Tour de France N°10 Juillet 2025 | Rencontre

UNE FAMILLE QUI A DU CRAON !

CLÉMENT LEFEBVRE VU PAR NICOLAS ET FABIEN LEFEBVRE

Par Emmanuel Rivron

Lauréat dans le dernier Grand-Steeple-Chase de Paris (Gr.1), alors qu’il ne figurait même pas dans la liste des partants quelques heures avant la course, Clément Lefebvre s’est même offert l’Anjou-Loire Challenge quelques jours plus tard, toujours sous la casaque de la famille Papot. Et chez les Lefebvre, cette valeur famille prend également tout son sens, comme nous l’explique Nicolas, le père de la Cravache d’or d’obstacle 2024, mais aussi Fabien, jockey de plat et véritable guide du cadet de la fratrie.

NICOLAS LEFEBVRE
Très investi dans les courses de poneys depuis de longues années, Nicolas Lefebvre nous livre son regard de père et de passionné des équidés sur son fils cadet Clément, la Cravache d’or d’obstacle 2024.

Galorama . Comment Clément a-t-il attrapé le virus des courses ?Nicolas Lefebvre . À vrai dire, je vivais à fond cheval, avec les concours hippiques et les courses notamment. J’étais et je suis toujours permis d’entraîner. Clément avait donc les chevaux devant la maison à Craon. Il est né avec eux. Dès l’été de ses 4 ans, il montait tout seul son poney shetland. Le dénommé Milton avait même le droit à deux séances par jour. Tout était motif pour faire office de cheval : le canapé, le cheval mécanique. D’ailleurs, s’il y avait un record de nombre d’heures passées sur le cheval mécanique, Clément serait très bien placé !

G . De quoi être bien armé pour les courses de poney, n’est-ce pas ?
N.L. Il s’est mis aux courses de poneys dès qu’il a eu l’âge requis, c’est-à-dire 7 ans. Il était sous la protection de Fabien, qui était à la fin de son parcours dans le circuit des poneys. En tant que parents, nous avons eu la chance de voir nos quatre enfants s’affronter dans deux épreuves. Ils sont toujours très solidaires entre frères et sœurs. Clément a gagné 110 courses de poney contre 114 pour Fabien, qui avait pourtant monté un peu moins. Je voyais que Clément n’était pas maladroit, mais je ne voulais surtout pas que cela aille trop vite. Il a d’ailleurs monté les courses d’obstacle très tardivement. J’ai refusé, à de multiples reprises, que Clément soit associé à certains poneys quasiment sûrs de gagner. J’ai toujours mis le frein à main, car j’avais vu passer auparavant un garçon très doué chez les poneys, mais qui s’est vite retrouvé blasé. Il faut toujours avoir l’envie d’avancer, comme un poulain en quelque sorte.

G . Dans quel contexte Clément est-il passé des poneys aux chevaux ?
N.L. Quand il était en 6e et en 5e, j’avais deux chevaux à l’entraînement, que je préparais sur les pistes de mes voisins, la famille Paysan. Tous les matins, nous étions tous les deux à cheval à 7 heures avant d’aller au collège. Clément se levait sans rechigner. C’était réglé comme du papier à musique : il était toujours pile à l’heure pour aller en cours. En parallèle, il a fait de très nombreux stages, grâce également aux expériences de Fabien. Alors qu’il montait à peine en course, Clément avait dû passer dans une trentaine d’écuries, même si certaines expériences se résumaient à deux ou trois matinées. Il est passé notamment chez Nicolas Paysan, Baptiste Letourneux, Sandrine Tarrou, Alain de Royer-Dupré, Jean-Paul Gallorini, Armel Le Clerc, Guy Chérel, et la liste est bien loin d’être exhaustive. Côté études, il a profité de l’expérience de Fabien, qui avait fait l’AFASEC. Il avait été décidé, en famille, que Clément ferait un BEPA à la Maison Familiale de l’hippodrome de Craon, à domicile donc, puis un bac Pro. Il était gentleman, mais avait la possibilité de monter en semaine, sauf l’année du bac.

G . Quel souvenir avez-vous de son premier succès ?
N.L. C’était sur l’hippodrome et la plage de Plestin-les-Grèves, que j’avais eu le plaisir de découvrir. Alors qu’il n’avait pas pris une place jusque-là, Clément y était allé pour Baptiste Letourneux et s’est retrouvé à monter au pied levé une certaine Tulipe de Beaulieu , qui n’a d’ailleurs jamais gagné d’autres courses dans sa carrière.

N.L. Clément est travailleur, analyse très bien les courses et est respectueux des autres. Pour ceux qui veulent l’écouter, il n’est pas avare de conseils. S’il aime bien les gens, il les aime vraiment. Même s’il a eu des accidents, je trouve qu’il est assez chanceux, dans ses choix notamment. Cela s’est encore vérifié dans le Grand Steeple remporté au pied levé, en selle sur Diamond Carl . Avec son agent, qui fait un super boulot, il avait fait le choix de ne pas monter de deuxièmes chances ce jour-là, au risque de se retrouver à regarder la course dans les tribunes. C’était d’ailleurs ce qui se profilait la veille du Grand Steeple. Alors que Clément montait très peu pour la casaque de la famille Papot, cette victoire de Diamond Carl l’a amené à monter Gold Allen dans l’Anjou-Loire Challenge une dizaine de jours plus tard. Il adore le Cross, spécialité qui se gagne avec un cheval compétitif évidemment, mais aussi avec la tête du jockey. Le Grand Cross de Craon lui échappe jusque-là, mais ce serait un vrai moment de bonheur si cela lui arrivait.

G. D’un point de vue personnel, êtes-vous toujours aussi investi dans les courses de poneys ?
N.L. Bien sûr, je suis référent de l’Ouest des poneys au galop et secrétaire général de l’Association Nationale des Poneys au Galop. Cette association fonctionne très bien avec la promotion des courses de poney, y compris outre-Mer et en Corse. Les professionnels ont compris que ces compétitions étaient le vivier de leurs écuries personnelles. Il faut accompagner, encourager les enfants mais, avant tout, il faut qu’ils y trouvent du plaisir et c’est le cas pour tous les sports.

 

FABIEN LEFEBVRE
Récent lauréat d’une Listed pour pur-sang arabes à Stockholm, en selle sur Farida P et auteur d’un très bon début de saison, Fabien Lefebvre est admiratif devant la réussite de son petit frère Clément. Ainé d’une fratrie composée également de deux sœurs, Aline et Marie, Fabien est un témoin privilégié de l’irrésistible ascension de son frère cadet de 8 ans, au sein d’une famille très unie.

Galorama. Quelles impressions vous avait laissé Clément lors de ses premières à cheval ?
Fabien Lefebvre. Je me souviens qu’il a dû monter à poney dès ses 4-5 ans. Il a appris très tôt et avait donc de l’avance sur les autres. Il adorait ça surtout. J’ai dû lui donner quelques conseils probablement, mais je me souviens surtout de lui avoir dit de ne pas faire d’école pour être jockey. Il s‘annonçait plus lourd que moi et se destinait à courir en obstacle. Je lui avais donc conseillé de faire des études, vue la dangerosité du métier. Clément ne pouvait qu’avoir une licence gentleman, ce qui lui a permis de se façonner. Il avait ensuite les armes pour monter en course.

G. Quels sont les principaux atouts de Clément ?
F.L. Il est bon tout simplement et connait son métier. C’est top ce qu’il réalise. Comme l’illustre sa réussite en cross, il sait bien prendre les trajectoires. Il lui est arrivé plusieurs fois, de mémoire, à gagner des cross, alors que ses adversaires avaient dérobé. Très professionnel, Clément connait son cheval et ses rivaux. Il est également très constructif pour les entraîneurs. Gagner la course n’est qu’un détail dans ce métier. Clément a un moral et un mental d’acier. Mais, à vrai dire, tous les jockeys d’obstacle sont assez impressionnants mentalement. Clément a aussi cette faculté de courir partout. Il est capable d’être le samedi à Pontivy, le dimanche à Auteuil et le lendemain sur le cross de Nuillé-sur- Vicoin. Il va chercher des victoires où d’autres ne vont pas. C’est un gros atout dans la quête d’une Cravache d’or. Toute la famille est derrière lui. La valeur familiale est d’ailleurs très importante chez nous et nous en sommes très chanceux.