Retour vers le futur N°7 Avril 2025 | A LA UNE : NICOLAS CLÉMENT : “CELA CONFIRME LE REGARD”

NICOLAS CLÉMENT : “CELA CONFIRME LE REGARD”

Par Serge Okey

Adepte des trackers depuis trois ans, l’entraîneur cantilien Nicolas Clément estime que ces nouveaux outils représentent un « bon point d’appui » pour situer la forme de ses chevaux. Même si rien ne remplacera, selon lui, l’œil de l’expert, il rêve même d’aller plus loin.

Galorama. Quel est votre rapport avec les nouvelles technologies : les statistiques, 
la data, l’IA ?

Nicolas Clément. Je les utilise depuis 2022. Mon frère (Christophe) en est adepte, comme beaucoup d’entraîneurs aux États-Unis. Là-bas, les chevaux partent à fond et c’est le cheval qui fatigue le moins qui va au bout. C’est pourquoi ces données ont plus d’importance. Je pratique de façon artisanale, ce sont « mes petites découvertes », mes « petits algorithmes ». J’ai trois trackers, ce qui est onéreux, mais je rentre mes données dans un petit logiciel. Et ensuite, je fais mon petit hit-parade des foulées et des cadences.

G.     Cela vous aide-t-il beaucoup ?
N.C.    D’une certaine manière, c’est instructif, un bon appui. Disons que cela confirme le regard. Si une foulée fait 6,50 m, elle fait 6,50 m. Cela rejoint ce que font les rugbymen et les footballeurs quand ils mesurent le nombre de kilomètres qu’ils ont parcouru. Jeune, quand j’étais nageur, on mettait déjà un peu de science dans les entraînements avec les intervalles, le training, les sprints répétés.

G.     Qu’est-ce que peuvent changer ces nouvelles technologies selon vous ?
N.C.    Je suis partisan de mettre des portails sur les pistes, comme pour les télépéages. Tous les 200 mètres, ce serait idéal pour mesurer la vitesse. Et puis ça permettrait de vérifier que les bons chevaux sont bien en piste. J’adorerais que l’IA puisse donner la température de mes chevaux le matin, vérifier qu’ils ne sont pas malades.

G.    Êtes-vous satisfait des technologies proposées aujourd’hui ?
N.C.    Les capteurs marchent à 85-90 %. C’est plus compliqué les jours de neige et d’humidité. Les électrodes se trimbalent aussi parfois.

G.    Traitez-vous vous-même les données ?
N.C.    L’an dernier, j’avais confié cette mission à Morgane Molle, une ingénieure qui montait pour moi. Elle m’a un peu initié. Maintenant, je vais sur mon PC. Je regarde les courbes : vitesse, amplitude, fréquence cardiaque selon la vitesse. J’ai toujours pris le souffle comme repère.

G.     Les données numériques confortent-elles globalement vos impressions ?
N.C.    J’ai 35 ans d’expérience avant toute chose. Souvent, cela confirme mon jugement. À de rares occasions, cela me questionne. À de très rares occasions, la « bécane » a raison. L’IA est intéressante dans les croisements, le papier pour les parieurs. Mais on sait quand même qu’en juin, un Fabre a 25 % de chance de gagner, qu’un Christopher Head c’est 24 % de chance, qu’un Rouget sera meilleur sur distance que sur le sprint, qu’un fils de Dubawi par la mère de Frankel a 33 % de devenir blacktype.

G.     Utilisez-vous des outils de surveillance électronique ?
N.C.    Non, sinon je ne dormirais plus la nuit. Mais je comprends que ça intéresse les éleveurs au moment du poulinage.


G.    Ces nouvelles technologies sont-elles une bonne chose finalement ?
N.C.    Vous savez, il y a 25-30 ans, un gars aux USA mesurait les chevaux de l’oreille au garrot, de la croupe au haut de la queue, prenait la taille de la cuisse, des talons… Après, il passait ça à la moulinette et vendait son rapport 1 000 euros. Il y a de l’esbroufe et des propositions commerciales, mais ce sont de nouvelles propositions intéressantes. Je crois beaucoup aux vidéos des allures. C’est intéressant aussi pour prévenir des risques de blessure. Après, j’ai 61 ans, je ne suis pas favorable à ce que la société devienne trop aseptisée. Je me fie d’abord à moi pour trouver des bons chevaux.