Retour vers le futur N°7 Avril 2025 | CHEVAL : GRAN DIOSE POUR L’HISTOIRE

CHEVAL : GRAN DIOSE POUR L’HISTOIRE

Par Jacob Pritchard-Webb

Deux chevaux que j’espère voir figurer dans le Grand Steeple-Chase de Paris cette année sont les deux gladiateurs qui se sont affrontés l’année dernière : Grandeur Nature et Gran Diose . Jacob Pritchard-Webb a les yeux tournés vers le grand rendez-vous d’ Auteuil le 18 mai, et a discuté avec Louisa Carberry de son champion avant sa campagne 2025, à quelques jours de sa rentrée.

2024 fut incontestablement l’année de Gran Diose, avec une victoire dans le « Grand Steeple», avant de confirmer son statut de champion par 5 longueurs dans le Prix La Haye Jousselin (Gr.1). Ce géant d’1 mètre 83 a été soigneusement entraîné, et monté le matin, par Louisa Carberry depuis ses débuts, il y a cinq ans, dans une course à conditions sur les haies à Angers. Je m’en souviens bien, j’étais en selle dans cette course et j’ai fini juste derrière lui - comme les jockeys des deux Groupes 1 l’année dernière, je sais à quoi ressemble sa croupe !
Tandis que les chevaux français sont généralement orientés très tôt, à trois ou quatre ans, Louisa Carberry a adopté une approche plus « britannique » pour gérer son grand poulain un peu maladroit, qui n’a remporté sa première course qu’à cinq ans lors de sa rentrée, un handicap en mars, pour sa sixième sortie. Sa stratégie, fondée sur la patience, s’est avérée judicieuse. Il avait fait ses débuts en steeple deux courses plus tard à Auteuil et j’avais eu la chance de lui demander comment elle avait planifié la suite : « Même jeune, il nous donnait déjà le sentiment qu’il allait devenir un vrai stayer. Il avait suffisamment de talent pour gagner sur les haies, mais on a toujours pensé qu’il serait meilleur sur plus long, ce qui s’est confirmé. Après sa victoire en steeple, nous l’avons dirigé vers le Prix Fondeur, une très bonne Listed pour 5 ans à l’automne. Mais si j’avais su à l’époque ce que je sais maintenant, je ne l’aurais pas couru là. Il était trop faible pour cette distance. Il galopait et sautait très bien, mais il n’arrivait pas à finir fort sur les 4 400 mètres. Nous n’étions pas déçus, car il donnait tout, mais un peu désemparés ».


Un retour sur plus court bénéfique
Un retour sur une distance plus courte lui a permis de montrer tout son potentiel, avec une victoire de douze longueurs dans un Quinté, en terrain lourd, sous le top weight, lui valant une hausse de cinq kilos au poids. Ce qui suivit fut une saison à Compiègne, l’autre haut-lieu de l’obstacle en France, où il a pu courir sur des distances intermédiaires et gagner en puissance. « Tu ne me croiras peut-être pas, mais il a grandi de 5 centimètres entre ses 5 et 6 ans ! Il a atteint sa taille définitive (1,83 m), mais restait assez frêle. Cette année lui a permis de construire son endurance, d’utiliser sa vitesse naturelle et sa capacité à sauter. Courir ces courses lui a fait un bien fou – il a même remporté leur Grand Steeple ».
C’était la confirmation qu’ils tenaient un très bon cheval, au point qu’il fut engagé dans le King George à Kempton. Pourtant, le doute persistait sur son statut de stayer pur. « Après cette victoire, on a décidé de l’envoyer sur le Prix Georges Courtois (Gr.2), et ce fut la confirmation de tous nos espoirs. Il l’a remporté en rendant 4 kilos en terrain lourd face à Eddy de Balme, troisième d’un Groupe 1 et toujours dans les bons coups ».
Avec Compiègne désormais conquis à six ans, tous les regards se tournaient vers le « Grand Steeple ». Mais 2023 ne fut pas de tout repos pour celui que j’appelle « le grand gentil géant » : un éclat osseux avant la préparatoire, puis une maladie l’ont empêché de courir la grande course. Il fit son retour à l’automne avec une meilleure préparation et monta en puissance dans le Groupe 1 Prix La Haye Jousselin, dont il termine deuxième de Grandeur Nature : « C’était une superbe performance. Il a dû faire tout le boulot devant, ce qui n’est pas idéal car c’est un cheval anxieux qui aime avoir de la compagnie. Mais il s’est battu jusqu’au bout, et James lui a donné une magnifique course ».


Ce fut d’ailleurs la dernière fois que James Reveley le monta en course, puisque Clément Lefebvre fut, ensuite, désigné jockey attitré du propriétaire Frédéric Hinderze. « James mérite une mention spéciale pour sa contribution dans la carrière de Gran Diose. Il a forgé ce cheval. Ensuite, Clément a dû apprendre à le connaître. On a décidé de lui faire courir deux courses avant le « Grand Steeple », et ils ont bien progressé ensemble. Je me souviens d’avoir conduit pour Auteuil ce jour-là en me disant : Ce cheval va donner le meilleur de lui-même aujourd’hui. Je ne pouvais pas imaginer qu’il passe à côté. Peu importe le résultat, je savais que c’était son pic de forme ».


C’est incroyable de penser qu’un simple pressentiment, il y a quatre ans et demi avant sa première course, leur avait dit qu’il serait un stayer, et qu’un dimanche de mai, à huit ans, il leur donna raison en remportant la plus grande course d’obstacles de France. 
Le sport n’est pas toujours prévisible, surtout avec les chevaux. La carrière de Gran Diose reflète bien cela : des débuts difficiles, une saison imprévue, mais au final, il atteint les sommets de l’obstacle et confirme son statut en revenant sur les lieux de sa gloire pour prendre sa revanche sur Grandeur Nature avec cinq longueurs d’avance dans la « Haye Jousselin ». Et pour 2025, que nous réserve-t-il ? « Il a gagné énormément en confiance l’an dernier grâce à ces deux grandes victoires. Cette année, il ne fera qu’une seule course de préparation : le Prix Ingré, avant le « Grand Steeple ». On sait ce qui est bon pour lui désormais, et le jockey aussi ».


Une chose est sûre : personne ne l’oubliera ou ne le sous-estimera quand viendra le grand jour, 
en mai.