Jeux d'Enfants N°5 Février 2025 | ILS ONT FAIT L'ACTU

ÉLEVAGE

À CERCY L’UNION FAIT LA FORCE

Créée en 2012 pour palier au désengagement des Haras Nationaux, la coopérative de Cercy-la-Tour, dans la Nièvre, est le poids-lourd français de l’étalonnage pour l’obstacle. Près de mille juments y ont été saillies en 2024, le bénéfice frôlant les 1 300 000 €. De gros chantiers d’agrandissement sont en cours.

La tradition est bien ancrée : chaque premier samedi de janvier, les étalons de Cercy-la- Tour défilent. Le public, composé de centaines d’éleveurs venus du Centre et d’ailleurs, est plus intransigeant dans ce berceau de l’AQPS que les critiques de mode à un défilé Channel. Devant la foule experte, Prince Gibraltar roule des mécaniques, Karaktar fait le beau tout debout et Cokoriko clôt le show souverainement, en tant que leader français des étalons d’obstacle. On se retrouve ensuite autour d’un apéritif gargantuesque suivi d’un déjeuner convivial. Ce rendez-vous incontournable est l’héritage des présentations d’étalons qui se déroulaient à Cluny du temps des Haras Nationaux, commentées par le directeur en grand uniforme.

Coup d’essai, coup de maître
La Coopérative Agricole des Éleveurs de Chevaux de Course (SCAECC) de Cercy a été créée en février 2012 pour apporter une solution à la fin de l’étalonnage public. « En dehors des Haras Nationaux, il n’y avait rien aux alentours, sauf le Haras de Saint-Voir qui était à plus de quatre-vingts kilomètres, explique Jacques Cyprès, président historique de la coopérative. Si nous n’avions pas réagi, nous aurions perdu un nombre énorme de juments ». Soixanteseize éleveurs sont donc devenus des membres fondateurs, investissant mille euros chacun pour prendre en mains leur destin. La coopérative a commencé par louer les étalons nationaux de la circonscription de Cluny, dont Network, avant d’investir dans de nouveaux reproducteurs. Son premier achat fut Cokoriko (Robin des Champs) : une sacrée réussite ! Il faut dire que tout étalon entamant sa carrière à Cercy est assuré d’avoir un carnet de bal bien fourni. « Lorsqu’on a la chance de faire débuter un cheval, on le syndique en partie, ce qui lui assure une base d’une cinquantaine de juments », précise Jacques Cyprès. La coopérative garde une part majoritaire de tout étalon qu’elle acquiert pour le sécuriser. Ainsi, Cokoriko et Karaktar sont restés au bercail malgré des propositions d’achat stratosphériques... Jeu St Eloi a lui été exporté, mais la coopérative n’en détenait que 30 %. Cette vente par essence exceptionnelle a « dopé » le bénéfice 2024. L’organisation en coopérative, si elle comporte des contraintes règlementaires, a de gros avantages sur le plan fiscal : « Nous ne sommes pas imposés sur le chiffre d’affaires à condition qu’il soit assuré à 80 % minimum par des coopérateurs. La coopérative n’est imposable que sur le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé avec des non-adhérents », précise Jacques Cyprès. La SCAECC de Cercy compte aujourd’hui sixcents membres qui bénéficient de tarifs très attractifs sur les saillies. Chacun d’entre eux a acquis trois parts sociales pour un total de 150 euros pour trois ans. L’absence d’autre structure du même type en France a permis d’étendre la zone de rayonnement de Cercy et, aujourd’hui, tout éleveur domicilié en France peut prétendre adhérer.

Le haras repousse ses frontières
La coopérative de Cercy a racheté ses installations à la communauté de communes voici cinq ans. Elle s’agrandit sur une cinquantaine d’hectares divisés en deux entités en cours d’aménagement. Le site du pavillon pourra accueillir, à terme, une cinquantaine de juments, ce qui permettra notamment de développer une activité de pension à l’année. Sur l’autre site dit « de l’étang », de nouvelles prairies seront aménagées, l’idée étant également d’y produire du foin et des céréales. Avec ses dix salariés, dont l’emblématique directeur Philippe Thiriet, la station d’étalons de Cercy est désormais le troisième employeur de la commune.

Le Lion d’Angers rugit aussi
Un autre ancien Haras National est parvenu à conserver sa vocation d’étalonnage, c’est celui du Lion d’Angers. Une SAS (Société par actions simplifiée) a été créée en 2014 par les haras de la Rousselière (famille de la Guillonnière) et des Mottes (famille Poirier), SAS qui loue les installations du Lion six mois par an. Elle emploie deux salariés permanents dont François Thomas pour la partie commerciale, l’équipe s’étoffant durant la saison de monte. La SAS et les haras qui la composent sont actionnaires des étalons, dont les très courus Castle et Clovis du Berlais ou encore Hunter ’s Light. « Nous avons débuté l’activité en 2015 pour conserver de bons étalons à proximité et prenons toutes les décisions à deux avec Arnaud Poirier. Notre philosophie est de ne pas perdre d’argent et de réinvestir tous les bénéfices dans l’activité » indique l’hyperactive Nelly de la Guillonnière. « Il devient très difficile d’acquérir des étalons et notre organisation permet de le faire en mutualisant les risques ». Sept-cents juments environ sont saillies au Lion chaque année, dont cent-cinquante trotteuses.