Par Emmanuel Rivron
Avec plus d’un gagnant tous les dix partants depuis 2019, Adrien Fouassier a vite trouvé ses marques dans la colonne des entraîneurs. Il faut bien reconnaître que le trentenaire a toujours eu le sens de l’anticipation, que ce soit dans un peloton, ce qui lui a permis de signer près de 700 succès en tant que jockey, comme dans la gestion de sa carrière : « En 2016, j’achetais l’écurie de Gérard Margogne, nous apprend-il. C’était un projet mûrement réfléchi avec ma femme Agathe et j’ai eu la chance de pouvoir acquérir ces infrastructures. C’était une évidence pour moi de m’installer à Senonnes. C’est primordial de connaître son lieu de travail et les pistes ». Jockey pendant une bonne dizaine d’années chez Alain Couétil, le natif de Mantes-La-Jolie connaît certes les pistes mayennaises sur le bout des doigts, mais cela ne suffit pas pour passer d’un jockey de talent à un entraîneur performant. Et encore moins lorsqu’il est difficile de décrocher de l’adrénaline des pelotons : « J’ai arrêté ma carrière de jockey sur un gagnant. Cela me tenait à cœur de le faire avec un pensionnaire de l’écurie. J’adorais monter en course et le vestiaire m’a manqué un petit peu, mais j’ai arrêté sans trop de regrets. L’adrénaline est revenue à travers l’entraînement, même si c’est complètement différent. Beaucoup disent qu’entraîner apporte plus de tracas, mais la chose positive, c’est que je n’ai plus à faire attention à mon poids. Je peux plus manger à ma faim et je peux vivre un peu plus. Même si le métier d’entraîneur prend beaucoup de temps, on peut profiter des repas, des anniversaires, ce que je ne pouvais pas complètement faire quand j’étais jockey ».
De fêtes et de célébrations, il en a été question à l’écurie ces dernières années grâce au champion Haya Zark, triple vainqueur de Groupes 3 avant d’inscrire son nom au plus haut niveau, dans le Prix Ganay : « Ça a été magique de croiser un tel cheval, si tôt dans ma carrière. Avant de remporter son Groupe 1, il avait coché de belles cases en remportant le Prix Exbury (Gr.3) par deux fois et le Prix d’Hédouville (Gr.3) ». Alors qu’une belle carrière d’étalon lui était promise, le crack d’Odette Fau n’a pas passé le poteau du dernier Qatar Prix de l’Arc de Triomphe (Gr.1), connaissant une fin tragique : « J’ai pris très dur, sans forcément extérioriser, avoue Adrien Fouassier, la voix chevrotante. Je me suis mis dans ma carapace pour surmonter cela. Je me suis dit qu’il fallait se relever et j’étais à l’écurie à 4h30 le lendemain matin. Je savais que c’était la dernière course de la carrière d’Haya Zark, mais il me manque aujourd’hui. J’aurai aimé lui rendre visite au haras et aller à la rencontre de ses progénitures. M. et Mme Fau ont pris très dur également, mais ont été extrêmement forts, comme toute l’écurie ».
Un moral à toute épreuve
Le sens du rebond, Adrien Fouassier l’avait déjà expérimenté dans sa jeunesse. Du haut de ses 9 ans, il décide de monter le poney offert par ses parents mais rien ne se passe comme prévu : « Le poney en question n’avait que 8 mois et venait d’être sevré, se souvient-il. Quand je suis monté dessus, il s’est retourné et m’a éclaté la rate, causant une hémorragie interne. À 30 minutes près, j’y passais… » Mais il en fallait plus pour calmer la fougue de ce futur jockey, victime de deux graves accidents durant sa carrière. Tombé à pleine vitesse dans la phase finale en septembre 2009 à Craon, Adrien Fouassier étonne le corps médical en remontant victorieusement en course cinq mois après une triple fracture de l’articulation du genou. Et lorsque les spectateurs présents au Lion-d’Angers ont dû quitter prématurément l’hippodrome en avril 2017, l’inquiétude planait sur le sort du jockey tombé en course et plongé dans le coma artificiel. « Je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur mon sort. On ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs. De toute façon, je ne supportais pas être longtemps sur la touche ».
Dans ces moments de convalescence, celui pour qui l’équilibre familial revêt une importance primordiale a pu compter sur l’appui de sa femme Agathe, à cheval tous les matins et partie prenante de l’écurie : « C’est un projet de vie à deux avec ma femme Agathe, et même à quatre avec nos enfants Tao et Lina. Je m’occupe de l’écurie et des clients, tandis qu’Agathe gère un peu plus le personnel. Elle s’occupe des emplois du temps, avec mon responsable, Pierre Silloray, qui était le lad d’Haya Zark, et à qui l’écurie doit beaucoup également ».
Sur les traces d’Haya Zark
À la tête d’un effectif de 70 pensionnaires, cette fine équipe peut compter sur la relève, avec de nombreux deux ans, dont un certain Haya Gold, qui occupe le même box que son illustre demi-frère. Tout un symbole. Devant cette indéniable réussite, les époux Fouassier ont récemment construit un barn flambant neuf, dans lequel trône une superbe affiche d’Haya Zark. Malgré cela, ils ont dû encore pousser les murs puisqu’ils louent des boxes dans une autre structure du centre d’entraînement pour répondre à la demande : « Je ne veux pas forcément plus de chevaux dans l’effectif. Il me faudrait plus de personnel pour cela. Tout ce que je demande, c’est que l’écurie tourne. Je suis parfaitement conscient que je ne gagnerai pas des Groupes 1 tous les ans. J’essaie d’engager à bon escient pour marquer des buts. Je ne supporte pas d’aller aux courses pour rien ! » Deux fois sur cinq dans le trio gagnant depuis le début de l’année, les pensionnaires d’Adrien Fouassier font le bonheur des turfistes mais également celui du maître des lieux : « Je vis cheval à 100 %. Je fais canter à tous les lots. Monter sur un cheval est un livre ouvert pour moi. J’en sais plus ainsi qu’à les voir galoper. Je crois que j’arrêterai d’entraîner le jour où je ne pourrai plus monter. Il ne me manque rien dans ma vie : j’ai des enfants magnifiques, la santé et je fais le métier que j’aime. C’est magique ! »