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PAGE DE GAUCHE
Morgane Molle( 2 e en partant de la droite).
© APRH
G. Hong Kong a toujours une longueur d’ avance?
M. M. Les trackers y sont beaucoup utilisés, les chronos énormément. L’ avantage, c’ est que toutes ces données sont publiques. Les galops du matin sont chronométrés, les parieurs raffolent de ces données et les réclament. C’ est incomparable avec la France. Dans une course d’ inédits, on ne sait rien, hormis les origines et les bruits de couloir.
G. La technologie rend-t-elle l’ ambiance très différente ailleurs?
M. M. Le Japon développe une forte offre marketing aussi pour attirer les parieurs. C’ est un cercle vertueux. Tout est enregistré. Les hippodromes sont très festifs, mais pas encore futuristes. Les écrans ne sont pas plus grands que chez nous, mais tout est centré sur le client, de sorte qu’ il ait le maximum de données à sa connaissance et que l’ expérience hippodrome soit un show. Un mercredi soir à Happy Valley, l’ enceinte est pleine et un feu d’ artifice clôture la soirée en présence des chevaux.
G. Sentez-vous un frémissement vers ces nouvelles technologies en France? M. M. Longtemps, je me suis senti un peu seule. Ça commence à prendre avec des sociétés comme Arioneo, mais on ne peut pas parler encore d’ enthousiasme. Dans les écuries, cela suppose que quelqu’ un soit moteur sur le sujet. Ça sort quand même du cœur du métier d’ entraîneur. Mais pour les courbes de cardio ou de vitesse, j’ estime que c’ est utile, que ça plaise ou non.
G. Est-ce une question de juste équilibre? M. M. Bien sûr. C’ est un outil complémentaire. On a besoin de voir les chevaux, de comprendre le contexte, pas d’ avoir le nez sur son ordinateur. À l’ œil, c’ est difficile de deviner le rythme cardiaque ou de constater qu’ en deux semaines, l’ amplitude a diminué de 20 cm. Cela aide à confirmer le ressenti. Personnellement, j’ ai besoin d’ être sur le terrain tous les matins. J’ adore comparer mes données avec les sensations des cavaliers. J’ estime que mon cheval est prêt à courir? Je le pressens, les données le confirment: tout est ok.
G.
Ces nouveaux outils sont-ils à la portée de tous?
M. M. Mettre des capteurs, oui. Comprendre, oui aussi. Après, creuser les données, récupérer les amplitudes, cela prend du temps. C’ est bien d’ avoir quelqu’ un dans son équipe qui puisse s’ en charger. L’ analyse des données est potentiellement un job d’ 1 à 2 h par jour.
G. Quels sont les progrès à attendre? M. M. En cardio, beaucoup de choses. En imagerie, infrarouge, c’ est déjà génial de pouvoir capter la température: une caméra thermique est capable de déceler quelle zone exactement est victime d’ une inflammation. Pour la génétique, c’ est un sujet complexe. Mais la lecture du génome promet une dimension énorme aux futurs croisements. Pour la santé aussi, on sait très bien qu’ il y a des prédispositions génétiques à telle ou telle blessure, qu’ un produit de tel ou tel étalon est appelé à se blesser. Ce sont des constats empiriques que la lecture de l’ ADN peut authentifier comme des prédispositions.
G. Étrangement, peu d’ outils numériques se sont encore emparés de la génétique …
M. M. Non, c’ est fou! Probablement parce que c’ est un sujet sacré. Et puis on manque d’ outils comparé à d’ autres études d’ animaux comme les bovins. Dans ce domaine, même le cheval de selle est en avance sur les pur-sang.
G. À quel point les courses seront-elles connectées dans 15 ou 30 ans?
M. M. J’ espère qu’ on saura s’ appuyer sur les progrès pour attirer une nouvelle population de clients, plus jeunes. Aujourd’ hui, tout se passe sur Instagram et sur son smartphone. La technologie et le sport sont deux sujets porteurs – à la filière de créer un cocktail explosif qui attire. Les courses de chiens virtuelles, ça existe déjà en Australie, tout va très vite. Mais j’ espère que les chevaux resteront au centre du propos. La data a déjà révolutionné le rugby, mais il y a des choses qu’ elle n’ arrive pas à capter, que la machine ne parvient pas à analyser, comme « le french flegme », et c’ est heureux. C’ est tout le charme du sport.
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