Après des débuts modestes, la casaque, puis l’élevage de la famille Papot a brusquement changé de statut en changeant de méthode, et atteint des sommets sur lesquels elle se maintient presque sans partage depuis 2009.
La casaque à losanges gros-bleu et verts a repris la tête du classement des propriétaires sur les obstacles en France cette année. Elle compte plus d’un million d’euros d’avance sur le Haras de Saint-Voir, qui l’avait détrônée en 2023 après une série de douze années en tête du championnat. Rares aujourd’hui sont les grandes réunions d’Auteuil sans que Xavier Papot, le manager de l’écurie familiale, n’intervienne au micro d’Equidia. Tantôt fébrile, tantôt euphorique, mais toujours modeste, le quinquagénaire estime qu’il est de son devoir de s’exprimer à l’antenne. Il se soumet à cet exercice pour le bien du sport qui est devenu, presque par hasard, le ciment d’une famille d’entrepreneurs de l’Ouest, parce que les parieurs, autre pilier de l’hippisme, est aussi son principal financier, et enfin parce qu’il souhaite partager la longue expérience de la casaque Papot avec ceux qui, un jour, tenteront de galoper sur les traces de sa famille. Quatorze titres en seize ans, ce n’est pas un mince objectif, surtout après avoir passé un quart de siècle à tenter vainement de grimper les échelons. C’est qu’au départ, rien n’avait préparé Patrick et Nicole Papot, puis leurs enfants, à se lancer dans une pareille aventure. La légende familiale dit que Patrick Papot, au cours d’une visite chez le boucher du village, avait pris à ce dernier de donner un coup de main à son fils quand il s’installerait entraîneur. Le fils en question s’appelait Yannick Fertillet et lorsque M. Papot a oublié son engagement, son épouse Nicole le lui a rappelé. C’était en 1985, Yannick Fertillet leur a alors cédé Princesse Étoilée, une AQPS de 4 ans qui allait gagner dès l’été suivant trois fois de suite en steeple à Loudéac, Pornichet et Questembert, puis deux fois encore en août. L’année suivante, elle allait même
gagner la 2e épreuve d’un handicap à Auteuil. Fastoche ! Pas si sûr… Les vingt années suivantes, les Papot allaient tâtonner pour tenter de rationnaliser cette activité qui, au fil du temps, allait cependant occuper les quelques moments de temps libre que ces entrepreneurs allaient s’accorder. Mais ça ne tournait pas rond. Il a fallu qu’au début des années 2000, Patrick Papot décide d’organiser et de prendre sa retraite, pour que les choses évoluent. Pourquoi ? Parce que le jeune retraité avait besoin d’une activité de substitution à celle qui l’avait tant occupé jusque-là.
Une génétique d’exception confiée aux meilleurs entraîneurs du pays
Soudain, l’écurie familiale est devenue l’entreprise des Papot Père&Fils. En un mot, l’écurie s’est mise à penser et à fonctionner de façon professionnelle. Conseillés alors par Benoît Gabeur, vétérinaire et éleveur particulièrement perspicace et efficace (il a, notamment et pour faire court, élevé trois gagnants du Grand Steeple-Chase de Paris, dont deux pour les Papot), ils ont commencé à investir dans des poulains à l’élevage. À cette époque, la demande britannique n’était pas si forte et il était possible d’acquérir des foals sans se ruiner, même lorsqu’ils étaient issus de bons étalons, car les prix des saillies étaient maîtrisés : les poulains n’étaient pas chers à créer, et un rapide retour sur investissement des éleveurs était d’autant plus apprécié que, certains de voir évoluer leurs produits sous la bannière des Papot, qui ne vendent jamais, ils pouvaient compter sur les primes à l’éleveur en cas de succès ! Parallèlement, la famille Papot pouvait accéder à une génétique d’exception qu’elle confiait ensuite aux meilleurs entraîneurs du pays. Très vite, la formule a donné des résultats exceptionnels.
93e au classement de 2003 avec cinq représentants, la casaque est entrée dans le top 20 cinq ans plus tard, après la victoire de Kami des Obeaux dans le Grand Cross de Craon. 18e en 2006, 10e l’année suivante, elle a terminé 6e en 2008 avant de remporter son premier titre en 2009, l’année de son premier Groupe 1, le Prix Ferdinand Dufaure gagné par Rubi Ball.
Partager son expérience
La suite est bien documentée, mais la famille Papot, plutôt que de laisser glisser selon cette formule, n’a pas baissé la garde. La filière de recrutement, qui avait permis son succès, a commencé à se dégrader sous la pression du marché anglais et irlandais, dont les offres dépassaient celles qui avaient cours jusqu’alors pour faire l’acquisition de foals bien nés et bien faits. Ce fut le début d’une deuxième révolution chez les Papot : se lancer dans l’élevage, là encore professionnellement. Les premiers 3 ans issus de cette restructuration sont nés en 2014, et ils sont apparus sur les programmes 3 ans plus tard. Ils étaient quatre, ils ont été 33 en 2023, lorsqu’ils ont atteint le million d’euros de gains, pour un total de 2,24 millions de gains et primes pour la casaque sur cette campagne. Interrogé en mai 2022 par un journaliste de Ouest- France, juste avant que Sel Jem ne remporte le 3e Grand Steeple-Chase de Paris de la casaque, Xavier Papot se disait prêt à partager son expérience pour dynamiser le recrutement et la formation des nouveaux propriétaires. Selon lui, et sans doute à raison, une bonne formation est essentielle pour affronter un monde de l’élevage et de l’entraînement semé d’embûches. Une courbe d’apprentissage se caractérise par un premier palier durant lequel tout semble difficile, puis c’est l’ascension, parfois vertigineuse, et enfin le plateau caractérisant la maîtrise. D’autres propriétaires, peut-être plus chanceux dès le début, ont eu le sentiment d’arriver facilement au sommet de cette courbe, mais ceux-là se lassent parfois un peu vite, peut-être blasés, peut-être perdus. La casaque Papot, sans doute un peu malgré elle, a dû respecter tous les paliers nécessaires pour réussir à sortir le nez de l’eau, mais elle a retenu toutes les leçons de son aventure, et son succès fait à présent figure de modèle.