Après deux années difficile, l’entraîneur François Nicolle retrouve les sommets, en cette fin de saison 2024 sur les obstacles. Sa résilience avait déjà été mise à l’épreuve.
Le talent d’un entraîneur est un drôle d’objet. Il hiberne là, à l’insu des passants, pendant des années, comme une plante hiberne sous une épaisse couche d’humus, qui attend juste la bonne atmosphère et la bonne température pour enclencher son mouvement irréversible vers le soleil. La graine François Nicolle a mis du temps à pousser parce que, très probablement, elle n’avait pas accès à la lumière. Dans l’ombre des arbres Macaire et Chaillé, elle attendait son heure, se contentant pour vivre des quelques rayons de soleil qui traversaient leur feuillage et de l’eau qui tombait, goutte à goutte, de leurs branches. Il n’en concervait nulle amertume, prenait les choses comme elles venaient.
Le cap des mille partants en 2021
Et puis un beau jour, les planètes se sont alignées différemment et alors, soleil et irrigation aidant, cette plante-là s’est mise à grandir, grandir, jusqu’à atteindre les sommets. Entre 2011 et 2015, l’écurie est passée du 16 e au 3 e rang chez les entraîneurs d’obstacle en France. Puis, elle s’est hissée au sommet en 2018, et n’a plus quitté ce positionnement jusqu’à cette année, pour la 1 re fois. En 2021, elle a passé les mille partants et approché le cap des 10 millions d’euros de gains, mais un virus est passé par là et qui a rongé, les deux dernières années, les performances de l’effectif. En 2023, pour la 1 re fois depuis 2011, le pourcentage de réussite à la gagne des pensionnaires de François Nicolle est repassé sous la barre des 20 %. L’écurie a souffert, mais 2024 marque un renouveau qui s’est bruyamment manifesté lors des dernières grandes réunions d’Auteuil : après le Prix Cambacérès (Gr.1) de Sain d’Esprit , Kingland, autre petit génie, a gagné le Prix Renaud du Vivier (Gr.1), puis Hermés Baie et Diamond Carl ont remporté, respectivement, le Prix Léon Olry-Roederer (Gr.2) et le Prix Georges Courtois (Gr.2) le jour de la clôture.
L’artisan était prêt
Ce qui sauve les entraîneurs, ce sont les chevaux, bien entendu, mais aussi leur résilience quand elle a été acquise au cours de débuts difficiles, à l’ombre des plus grands, là où les places sont chères et chaque victoire une précieuse bouffée d’oxygène. François Nicolle, dans son domaine de Saint-Augustin près de Royan, a mis du temps à entamer son essor, mais il a été régulier et plus progressif qu’on ne l’imagine. Les courbes ci-dessus en témoignent. Ce sont des chevaux d’exception qui, arrivés à son effectif, ont fait que les résultats se sont améliorés soudainement. Mais l’essentiel était déjà là : aguerri à façonner des matériaux de récupération, des pierres friables et peu reluisantes, l’artisan était prêt lorsqu’on a posé sur son établi ses premiers morceaux de marbre. Ce seront Symphonique, Queen des Places et Quart Monde, puis des pièces de plus en plus nobles, comme Farlow des Mottes, Un Temps pour Tout, Alex de Larredya, Bipolaire, De Bon Cœur, L’Autonomie, Figuero, Polirico, et tous ceux qui, aujourd’hui, tirent à nouveau vers le haut une écurie de plus de deux cents chevaux. Ceux qui lui confièrent ces joyaux sont parfois des éleveurs, comme les Cyprès dans leur ensemble, Franck Délibéros, Antoine-Audoin Maggiar et bien d’autres, qui avaient reconnu dans ce modeste entraîneur charentais l’oreille et l’œil qui révèlent les champions
Santa Bamba, de Nemesis à bienfaitrice
François Nicolle n’est pas seul, évidemment. Sa femme Fabienne, son assistant Michel Houdouin, rejoint par Artus de Boisbrunet, assurent tous les quarts pour que le vaisseau, y compris quand la mer est grosse, garde le cap. Il y a aussi des rencontres humaines, comme le soulignait dans notre 2e numéro Jacques Détré, un des propriétaires qui ont le plus contribué au succès de l’écurie. La casaque rayée gris et grenat fut la Nemesis de François Nicolle, quand Queen des Places était battue par Santa Bamba dans le Prix Duc d’Anjou, puis quand Oculi la défaisait à son tour dans le Prix Ferdinand Dufaure (Gr.1). Quelques années plus tard, Santa Bamba allait donner De Bon Cœur, une des plus belles œuvres de François Nicolle. Celle qui lui avait barré la route d’un Groupe 1 allait lui en donner trois !