La crise de la Covid a relativement épargné le Hong Kong Jockey Club sur le plan financier au prix d’une discipline exemplaire. Les dernières années ont ainsi pu être éprouvantes sur le plan humain. L’organisateur des courses et des jeux à Hong Kong a aussi vécu les effets de la répression sévère d’un mouvement étudiant, d’une reprise en main de Pékin qui devient de plus en plus manifeste, et d’un exode des expatriés occidentaux provoqué par ces épisodes anxiogènes. Toutefois, tant sur le plan sportif que sur le plan économique, les courses de Hong Kong ont démontré, à l’occasion de la semaine internationale de décembre, qu’elles avaient su tirer les conclusions qui s’imposaient et trouver ainsi un nouvel élan.
LE HONG KONG JOCKEY CLUB, C’EST EN SOMME 88 RÉUNIONS PAR AN ( SOIT L’ÉQUIVALENT DU MEETING D’HIVER À VINCENNES ) ET LE CHIFFRE D’AFFAIRES DE 150 PRIX DE L’ARC DE TRIOMPHE…
Trois des quatre épreuves de Groupe 1 qui composent la réunion internationale Longines de décembre à Sha Tin sont revenues à de grands favoris entraînés sur place. Huit des douze places dans les quatre premiers ont été remplies par des pensionnaires d’entraîneurs en exercice à Hong Kong. Malgré un contingent de visiteurs en apparence plus redoutable que ceux des dernières années, la puissance invitante s’est taillé la part du lion. Mieux : les pur-sang basés à Hong Kong peuvent désormais se projeter en dehors de leur périmètre, décomplexés qu’ils sont par les succès au Japon, à Dubaï et en Australie de Romantic Warrior et California Spangle, l’année dernière et en 2024. Indiscutablement, un mouvement est enclenché. Les courses de Hong Kong ont, comme les autres, subi le traumatisme de la Covid. Toutefois, après une période de flottement, elles sortent plus fortes que jamais de ce funeste épisode. Plus offensives, aussi, sur la piste comme dans le concert mondial des nations du turf. Le succès sur les pistes de Ka Ying Rising dans le Longines Hong Kong Sprint, de Voyage Bubble dans le Longines Hong Kong Mile et de Romantic Warrior dans la Longines Hong Kong Cup s’inscrit dans un une nouvelle dynamique. Sous l’impulsion de son PDG, l’Allemand Winfried Engelbrecht-Bresges, également président de la Fédération internationale des autorités hippiques et de l’Asian Racing Conference, promoteur infatigable du World Pool (la masse commune internationale au mutuel), le Hong Kong Jockey Club est à la manœuvre dans bien des domaines : promotion du pari mutuel, conditions de quarantaine, partage des ressources, promotion de l’intégrité, harmonisation des règles, etc. Rien n’échappe à la vigilance, à l’organisation presque militaire et au dynamisme de cette vénérable organisation, qui fête ses 140 ans cette année. Le seul obstacle à son expansion, aujourd’hui, pourrait être l’autorité chinoise, au fond. Comme Paris, Pékin tient à garder un contrôle très strict sur l’activité explosive que représente le pari hippique à ses yeux. Cependant, comme l’a révélé Winfried Engelbrecht-Bresges (certains en Chine l’appellent « Eebee » selon ses initiales prononcées à l’anglaise) dans l’interview que vous lirez dans cette édition de Galorama, les leviers qui, pour l’essor des courses de Hong Kong, semblaient hier encore inaccessibles le sont moins à présent. Dimanche 8 décembre, à l’occasion des courses internationales Longines, plus de 7 000 visiteurs chinois ont gonflé les rangs des quelque 80 000 spectateurs répartis pour l’occasion entre l’hippodrome de Sha Tin et celui de Happy Valley, soit 40 % de plus que l’édition précédente. À chaque réunion, le Club estime entre 2 et 3 000 le nombre de ces visiteurs. Ce « tourisme sportif » est la manifestation la plus matérielle d’un intérêt grandissant des Chinois du Continent pour le pari hippique. C’est un facteur encore marginal, mais susceptible de soutenir à long terme la progression des enjeux, même s’il est difficile aujourd’hui d’en mesurer l’impact.
L’implication de nouveaux propriétaires venus de Chine continentale devient vitale
Dimanche 8 décembre, il a été joué 194 millions d’euros sur la réunion internationale Longines (dont 53,5 millions de l’étranger). C’est deux fois plus que le résultat d’un dimanche d’Arc de Triomphe, international compris. Le dimanche précédent, les enjeux s’établissaient déjà à 183,7 millions. Le Hong Kong Jockey Club, c’est en somme 88 réunions par an (soit l’équivalent du meeting d’hiver à Vincennes) et le chiffre d’affaires de 150 Prix de l’Arc de Triomphe… Ce qui est certain, en revanche, c’est que suite au creux dans le chiffre d’affaires domestique consécutif à la Covid et aux avatars de la vie sous l’ombrelle de Pékin, cette part est aujourd’hui à nouveau orientée à la hausse. L’implication de jeunes propriétaires du continent est également vitale. Le Hong Kong Jockey Club les recrute à travers un réseau de clubs bâtis sur le territoire chinois pour séduire de nouveaux investisseurs, susceptibles de regarnir avantageusement les rangs des propriétaires de Hong Kong, dont les forces s’affaiblissent en proportion de l’intérêt pour la chose hippiques de leurs héritiers. Or il en faut, des investissements, pour acheter quelques-uns des meilleurs chevaux du monde ! Sport et économie sont donc les deux axes, judicieusement entrelacés, autour desquels le Hong Kong Jockey Club travaille à bâtir son avenir. Il a sur nos autorités hippiques enkystées de nombreux avantages liés à sa structure, à l’histoire qui l’a modelé, à un management compétent, indépendant et durable, et à une situation géographique désormais très avantageuse.
Winfried Engelbrecht-Bresges a été la cheville ouvrière de cette transformation
Le cours de choses n’est cependant pas celui d’un long fleuve tranquille. Si le Club bénéficie aujourd’hui d’un monopole de fait sur les paris à Hong Kong, il est soumis à la concurrence toujours plus virulente des preneurs de paris illégaux, pour la plupart off shore. Il est contraint par cet environnement, qui l’oblige à tenir le plus grand compte de sa clientèle, sans dépasser une ligne rouge invisible et mouvante, mais certainement bien réelle, et tracée par une autorité pas forcément toujours conciliante. Ça vous rappelle quelque chose ? La structure du Club et son pouvoir sont en effet directement soumis, comme en France, à l’autorité de l’État. Sa fortune est généreusement partagée avec la communauté à travers sa participation à de grands projets d’urbanisme et d’équipement, mais elle fait parfois envie aux autorités locales. Or nul ne sait réellement, pas plus aujourd’hui qu’hier et que demain, ce que Pékin a en tête en matière d’hippisme.