La gloire de mon père N°4 Janvier 2025 | OBSTACLE

PAU, UN HIPPODROME DURABLE POUR DURER

Écologie, sécurité des acteurs et spectacle.
Tour de piste des innovations et rénovations menées par son directeur, Jean Brouqueyre, arrivé à la direction de Pau il y a une quinzaine d’années. Son apparition correspondait à un besoin réel de professionnalisation de l’activité globale de l’hippodrome.
Les temps changeants et c’est à cette aune que va travailler Jean Brouqueyre.

Ouverture d’esprit
Sa position est celle-ci : « la richesse vient de l’extérieur » et compte tenu de la culture propre aux courses hippiques entendues comme un sport « à part », il fallait l’inscrire dans une société en rapide transformation. « Je pense qu’il faut désacraliser et démocratiser le monde des courses. Nous ne sommes pas étrangers à d’autres milieux. » Une reconnexion vitale, « des personnes venues d’autres domaines professionnels peuvent, à mon sens, tout à fait travailler chez France Galop ou sur l’hippodrome de Pau ». Quant à la richesse culturelle intrinsèque des courses hippiques, il admet naturellement qu’il n’est pas responsable de l’ADN des courses à Pau, qui en fait le deuxième hippodrome d’obstacle après Auteuil.

Améliorer l’accueil et le spectacle
« Quand il y a 14 000 personnes, c’est une belle affluence , nous sommes dans les meilleurs. Mais, au rugby, c’est une jauge standard. L’hippodrome doit être une pièce d’un édifice plus grand. Par exemple, la gratuité nous permet d’avoir du monde et donc de nouer des partenariats. C’est aussi 350 000 euros de chiffre d’affaires rien qu’en restauration . La configuration des lieux est également très importante. Nous avons modifié le rond. Les gens veulent voir les chevaux, ils sont au cœur du spectacle. On a fait une allée centrale pour permettre à quiconque de les voir arriver. On a installé un podium inspiré de ce qui se fait à Cheltenham. » Moins d’espaces réservés ne veut pas dire gommer le protocole des courses. « Il ne faut pas aseptiser les courses, il n’y a rien de plus beau qu’un cheval bien brossé, bien préparé avec sa couverture, son surtapis avec son numéro de course, c’est l’essentiel de l’attraction, il ne faut pas renier ce que nous sommes. » Vivre avec son temps. Suivant son idée d’être « une institution qui vit avec son temps, ce qui sert notre image, notre notoriété », d’autres améliorations, moins visibles pour le profane mais qui peuvent le rassurer s’il est sensible à la santé des chevaux et des jockeys, ont été apportées sur les pistes. Tout est fait pour réduire les d’accidents. « Les statistiques des chutes à Pau n’ont pas toujours été bonnes, nous sommes aujourd’hui l’un des meilleurs hippodromes, avec 3,5 % de chutes sur l’année. La rénovation des obstacles sert la sécurité. Il s’agit de s’adresser à un public éloigné des courses pour être davantage en phase avec son ressenti. Tous les obstacles ont été refaits. On a gardé des obstacles naturels, mais on a de la brande synthétique, des haies en genêt naturel. Nous avons remplacé les barres d’appel en bois par des plus souples en polyéthylène. Nous avons recalibre les obstacles. Leur physionomie a changé en augmentant l’extension des chevaux, en avançant la barre d’appel, ce qui signifie qu’ils passent à travers la haie. » Ce travail n’est qu’une part de l’adaptation à de nouvelles exigences sociétales. « C’est un tout et cela demande du personnel. » Un hippodrome, pour vivre, doit diversifier ses activités, mais pas n’importe comment.

Contrer l’ hiver
Dernier défi relevé, faire face à la météo hivernale. Courir en hiver oblige à porter un soin particulier à l’entretien des sols. Si, en journée, le soleil est présent, le terrain peut geler la nuit. Au matin, des draps de brumes ondoient au-dessus des pistes et, tant pour le confort des chevaux que pour préserver les pistes, il faut veiller à ce que les « plaies » de la pelouse cicatrisent. « Le sol est comme il est, il faut aller dans son sens. Pour cela, il faut conserver une hauteur de gazon de 15 à 18 cm pour protéger le sol des intempéries, du gel, arroser pour maintenir la souplesse du terrain. Nous avons une spécificité, on corde les pistes pour forcer les concurrents à ne pas toujours emprunter la même trajectoire, car, si le sol est abîmé, il est difficile de le reprendre. Si la terre est à nu, elle gèle davantage. Sur un obstacle, il faut toujours conserver 12 mètres de large. Dans les virages, on va bouger les cordes pour les modifier. Chaque lendemain de réunions, 40 personnes s’occupent du terrain. » Certains professionnels sont peu réceptifs à ces innovations, mais un directeur est là pour diriger. « Disons que je vais au bout de mes idées, je suis là aussi pour me faire respecter, dans le bon sens du terme. Ça ne veut pas dire que je ne suis pas à l’écoute. » Il l’est, en tout cas, de son temps.