. Mais surtout Principito , un fils de Tornibush et de Princesa gagnant de maiden, et sa sœur Txirimiri (Hello Youmzain), placée cet hiver. « Ce n’était pas forcément prévu au départ, nous confie Antoine Griezmann, en attendant de marquer son 200e but pour l’Atlético de Madrid. On vient de commencer et on essaye de créer quelque chose de beau, qui va durer. Parce que mon objectif, c’est de durer dans le galop et dans le trot. J’espère qu’on est sur la bonne voie. Et puis, j’espère que les nouveaux produits vont nous le prouver ! Au tout début, on n’y pensait pas vraiment, parce qu’on n’a pas forcément conscience de tout ce qui se passe en amont. On a donc pris des cours intensifs avec Philippe (Decouz) pour mieux comprendre et quand tu vois tes nouveaux produits, c’est tes nouveaux bébés, c’est à toi à 100 % et c’est ce que j’ai adoré dans l’élevage. Ça a vraiment été une très belle surprise ».

La casaque s’est aussi distinguée aux ventes en cédant Txope , achetée yearling pour 310 000 € par Broadhurst Agency (Laurent Benoît), pour 1,2 million d’euros après sa victoire dans les 1 000 Guinées allemandes. « L’objectif est, dans la mesure du possible, d’être vigilant sur les comptes, explique Philippe Decouz, entraîneur attitré de la casaque au galop . Ce n’est pas qu’une passion et il faut que ça tourne ».

Une très belle surprise
Antoine Griezmann abonde dans ce sens, et cette activité a déjà rempli une grande partie de ses objectifs : « Souvent, raconte le sportif, avec mon père, on allait suivre les chevaux avec un petit café, et nous allions aussi de temps en temps aux courses vers chez nous. Au final, ça m’est resté. Je mettais souvent la chaîne Equidia, qui m’aidait à faire ma petite sieste. Et puis un jour, j’ai dit à mon père : Et pourquoi pas essayer avec un cheval ? Je sais que toi, c’est ton rêve. Et moi, ça pourrait l’être ! On a commencé comme ça, sans avoir d’objectif, juste pour se faire plaisir avec mon père. Ça nous a encore un peu plus rapprochés, lui et moi, parce qu’avec la distance, on ne se voit pas trop, mais quand il y a une course, on s’appelle, on en parle. Et puis, on va à Chantilly ensemble de temps en temps, pour aller voir les poulains à l’écurie, on passe tout ce temps-là ensemble. Nous étions déjà assez proches, mais ça nous a encore plus rapprochés ». Alain et Antoine sont donc très impliqués dans la carrière de leurs chevaux, et Philippe Decouz les informe de la vie de l’écurie, qui regroupe une douzaine de pensionnaires, plusieurs fois par semaine, pendant la saison. « Presque tous les jours, confirme Antoine Griezmann. Il m’envoie des vidéos, il me donne des nouvelles après chaque course, me fait un petit compte rendu de ce que dit le jockey, de la façon dont le cheval a pris la course… Je m’intéresse énormément à la santé du cheval. C’est ce qui passe toujours en premier. Je veux vraiment qu’il soit dans son élément, qu’il s’en sorte bien et qu’on ne tire pas trop sur la corde. Je préfère qu’il soit à 100 % de ses moyens, physiquement et mentalement, qu’il se sente bien chez nous. Grâce à Philippe, qui explique très bien les choses, l’approche m’a semblé très facile. Je me suis vite aperçu que le cheval était un athlète, avec des besoins de préparation dans les premières courses, le manque d’expérience à gérer, l’après-course à suivre. Il y a beaucoup de similitudes avec moi. C’est quelque chose dont j’adore parler avec Philippe ». « Antoine a tout de suite eu le sens du cheval, confirme Philippe Decouz. Il comprend les aléas physiques, le déroulement d’une carrière, d’une campagne, tout ce qui peut échapper à de jeunes propriétaires. En qualité de sportif de haut niveau, il a tout de suite intégré tout ça. Il sait aussi bien lire le comportement des chevaux en course ».

« ON VIENT DE COMMENCER ET ON ESSAYE DE CRÉER QUELQUE CHOSE DE BEAU, QUI VA DURER. PARCE QUE MON OBJECTIF, C’EST DE DURER DANS LE GALOP ET DANS LE TROT. »
Antoine Griezmann

Coup de foudre
Or, la casaque Griezmann est aussi plutôt heureuse dans ses choix. Avec Tornibush (acheté yearling 22 000 €) puis Hooking (97 000 €) ou encore Knock On , le buteur a vite connu le succès sur les pistes, et au meilleur niveau. Si le premier est aujourd’hui étalon en Saône-et-Loire, le second court toujours et la 3e gagnante de Listed, a pris 4 ans et est retournée au haras. Hooking est sans doute le plus fameux parce qu’il a 9 ans et s’est distingué tous les hivers. Il a remporté pour la deuxième fois en janvier le challenge polytrack. Il compte désormais environ 585 000 € de gains, plus 60 000 € de primes pour ses deux challenges victorieux. Il doit retourner à Newcastle mi-avril pour participer à la grande réunion sur PSF de cet hippodrome, où il avait terminé 3e l’an dernier d’une épreuve dotée de plus de 100 000 € au gagnant. Hooking semble donc toujours aussi redoutable, même s’il a dû se contenter de la 3e place du Prix Saônois (L) dernièrement à Cagnes, juste derrière Fast Raaj , qu’il avait battu l’an dernier dans cette même épreuve : « L’année dernière, il n’y avait pas No Lunch , qui nous était très supérieur cette fois et la course s’est déroulée différemment, raison pour laquelle l’ordre est inversé avec Fast Raaj », explique Philippe Decouz. Hooking est aussi le préféré de son propriétaire… « Moi, c’est Hooking , avoue Antoine Griezmann. J’ai tout de suite eu un petit truc en plus avec lui, je ne sais pas pourquoi. Un vrai coup de foudre. Et au final, dans son caractère, il est un peu comme moi, un peu taquin, joueur, mais après, quand faut travailler, il est là, il fait le boulot. Et les résultats suivent. Je me suis reconnu en lui. Quand il faut se mettre au charbon, il y va, il n’y a pas de souci ».

Redémarrer à zéro
« Hooking a une trajectoire un peu particulière, complète Philippe Decouz. Il a tout de suite été bon, à tel point que, même s’il n’était pas encore à maturité, il a débuté à 2 ans sur 1 200 mètres à Parilly, en juin, et il a gagné très facilement. Peu de temps après, il est tombé boiteux et il a fallu passer une IRM au CIRALE pour découvrir quel était son problème. Ce que nous avons découvert nous a obligés à le laisser au repos et c’est ainsi qu’il a raté le premier semestre de son année de 3 ans. Rétrospectivement, c’était peut-être une bonne chose car il a encore évolué. Ensuite, Antoine ne voulait pas qu’on le castre mais ça devenait vraiment un problème et il a finalement donné le go. Après ça, nous avons redémarré à zéro, au printemps de ses 4 ans, en 2020. La suite, vous la connaissez. Il a 9 ans et il reste très compétitif. Ce n’est pas tant la PSF qu’il apprécie que les terrains réguliers, et il déteste le lourd. Et puis, il faut bien admettre que la concurrence est généralement moins relevée sur cette surface. Son cavalier du matin à Cagnes, Thomas Gillet, qui monte en course en obstacle, le connaît bien, et c’est préférable parce que Hooking est un peu sportif, à l’entraînement au milieu des trotteurs. Mais c’est un brave cheval de course, et surtout un vrai cheval honnête. Il donne toujours le meilleur de lui-même ». Décidément, il y a bien quelque chose de Hooking dans « Grizou », meilleur buteur des colchoneros, champion du monde 2018, recordman des sélections consécutives en équipe de France (84), et le tout sur gazon !