Comme chaque année à la veille de la réunion internationale Longines, Winfried Engelbrecht-Bresges, le patron du Hong Kong Jockey Club et le président de la Fédération internationales des autorités hippiques, dresse un vaste panorama de l’activité hippique à Hong Kong et dans le monde. Les enseignements, les projets et les avertissements ne manquent pas, cette année…
LES VISITEURS POURRONT PAR EXEMPLE INTERAGIR AVEC UN AVATAR DE GOLDEN SIXTY !
Renouveau des courses à Hong Kong
« Toutes les juridictions de courses doivent être conscientes que la pandémie de COVID-19 a profondément modifié le comportement des parieurs. Il est crucial de comprendre ces changements et d’adapter notre offre pour fidéliser notre clientèle et attirer de nouveaux adeptes. L’an dernier, notre chiffre d’affaires local a accusé une baisse de 7 à 8 % sur les courses hongkongaises, partiellement compensée par la croissance du marché international (15 à 18 %). Au final, nous avons enregistré une baisse de 4,5 %. Face à ce constat, nous avons redoublé d’efforts pour repositionner les courses et renouer avec le public, une stratégie qui porte ses fruits. Actuellement, nous observons une hausse du chiffre d’affaires local de l’ordre de 1,5 à 2 %, tandis que le commingling (intégration des enjeux internationaux à la masse commune) progresse de 12 à 13 %. Nous notons également un afflux significatif de nouveaux parieurs en provenance de Chine continentale. Chaque réunion de courses attire entre 2 000 et 3 000 touristes chinois, et nous en attendons près de 8 000 ce dimanche. Malgré cette dynamique positive, la fréquentation de nos hippodromes lors des réunions classiques a diminué d’environ 15 %. Les parieurs ont pris goût à l’expérience numérique pendant la pandémie et ne ressentent plus le besoin de se déplacer, sauf pour des événements spéciaux. Or, nos études montrent qu’une présence physique régulière sur l’hippodrome (au moins sept visites) est essentielle pour fidéliser les parieurs. Nous devons donc proposer davantage d’événements et d’animations pour favoriser l’interaction et offrir une expérience immersive. »
Attirer la jeune génération
« Nous ciblons activement la génération Z, pour qui nous avons développé une offre spécifique. Il est encourageant de constater une croissance de 10 % de ce segment de clientèle. Notre nouveau site de Happy Valley, «Vintage and Beat», propose une expérience numérique des courses, notamment grâce à l’intelligence artificielle (IA) (exergue) Ce projet pilote permet aux jeunes générations de décrypter les pages hippiques traditionnelles, difficiles d’accès, et d’accéder à des recommandations de paris générées par l’IA, en fonction de critères que les utilisateurs sélectionnent eux-mêmes (forme du jockey, du cheval, de l’entraîneur, etc.). L’objectif est de les familiariser avec les éléments clés de l’analyse des courses de manière ludique et interactive. C’est très interactif et les retours sur ce projet pilote sont positifs. Nous prévoyons de le déployer sur nos plateformes numériques (applications mobiles notamment) dans les prochains mois. »
Tourisme hippique
« Le tourisme a été désigné comme un secteur clé par le directeur général de la RAS de Hong Kong dans son dernier discours de politique générale. Pour la première fois, le gouvernement reconnaît l’importance du tourisme hippique dans la relance de Hong Kong, ce qui nous ouvre de nouvelles perspectives.
Nous avons déjà commencé à transformer l’un de nos espaces, le Champion Circle, qui sera opérationnel en avril prochain. Mais le projet majeur est la création d’une nouvelle tribune, avec une entrée dédiée et une expérience immersive pour les touristes. Elle sera dotée d’un espace high-tech avec du contenu généré par l’IA et de la réalité virtuelle. Les visiteurs pourront par exemple interagir avec un avatar de Golden Sixty ! (exergue) Différents espaces seront aménagés pour répondre aux attentes de chaque segment de clientèle, notamment un espace dédié à la génération Z avec une ambiance digitale et des offres de restauration innovantes.
Notre clientèle actuelle a plus de 50 ans. Il est crucial de rajeunir notre public pour assurer la pérennité des courses à Hong Kong. L’acceptabilité sociale des courses hippiques est un enjeu majeur. Si nous ne parvenons pas à séduire les jeunes générations, elle sera compromise et notre avenir sera menacé. Une étude menée pour la Fédération internationale à ce sujet montre que 10 à 12 % de la population s’interroge sur l’utilisation des animaux à des fins récréatives. Si nous ne communiquons pas efficacement sur ce sujet, le public peut se retourner contre nous et les décideurs politiques seront moins enclin à nous soutenir. Cela enclencherait un cercle vicieux contre lequel il faut se prémunir. »
Bien-être des chevaux
« Les accidents sont malheureusement inévitables dans le sport, mais nous devons tout mettre en œuvre pour en minimiser le nombre, notamment ceux qui peuvent être évités. On ne peut tout simplement plus ignorer cet aspect de notre activité, et devons montrer que nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour éviter ces accidents. La science et la technologie jouent un rôle crucial dans la prévention des blessures. En démontrant notre engagement pour le bien-être animal, nous renforçons l’acceptabilité sociale des courses. Il est également crucial de penser à la reconversion des chevaux après leur carrière sportive. Ce sont des aspects essentiels pour garantir la pérennité de notre activité.» Je suis un homme de chiffres. Les statistiques montrent que le taux de blessures graves sur les pistes américaines a diminué de moitié depuis la création de la HISA (Horse Racing Integrity and Safety Authority). Sans cette autorité fédérale, je pense que les courses américaines seraient en grande difficulté. La HISA a également eu un impact positif sur la lutte contre le dopage. Certains diront qu’elle est allée trop loin, mais le principe est louable et a permis de restaurer la confiance dans l’intégrité des courses et des chevaux américains, qui est nécessaire si nous voulons pouvoir importer des pur-sang des États-Unis. Avant la HISA, il était difficile de savoir si les performances des chevaux américains étaient obtenues dans des conditions acceptables. C’est un progrès majeur que nous saluons. »
Jeu responsable
« Il faut distinguer la lutte contre les jeux d’argent du jeu responsable. La mauvaise gestion du secteur des jeux d’argent dans certaines juridictions a engendré une forte opposition aux jeux d’argent en général. Or les études montrent que les jeux d’adresse et de réflexion, comme les courses hippiques, présentent un risque de dépendance moindre que les jeux de hasard pur. Le problème réside dans la fréquence des paris. Les paris en direct sur le football, par exemple, augmentent considérablement ce risque. Les jeux de hasard, avec une fréquence de jeu très élevée, sont les plus risqués. Le mélange des genres, comme on a pu le voir en Grande-Bretagne, entraîne des réactions négatives envers les jeux d’argent en général, et les courses hippiques sont malheureusement associées à cette image négative. Nous devons donc repositionner les courses hippiques en mettant en avant leur dimension stratégique et leur caractère unique. Nous proposons des paris sur le football et les courses, mais nous ne nous aventurerons jamais dans les machines à sous ou les jeux vidéo, car cela créerait un environnement à haut risque de dépendance. Dans les courses hippiques, il faut être vigilant à ne pas proposer une offre trop importante. Nos études montrent que l’attrait du jeu diminue s’il ne repose pas sur une part d’adresse et de réflexion. L’analyse des performances et la prise de décision sont des éléments clés de l’attrait des courses. Ce n’est pas seulement l’appât du gain qui motive les parieurs, mais aussi le défi intellectuel et la satisfaction de prédire un résultat (exergue). Le problème est que les gouvernements ont tendance à surréglementer les opérateurs légaux sans prendre en compte le risque du jeu illégal et des opérateurs offshores, qui, associés aux paris à crédit, génèrent des problèmes sociaux importants. Pour lutter contre les comportements irresponsables, nous appliquons des mesures strictes de connaissance du client (KYC) et de contrôle de l’affordabilité. Nous analysons les habitudes de pari et les changements de comportement pour identifier les joueurs à risque. Cela peut arriver, par exemple, chez un jeune retraité, qui se retrouve soudain avec un revenu disponible et du temps libre. Nous disposons d’une base de données unique qui nous permet de suivre nos clients et détecter les signaux d’alerte. C’est beaucoup plus difficile pour les juridictions où plusieurs opérateurs coexistent. Les bookmakers sont moins enclin à partager leurs données avec les autorités, c’est pourquoi la régulation de ce marché n’est pas toujours facile à mettre en pratique. Nous pouvons faire cet effort parce que nous ne sommes pas motivés par les résultats trimestriels. Nous avons un devoir envers la communauté. Du reste, des formes excessives de jeu peuvent aussi mettre en péril notre licence sociale. »
Monopole et World Pool
« Nous ne sommes pas un monopole, mais un opérateur à licence unique. Nous sommes en effet en concurrence directe avec le marché illégal, ce qui représente un défi majeur. L’intérêt pour les courses internationales s’est considérablement accru, et les parieurs regardent désormais au-delà des frontières. Le jeu illégal et les opérateurs non licenciés profitent des différences de cotes entre les juridictions. Les pools communs, comme le World Pool, permettent de créer des marchés plus liquides et d’harmoniser les cotes, limitant ainsi les opportunités pour les opérateurs illégaux. Lorsque Romantic Warrior, le champion de Hong Kong, court en Australie, sa cote là-bas est plus intéressante que celle que nous proposons ici. Or le parieur ne peut pas faire un arbitrage sans prendre de risques. En combinant les enjeux des deux marchés, nous proposons une offre plus attractive, et offrons ainsi un produit meilleur pour lutter contre les opérateurs illégaux. Toute collaboration avec nous doit donc se faire sur la base du pari mutuel. Nous n’autorisons pas les paris à cotes fixes sur les courses de Hong Kong. Le World Pool est une occasion unique de repositionner les paris mutuels sur certaines épreuves, en mettant l’accent sur la qualité sportive et en ravivant l’intérêt pour les courses. La valeur générée par les paris mutuels pour un opérateur est aussi nettement supérieure. Nous devons innover pour rendre le pari mutuel plus attractif pour les jeunes générations. Nous travaillons sur une nouvelle interface plus intuitive et plus accessible, qui permettra aux parieurs de comprendre facilement les différents types de paris et leurs gains potentiels. »
Programme international et Conghua
« Le développement des courses au Moyen-Orient va s’accélérer et aura un impact significatif sur les modèles de performance des chevaux européens. Les chevaux de quatre ans, en particulier, pourraient être amenés à modifier leur programme pour participer à ces courses richement dotées. Les courses à Conghua représentent l’un des projets les plus stimulants de ma carrière. L’établissement d’un centre d’entraînement et d’un hippodrome à Conghua est une étape majeure pour les courses de Hong Kong. Ce projet complexe, qui a nécessité une collaboration étroite avec le gouvernement du Guangdong, permet désormais aux chevaux de circuler librement entre Hong Kong et la Chine continentale. C’est une avancée considérable qui profite à l’ensemble de l’industrie hippique. Nous prévoyons d’organiser les premières courses à Conghua en avril 2026, puis des réunions régulières à partir d’octobre 2026, en tenant compte des conditions climatiques spécifiques. Conghua est bien plus qu’un simple hippodrome. C’est une destination qui proposera des animations et des événements équestres tout au long de l’année. (exergue) Nous allons créer un centre d’accueil des visiteurs unique au monde, utilisant les technologies de pointe pour présenter l’univers des courses hippiques. Conghua s’intègre dans un écosystème plus large et contribuera au développement économique de la région. »
Le pari en Chine
« Pour le moment, en Chine, il y a des loteries sportives, sur le basket-ball et sur le football. Dans un document traitant du développement national de l’industrie équine de 2025, publié par le ministère de la Culture et le ministère des Sports, un paragraphe mentionne qu’une loterie sportive sur les courses de chevaux pourrait être envisagée. La loterie, c’est le nom désigné, mais il peut s’agir d’un pari d’adresse, comme un tiercé, par exemple. »