Par Serge Okey
On n’imagine pas tout ce qui se cache derrière les milliers d’heures de retransmission et les tonnes d’informations diffusées sur Equidia. En « back-office », les équipes jonglent au quotidien entre les algorithmes et l’intelligence artificielle. En la matière, le recordman des directs en Europe a déjà passé la seconde. Et la troisième vitesse arrive au grand galop, tant de nombreux projets sont en selle. Le point avec David Deschamps, directeur des nouvelles technologies (CTO) pour Equidia.
Galorama. On commence par Enia, la fameuse mascotte de l’IA chez Equidia, qui note les partants du Quinté+ à base d’intelligence artificielle ?
David Deschamps. En vérité, ce n’est pas complètement de l’IA. On mobilise des algorithmes sur la base de nombreux critères, mais ceux-ci sont pondérés par nos experts. On se base surtout sur la data : les performances du cheval, sa faculté à tourner mieux à droite ou à gauche, la distance, l’état du terrain… À cela, on ajoute de l’humain : nos journalistes appellent les entraîneurs, dont les propos sont pris en compte. À côté de ça, on travaille sur des algorithmes purement IA, sans intervention humaine, mais ce n’est pas encore concluant. Nos journalistes sont meilleurs. On est en train de bâtir une charte pour bien cadrer tout cela.
G. Avez-vous toutes les données nécessaires ?
D.D. Notre problématique, c’est qu’il nous manque des données sur les chevaux étrangers, les débutants et les entraînements. On a essayé de mettre des capteurs à l’entraînement, mais les entraîneurs ne sont pas prêts encore, ce qu’on peut comprendre.
G. L’utilisation de ces outils numériques est-elle loin de se limiter aux pronostics ?
D.D. Oui, très loin. On travaille à un nouveau Chatbot (agent conversationnel) pour les autres courses que le Quinté+. On utilise aussi les détecteurs d’images. AWS Recognition, c’est un outil surpuissant ! Depuis peu, on fait une capture d’écran de chaque cheval au poteau d’arrivée pour illustrer les prochaines courses. Cela a une valeur. On réfléchit avec France Galop à fournir aux propriétaires une photo de l’arrivée de leur cheval avec un petit résumé.
G. Les avatars, vous y pensez ?
D.D. Ça se fait en Suisse avec un bulletin météo entièrement présenté par un humain numérique. On l’a fait et on va sans doute le refaire. Mais notre charte précise bien que l’antenne est réservée aux journalistes. Avec cette technique, on peut modéliser n’importe qui à l’aide d’une webcam. Avec l’accord des ayants droit, on pourrait même « ressusciter » Léon Zitrone. C’est très à la mode sur les réseaux sociaux. C’est une idée qu’on travaille aussi avec le PMU autour des bornes : un avatar pour conseiller les parieurs.
G. Les trackings font-ils partie de votre quotidien ?
D.D. On travaille beaucoup dessus avec McLloyd. C’est une source d’info considérable. Il y a deux ans, on avait le projet de mettre des petites vignettes au-dessus des chevaux pour bien les reconnaître en live. Hong Kong l’a fait. On essaye aussi des caméras plus sophistiquées pour savoir où sont les chevaux pendant la course.
G. Utilisez-vous ChatGPT ?
D.D. Oui, en interne, mais pas en production. Plus exactement, on utilise Claude, un algorithme concurrent et plus performant pour les biographies des chevaux. C’est en test. On a encore besoin de le cadrer. Tous ces outils ont besoin d’être entraînés. Mais il y a un avant et un après ChatGPT, qui a tout bousculé.
G. Toutes ces technologies sont-elles déjà bluffantes ?
D.D. Oui, le monde des technologies évolue à une vitesse folle. Celle d’Amazon est très performante pour le texte et l’image. Elle est capable de détecter l’accélération d’un cheval. Comme une Tesla, tout l’environnement est remodélisé. Le moindre objet est détecté.
G. Le feu vert vient d’être donné pour le « livebetting » : les courses sont-elles prêtes ?
D.D. Il y a un différentiel de quelques secondes entre la course et sa retransmission. On travaille à le réduire, mais il n’est pas encore question de pari en live tout le long de la course comme pour un match de foot. L’idée, dans un premier temps, est plutôt de challenger le parieur du type : « Éric Raffin va-t-il remporter la prochaine course ? Combien de fois va-t-il s’imposer aujourd’hui ? » Un peu comme au tennis avec « Qui va remporter le prochain set ? ».
G. L’application est-elle appelée à beaucoup évoluer ?
D.D. Elle est téléconnectée depuis deux ans. J’aimerais qu’elle soit personnalisée, qu’un propriétaire, quand il l’allume, reçoive : « Bonjour David, aujourd’hui vous avez cinq partants, les voici ». On est en phase de test avec l’IA. L’expérience pourrait être poussée aux bars PMU qui pourraient présenter leurs produits.
G. Êtes-vous beaucoup sollicité par les institutions ?
D.D. Oui. Au-delà du projet évoqué avec France Galop, Monsieur Barjon (SETF) nous challenge beaucoup sur l’innovation vidéo. Il veut raconter des histoires. Le nouveau site du Trot est très orienté data. On travaille à récupérer des flux pour proposer un mode expert comme pour la F1 sur Canal+. L’utilisateur pourrait choisir son angle de vue : le drone, la caméra des commissaires… Le Tour de France est très inspirant. Même si une course ne dure que trois minutes, pouvoir présenter de telles infographies, trackings, données en temps réel, ce serait formidable. On veut enrichir l’expérience client.
G. Et au niveau des retransmissions ?
D.D. 39 flux sortent en direct chaque jour, plus 20 le week-end potentiellement pour les réunions PMH. On poursuit notre déploiement sur les petits hippodromes de province. L’objectif, c’est de diffuser toutes les PMH.