Jeux d'Enfants N°5 Février 2025 | ILS ONT FAIT L'ACTU

ENTRAÎNEUR

JEAN-CLAUDE ROUGET LE CŒUR ET LA RAISON

En tête des entraîneurs français aux gains en 2022 et en 2023, année de son deuxième doublé Jockey Club-Arc de Triomphe, Jean-Claude Rouget termine cette année 2024 en 5e position aux gains (a terminé l’année 2024 3e avec les primes). C’est pourtant sans doute le résultat le plus impressionnant de sa carrière.

Frappé par la maladie en tout début de saison, il a disparu pendant plusieurs mois, a dû bouleverser son organisation, céder son écurie de Deauville après avoir tenté de s’associer avec Jérôme Reynier, perdu des propriétaires et des collaborateurs de premier plan, le tout en se battant avec la maladie. Il est réapparu à l’écran d’Equidia cet automne et encore en ce début d’année avec des nouvelles rassurantes. Il a esquissé un sourire de bon augure en répondant aux questions du reporter. On est habitué, évidemment, à plus d’extravagance. Jean-Claude Rouget est à la fois un homme réservé et un personnage public. Lorsque quelque chose ne va pas, il le dit à la télé. Quand Avenir Certain gagne le Prix de Diane (Gr.1), il pleure à la télé. Il est comme ça, Breton et Béarnais, homme d’affaires et homme de cheval, bourru et charmant, têtu et ouvert. Avant tout, c’est un créateur, le plus près de ce que serait un homme de la Renaissance dans le monde des courses, d’une nouvelle race d’entraîneurs-entrepreneurs. Lorsque Jean- Claude Rouget s’installe entraîneur, en 1978, à l’âge de 25 ans, son père Claude, qui s’était luimême installé à 39 ans, lui dit qu’il part trop vite. Le jeune homme sait-il où les chevaux le mèneront, c’est-à-dire sur le toit d’un monde qui n’aurait plus grand-chose à voir avec le sien ? Il part pour Pau, parce qu’après y avoir passé plusieurs meetings d’hiver avec son père, il décide que c’est un endroit agréable à vivre, et que les programmes de la région sont bien faits. Le cœur et la raison, déjà. Associé avec Philippe Boisgontier, cavalier hors pair, il transforme sa petite écurie d’obstacle en usine à gagnants, et douze ans après s’être lancé, il décide de se consacrer exclusivement au plat. Il ne supporte plus les chutes et les blessures, et le plat lui ouvre toutes les portes. Le cœur et la raison, encore. Très vite, grâce à une connaissance parfaite du programme et à une organisation sans faille, et des seconds capables de faire tourner l’écurie pendant les déplacements sur les hippodromes et sur toutes les places de vente, l’Écurie Rouget devient celle qui, en France, remporte le plus de courses. 120 en 1989, 178 en 1991, lorsqu’il bat le record du genre établi par François Mathet avec 173 gagnants en 1972, 222 en 1992, 242 en 1994, record absolu, l’année de Millkom , son premier Groupe 1.

On fait le plein

(Gr.1), il pleure à la télé. Il est comme ça, Breton et Béarnais, homme d’affaires et homme de cheval, bourru et charmant, têtu et ouvert. Avant tout, c’est un créateur, le plus près de ce que serait un homme de la Renaissance dans le monde des courses, d’une nouvelle race d’entraîneurs-entrepreneurs. Lorsque Jean- Claude Rouget s’installe entraîneur, en 1978, à l’âge de 25 ans, son père Claude, qui s’était luimême installé à 39 ans, lui dit qu’il part trop vite. Le jeune homme sait-il où les chevaux le mèneront, c’est-à-dire sur le toit d’un monde qui n’aurait plus grand-chose à voir avec le sien ? Il part pour Pau, parce qu’après y avoir passé plusieurs meetings d’hiver avec son père, il décide que c’est un endroit agréable à vivre, et que les programmes de la région sont bien faits. Le cœur et la raison, déjà. Associé avec Philippe Boisgontier, cavalier hors pair, il transforme sa petite écurie d’obstacle en usine à gagnants, et douze ans après s’être lancé, il décide de se consacrer exclusivement au plat. Il ne supporte plus les chutes et les blessures, et le plat lui ouvre toutes les portes. Le cœur et la raison, encore. Très vite, grâce à une connaissance parfaite du programme et à une organisation sans faille, et des seconds capables de faire tourner l’écurie pendant les déplacements sur les hippodromes et sur toutes les places de vente, l’Écurie Rouget devient celle qui, en France, remporte le plus de courses. 120 en 1989, 178 en 1991, lorsqu’il bat le record du genre établi par François Mathet avec 173 gagnants en 1972, 222 en 1992, 242 en 1994, record absolu, l’année de Millkom , son premier Groupe 1.

On fait le plein
Toutefois, malgré ses victoires en série et quelques escarmouches victorieuses en région parisienne, il passe encore pour un provincial qui fait le plein de victoires avec de petits chevaux avant que les grands ne sortent du bois. Dans une interview parue dans le Thoroughbred Racing Commentary il y a bientôt quinze ans, il admet : « Mes collègues pensaient que je ne pouvais pas seller un gagnant Classique parce que je préparais mes chevaux trop tôt. Le fait est que j’essayais seulement de prendre ce qui était disponible avant que les meilleures écuries n’atteignent leur apogée ». Le cœur et la raison, décidément. Acheteur tous azimuts, Jean-Claude Rouget comprend que c’est aussi aux États-Unis qu’il pourra renforcer ses effectifs en achetant des yearlings de sang européen élevés par des Américains. En Europe aussi : né en Angleterre et acheté à Newmarket, Millkom lui gagne le Prix Jean Prat (Gr.1) et le Grand Prix de Paris (Gr.1) 1994 sous la casaque de Claude Gour, un de ses premiers soutiens.

« JE NE SAIS PAS SI LE TÉLÉPHONE A SONNÉ PLUS QUE D’HABITUDE À PARTIR DE CE MOMENT-LÀ, MAIS CEUX QUI APPELAIENT N’ÉTAIENT PLUS LES MÊMES ! »

Jean-Claude Rouget dans TRC en 2015

On court d’autres records
Ce cheval va changer quelque chose. « Soudain, le plafond de verre a disparu, avait déclaré Jean- Claude Rouget dans cette même interview à TRC. Cela m’a fait penser que nous pouvions aller à Paris avec nos meilleurs chevaux. Tout le monde disait que c’était impossible et cela m’a convaincu d’essayer à nouveau. Parfois ça marchait, parfois non et on les ramenait dans notre région. Mais il fallait désormais compter avec nous ». Son cœur lui dit qu’il le doit, sa raison qu’il le peut. Toujours. Progressivement, la course aux records de victoires passe au second plan. Troisième écurie française par les gains cette année 1974, l’écurie vire en 2e position pour la première fois cinq ans plus tard, puis semble s’accrocher au trio de tête jusqu’à ce qu’en 2009, le troisième étage de la fusée ne quitte définitivement le plancher des vaches. Au mois de juin, Jean-Claude Rouget selle le gagnant du Jockey Club (Gr.1), Le Havre , et les deux premières du Prix de Diane (Gr.1), Stacelita et Tamazirte . « Je ne sais pas si le téléphone a sonné plus que d’habitude à partir de ce moment-là, dira l’entraîneur avec humour, mais les gens qui ont appelé n’étaient certainement pas les mêmes ! ». Explorateur-né, Jean-Claude Rouget avait décelé une transition dans l’organisation et le programme des courses en France. Grâce à une nationalisation du calendrier PMU et une hausse vertigineuse des allocations, grâce au groupe de clients de tous les coins de France et de la terre qu’il avait su animer, il disposait de plus de moyens. Il a su mettre à sa disposition toute l’énergie dont il avait besoin pour passer à un autre plan. 1994 et 2009 furent deux étapes qui, très certainement, marquèrent le plus son ascension, des moments de libération. La machine tourne ensuite à pleine régime, et les grandes victoires s’accumulent, avec cinq autres Prix du Jockey Club, trois autres Prix de Diane, 7 Poules d’Essai et 2 Arc de Triomphe… Seules des forces malignes qui nous dépassent tous ont pu influer sur cette trajectoire flamboyante. L’écurie a pourtant tenu, pendant l’épreuve. Le bateau est là, qui suit les courants en attendant que son capitaine puisse lui consacrer à nouveau tout son cœur et toute sa raison.