par Céline Gualde
Son talkie-walkie à la main, Denis Legeard est partout, véritable couteau suisse de la société des courses du Pin. À soixante-trois ans, la retraite se profile pour cet homme discret et dynamique, bien connu des éleveurs normands dont il a, des années durant, identifié les poulains. Dans quelques semaines, Denis quittera son poste de technicien des Haras, mais ô grand jamais il ne tournera le dos à son hippodrome, cette oasis bucolique d’une trentaine d’hectares située à quelques kilomètres du haras où il a mené sa carrière. Denis Legeard est bénévole pour la société des courses du Pin depuis un quart de siècle, des noces d’argent ! Il faut dire que l’hippodrome de la Bergerie peut faire chavirer les cœurs, avec son charme suranné et romantique. Inauguré en 1823 au cœur des forêts domaniales du Pin, il est à l’époque l’un des principaux hippodromes de plat en France. Son parcours d’obstacles n’a pas connu de grands changements depuis que le baron de la Motte, sous-directeur du haras, l’a dessiné en 1850. Une grande tribune ornée de poteaux métalliques de style Eiffel trône face à la piste depuis 1875. En gravissant ses marches, on a le sentiment de remonter le temps... Vus d’en haut, la piste et le parcours d’obstacles cernés par de grands arbres sont réellement magnifiques.
« Depuis ma jeunesse, je n’ai pas loupé beaucoup de réunions de courses au Pin, sourit Denis. En tant que petit éleveur, j’adorerais qu’un cheval que j’ai fait naître s’impose ici. » Il a occupé une multitude de fonctions les jours de course. Ces dernières années, Denis est de garde avec les équipes médicales, servant si besoin de guide dans les méandres du parcours d’obstacle. D’autres bénévoles gèrent la buvette, l’arrivée des chevaux et la vérification de leur identité, les entrées et sorties de piste... il y a mille tâches à accomplir les jours de courses, mais aussi et surtout en amont, pour installer la signalétique sur l’hippodrome, entretenir la vingtaine d’obstacles et poser les fanions... Parmi la quarantaine de bénévoles de la Société des courses du Pin, qui sont de facto membres de cette structure associative présidée depuis une dizaine d’année par Éric de Catheu : une avocate, un menuisier-charpentier, un assureur, des commerçants et de nombreux employés du secteur du cheval. Grâce à cette équipe soudée, l’hippodrome a pu passer le cap du retrait des Haras Nationaux au début des années 2000. Autrefois grands ordonnateurs des courses du Pin, ils n’interviennent plus qu’en tant que prestataires rémunérés pour l’entretien des pistes. « Nous avons dû nous réorganiser pour
SIX MILLE BÉNÉVOLES S’ACTIVENT POUR FAIRE FONCTIONNER LES DEUX CENT TRENTE-TROIS HIPPODROMES FRANÇAIS.
faire face, recruter de nouveaux bénévoles et surtout faire la chasse aux subventions et trouver des sponsors, organiser une tombola. On a mis en place un système. L’entretien des obstacles est assuré par une association de réinsertion locale », explique Denis Legeard. Le dynamisme de la société des courses a sauvé ce pan du patrimoine hippique qu’est l’hippodrome de la Bergerie. Il accueille quatre réunions de courses au galop par an, plat et obstacle, deux au printemps et deux à l’automne. La journée du Grand Cross en octobre est un must. Les entraîneurs tête de liste et les grandes casaques du plat et de l’obstacle ne boudent pas l’hippodrome normand. « Trois semaines avant la première réunion, on se donne rendez-vous un samedi pour faire l’entretien des lieux d’accueil, mettre en place les aires de piquenique . On finalise tout à la veille des courses. » La joyeuse bande se retrouve aussi pour cogiter sur les animations à offrir au public afin de le séduire et le fidéliser : exposition de voitures de collection, courses de percherons et de poneys, présentation d’équipages de chasse à courre, concerts, marché du terroir... Un brain-storming fructueux puisque certaines réunions de courses attirent près de neuf cents spectateurs ! Il fait dire que tous les bénévoles se chargent de distribuer flyers et affiches autour de chez eux, et que les banderoles vantant leurs réunions de courses fleurissent un peu partout au bord des routes... La saison de la société des courses du Pin se termine comme un banquet d’Astérix : gastronomiquement et en musique, entre bénévoles, pour faire germer les idées nouvelles qui assureront le futur de leur cher hippodrome.
Prochaines réunions : 12 et 26 octobre