Par Mégane Martins
Arioneo est l’une des premières entreprises de la filière équine en France à s’être spécialisée dans la collecte de données et l’analyse de datas équines. Créée en 2014 par Erwan Mellerio et Valentin Rapin, la start-up a su mener à bien une première levée de fonds de 1,1 million d’euros dix-huit mois après son lancement et fait désormais parti de LIM Group. Arioneo maintient depuis une stratégie d’innovation forte et figure parmi les référents de son marché à travers la planète, avec une forte présence outre-Atlantique, dans les pays du Golfe ou encore en Australie. Valentin Rapin détaille Equimètre, un outil qui se sert de l’intelligence artificielle pour fournir un ensemble de données permettant d’analyser la performances et la santé, en courses ou à l’entraînement, des chevaux.
Galorama. Equimètre se positionne comme pionnier dans la mesure de la performance du cheval de course. Comment avez-vous imaginé votre outil ?
Valentin Rapin. L’idée d’Arioneo est née en 2014. C’est le sport qui nous a inspirés avec l’apparition d’outils permettant de capter des paramètres physiologiques sur les joueurs ainsi que des plateformes pour retranscrire ces données, puis des data-analyst qui interprètent ces données pour les entraîneurs. Le cheval étant un athlète de haut niveau, et compte tenu de la complexité liée au fait qu’il ne parle pas, les données prennent une importance d’autant plus grande.
G. Quelles ont été les différentes phases de développement ?
V.R. Après avoir été à la rencontre des socioprofessionnels et des institutions, nous avons lancé la phase de prototypage qui consiste à collecter beaucoup de données pour pouvoir ensuite développer tous les algorithmes, dont certains utilisent l’IA. L’objectif a été de pouvoir certifier que la donnée interprétée par l’utilisateur final est fiable et précise. Nous avons fait le choix d’internaliser les ingénieurs qui participent au développement du produit pour avoir toutes les compétences à portée de main. Le prototype est ensuite testé sur le terrain avant d’être commercialisé.
G. À partir de quelles données vous êtes-vous basés pour développer cet outil ?
V.R. Nous utilisons des données issues du GPS pour calculer la distance, le tracé, la vitesse, l’accélération, le calcul des temps intermédiaires - tout ce qui nous permet d’objectiver les accélérations des chevaux, les pics de vitesse, les tenues de vitesse, etc. Ensuite, nous utilisons des données issues des IMU, des capteurs de mouvement qui permettent de mesurer la locomotion, comme l’amplitude, la cadence, la symétrie, la régularité. Et enfin, nous utilisons des données cardio pour mesurer la fréquence cardiaque mais également l’électrocardiogramme du cheval à l’effort. Pour cela nous avons développé nos propres électrodes, qui sont brevetées et validées scientifiquement, pour l’acquisition de l’électrocardiogramme à l’effort qui permettent de détecter des pathologies cardiaques, tous les types d’arythmie : fibrillation atriale, etc. Grâce à tous ces paramètres, nous pouvons analyser le niveau d’effort produit par le cheval, le ressenti de cet effort, les douleurs potentielles grâce aux variations anormales de la fréquence cardiaque ainsi que le fitness et la récupération. Nous ajoutons à cela des données externes pour l’analyse des données.
G. Comment l’IA rend votre outil performant ?
V.R. Nous utilisons plusieurs types d’IA, trois chez Arioneo. D’abord l’IA prédictive pour l’analyse des performances et de la santé du cheval. Nous allons établir des potentiels de prévisions de performance, des tendances de données physiologiques et locomotrices pour permettre à l’IA d’estimer une forme optimale d’un cheval et faire une modélisation. Cela permet d’anticiper les risques de blessures par exemple. Aussi, la capacité à détecter une arythmie sur l’électrocardiogramme, puis le type d’arythmie, fait gagner un temps précieux aux vétérinaires. Cela fait partie d’un projet de recherche que nous menons aux États-Unis pour, notamment, étudier la mort subite chez les chevaux de course et essayer d’identifier des indicateurs qui permettraient de l’éviter. Nous travaillons également sur le sujet de la détection des fractures et les signes avant-coureurs à l’entraînement ou en course.
Ensuite, l’IA générative va utiliser ces données pour faire des phrases automatiques d’analyse sur des rapports, pour pré-interpréter les données pour les utilisateurs et donner des recommandations, par exemple. Nous avons lancé Arion Intelligence tout récemment pour préanalyser les rapports que reçoivent les entraîneurs au format PDF dans le but de leur faire gagner du temps.
Enfin, nous avons le machine learning, la technologie des capteurs qui permet, par exemple, la détection automatique du cheval qui est en train de marcher, de trotter, ou de galoper.
G. Comment votre outil a-t-il été perçu au départ ?
V.R. La perception a été très différente selon les pays et c’est encore le cas aujourd’hui. Comme toute innovation, il y a les early adopters et ceux qui souhaitent rester avec des méthodes plus traditionnelles. Par exemple, l’Australie, qui a une culture sport et technologique très forte, a été très réceptive et aujourd’hui, les capteurs font partie de l’entraînement du cheval de course et quasiment tous les entraîneurs en sont équipés. Certains embauchent des équipes spécialement dédiées à l’analyse et au traitement des datas. On voit une vraie évolution de l’utilisation du produit depuis le lancement à aujourd’hui. Certains entraîneurs ont attendu de voir comment se comportait l’outil chez d’autres avant de l’utiliser.