Valeur sure chez les entraîneurs d’obstacle depuis une dizaine d’années, Dominique Bressou a pris de la hauteur depuis qu’il a posé ses valises dans la Baie du Mont-Saint-Michel en 2014. Préparateur de Losange Bleu, octuple vainqueur de Groupes, l’homme de Milord Thomas nous évoque l’actualité de son écurie et de sa philosophie d’entraînement.
Galorama. Auteuil a ouvert ses portes dès la mi-février cette année. Comment jugezvous cette reprise des courses plus précoce ?
Dominique Bressou. C’est une bonne initiative de commencer le meeting d’Auteuil plus tôt dans l’année. Cela a certes entraîné une autre organisation, mais ce que nous ne gagnerons pas au mois de mars, nous le rattraperons au mois d’avril. Durant l’hiver, il y a toujours du turn-over avec beaucoup de jeunes chevaux qui arrivent à l’écurie, des éléments en retard de gains mais aussi quelques juments parties à l’élevage, comme Alcyone Rouge.
G. Vous êtes installé à Dragey depuis plus de dix ans désormais. Pourquoi aviez-vous opéré ce changement de cap à l’époque ?
D.B. J’avais pris cette décision après mûre réflexion. C’était un pari osé, mais je n’avais pas le choix. Je devais absolument partir en province pour avoir des prix de pension moins élevés. Avant d’arriver sur Dragey, j’essayais de joindre les deux bouts du 1er janvier au 31 décembre, assez difficilement. Tous les mois étaient compliqués. J’étais arrivé avec une petite douzaine de chevaux, contre une cinquantaine désormais.
G. Pensiez-vous connaître une telle réussite avec ce changement de région ?
D.B. Mon palmarès de ces dix dernières années est quand même assez intéressant. Il y a vraiment eu une progression depuis mon arrivée à Dragey. Milord Thomas m’a fait beaucoup de bien mais je dois vraiment remercier la famille Papot qui m’a confié de bons chevaux, comme Galop Marin, qui a gagné quatre fois le Grand Prix d’Automne.
G. Comment la famille Papot est arrivée dans votre écurie ?
D.B. Xavier Papot m’avait contacté quelques mois après mon installation à Dragey, après avoir vu mes statistiques. Depuis que nous travaillons ensemble, il n’a cessé de me confier des chevaux, avec des origines de plus en plus intéressantes. Nous discutons beaucoup ensemble. Du préentraînement à l’entraînement en passant par les périodes de repos, l’esprit d’équipe est primordial pour la famille Papot.
G. Quelle est votre méthode d’entraînement sur cette piste spécifique de Dragey ?
D.B. Mes chevaux travaillent beaucoup le fond. Ils font des canters comme dans n’importe quelle maison, mais ils sont toutefois plus raisonnables qu’ailleurs car les pistes sont plus pénibles, plus profondes qu’à Chantilly ou Maisons-Laffitte. La piste fait 1 600 mètres avec une montée de 3 %. C’est peut-être la raison pour laquelle mes chevaux sont réputés pour être durs. Ils sautent deux fois par semaine en principe.
G. Vous avez ouvert une antenne à Maisons- Laffitte en septembre dernier. Pourquoi cela ?
D.B. Déjà, je manque d’un peu de place à Dragey. Mes jeunes chevaux peuvent ainsi découvrir un contexte différent à Maisons-Laffitte. Il y a une autre piste d’obstacle et il y a également la possibilité de s’exercer sur le gazon où l’on peut travailler sur le plat, pour les endurcir. Souvent, quand je débutais un poulain de trois ans qui n’était pas sorti de Dragey, il sautait comme un cheval qui n’avait jamais rien vu et ça m’a plutôt énervé. Cela m’énerve toujours d’ailleurs quand ça arrive !
G. Comme vous organisez-vous avec cette antenne mansonnienne ?
D.B. C’était un peu mouvementé les premiers mois avec beaucoup de turn-over sur les deux sites. Les chevaux étaient par monts et par vaux. Les chevaux stationnés à Maisons-Laffitte vont désormais y rester quinze jours, trois semaines au moins. Deux personnes sont sur place, avec en plus Gabin Meunier, qui vient monter deux lots. « J’aime avoir un jockey maison ».
G. Morgan Regairaz par le passé, Gabin Meunier désormais. Bénéficier d’un jockey maison revêt une importance dans votre organisation. Pour quelles raisons ?
D.B. Je suis un peu vieux jeu sur ce coup-là. Quand je montais en course, chaque écurie avait son jockey d’obstacle. Marcel Rolland avait Philippe Chevalier, Bernard Sécly : Jean- Yves Beaurain, tandis que Robert Collet pouvait compter sur Dominique Vincent, et François Doumen sur Adam Kondrat. Chaque jockey avait son écurie, même si cela ne les empêchait pas de monter pour d’autres entraîneurs. Je trouve cela bien mieux quand les jockeys concernés l’aprèsmidi connaissent le cheval sur ses travaux du matin. J’aime cette relation. Ça facilite la prise de décision en course. L’association avec Gabin Meunier a tout de suite fonctionné correctement et je pense qu’elle va durer un moment.
G. Vous évoquiez tout à l’heure les années 90-2000 avec d’illustres professionnels. Quel est votre meilleur souvenir de cette période où vous étiez jockey ?
D.B. La victoire de Le Sauvignon dans la Grande Course de Haies d’Auteuil reste mon plus grand souvenir. J’ai eu la chance de croiser sa route lorsque je travaillais chez Jehan Bertran de Balanda.
G. Quel est le meilleur cheval que vous ayez entraîné ?
D.B. Milord Thomas m’a permis de remporter le Grand Steeple-Chase de Paris l’année après mon arrivée à Dragey, avant de remporter trois fois la Haye Jousselin. Il a été mon premier crack sur les gros obstacles. J’adorais le monter tous les matins, car il était très agréable. Il ne lui manquait que la parole. Il coule une retraite heureuse puisqu’il est maintenu en forme en faisant du CSO. C’est parfait pour lui d’avoir encore une telle activité. Très curieux, il a toujours eu besoin qu’on s’occupe de lui.
G. Comment vont Losange Bleu et les autres têtes d’affiche de l’écurie ?
D.B. Losange Bleu a très bien hiverné puisqu’il est revenu avec 50 kilos de plus. Il est magnifique. On espère que l’année 2025 sera aussi bonne que 2024 ! On ne peut rien lui reprocher mais il doit dominer la situation. S’il n’est pas devant, il ne s’intéresse pas à la course. Il est comparable à Galop Marin , mais est capable d’avoir plus de rythme en bon terrain. Il devrait courir le Prix La Barka (Gr.2) le 23 mars avant de se diriger vers le Prix Léon Rambaud (Gr.2) le 20 avril, puis la Grande Course de Haies d’Auteuil (Gr.1) le 17 mai. Quant à son frère cadet Losange Vert Bleu , je l’avais amené à Pau cet hiver. Je pensais qu’il était bien, mais il avait peut-être besoin de vacances après une année contre les meilleurs à Auteuil.
Ce bon sauteur va continuer en steeple et j’en espère des performances à un très bon niveau à l’automne. Invaincue à Auteuil, Moody Risk est un peu juste dans le timing mais pourrait rentrer le 8 mars dans le Prix Virelan. Quant à Royal Saga , il sera arrêté un an pour une tendinite, tout comme Zaine . Chez les poulains, il y a des sujets en devenir comme Miracle Vert , mais il est encore tôt pour se prononcer. Il faut attendre les débuts pour voir si les poulains confirment ou non leurs travaux du matin.
G. Montez-vous toujours à l’entraînement ?
D.B. Je monte un petit peu moins qu’il y a quelques années, mais j’aime bien être à cheval. On voit quand même beaucoup plus de choses dans les lots que lorsqu’on est à terre.
G. Vous aurez 64 ans l’été prochain, âge légal de la retraite. Qu’en est-il pour vous ?
D.B. Ce n’est pas prévu. J’y pense, mais ce n’est pas pour cette année, ni pour 2026. Tant que tout va bien et que l’on remporte des courses sympas, je continue !