La gloire de mon père N°4 Janvier 2025 | UN AN DÉJÀ

CAMILLE VERCKEN LA BIOSÉCURITÉ, DES COURSES AUX JO

D’une passion des courses née de vacances deauvillaises, à la création de sa société Equiways référente à travers la planète en biosécurité et un mandat pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024. Retour sur les JO de l’année dernière avec la pétillante Camille Vercken qui distille aussi ses conseils à quelques jours du lancement de la saison d'élevage.

Galorama. Comment attrape t-on le virus des courses ?
Camille Vercken. Je ne viens pas d’une famille issue du milieu du cheval mais j’ai toujours été passionnée par les courses. Je vivais à Paris, mais j’avais une maison de vacances à Deauville et c’est comme cela que j’ai vraiment attrapé le virus. Je suis ingénieur agronome et j’ai débuté ma carrière aux États-Unis. J’ai d’abord travaillé pour un courtier, Peter Bradley, puis j’ai intégré Castletown Lyons. J’y ai rencontré la famille Head et j’ai intégré le Haras du Quesnay à mon retour en France. Je m’occupais de la vente des saillies des étalons où j’ai connu des cracks tels qu’ Anabaa , Bering et Highest Honor . Je garde de merveilleux souvenirs de ces années. J’ai ensuite occupé la direction de la Fédération des Éleveurs de Pur-Sang où j’ai énormément appris. Lors de mes différentes expériences, j’ai toujours été frappée par le « vide sanitaire » : tout le monde a conscience de la grande importance de la gestion des risques sanitaires mais aucun protocole précis n’avait été mis en place jusque-là, et personne ne prenait le temps de s’en occuper. Pourtant, une maladie infectieuse qui s’invite dans votre haras peut mettre à plat tous vos investissements. Je me suis dit qu’il était temps pour moi de me lancer sur ce sujet que je connaissais. J’ai eu la chance d’être accompagnée par le D'Bénédicte Ferry, ancienne vétérinaire des Haras Nationaux, passionnée de pur-sang, pour la mise en place de la méthode et de ma société Equiways. J’ai immédiatement eu la confiance de grands propriétaires et d’importantes institutions comme Arqana, ce qui m’a vraiment mis le pied à l’étrier.

G. Votre société est référente dans les courses en France et à l’étranger, mais comment arrive-t-on à être sollicité pour les Jeux Olympiques et Paralympiques ?

CV. Je suis partie d’une page blanche en 2017 et je me suis retrouvée Responsable de la Biosécurité aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, c’est tout simplement incroyable. Quelle grande victoire pour moi d’incarner ce rôle sur la plus belle compétition mondiale alors que, six ans auparavant, la plupart des gens ne comprenaient pas le sens du mot « biosécurité ». Les virus et les bactéries n’ont pas de frontières et le sanitaire est le seul dénominateur commun entre toutes les disciplines et les races équines. La Fédération Équestre Internationale (FEI) a beaucoup contribué à ma nomination aux Jeux Olympiques et Paralympiques, car je suis reconnue comme l’experte en biosécurité. Les organisateurs ont pris conscience de l’impact financier d’une épidémie lors de grandes échéances, comme cela est arrivé en 2021 à Valence. Ce poste de biosécurité a été mis en place pour la première fois aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. J’ai aussi eu la chance que la vétérinaire référente soit le Dr Anne Couroucé, que je connais bien et qui a souhaité que j’occupe le poste de Responsable de la Biosécurité. Je la remercie pour sa confiance, ainsi que la FEI, qui ont souhaité, tous deux, me mettre sur l’organigramme.

G. Avez-vous dû adapter la méthode que vous déployer habituellement dans les courses ?
CV.
Les JO sont un événement avec des paramètres assez antinomiques. Le premier est qu’il rassemble, finalement, peu de chevaux en même temps sur le site, environ 200, alors que j’ai l’habitude de gérer des événements rassemblant jusqu’à 800 à 1 000 chevaux. Ces chevaux ont un protocole sanitaire irréprochable et sont suivis de très près par leurs vétérinaires. Si le moindre signe d’infection se manifeste, il est normalement décelé très rapidement. Par contre, comme il s’agit d’un événement mondial, vous devez considérer l’intégralité des maladies de la planète avec une matrice de risque à son maximum, aucune maladie contagieuse ne devant être exclue.
De l’autre côté, vous avez une pression énorme de l’organisateur, car le moindre problème sanitaire serait une catastrophe. Il ne faut surtout pas baisser les exigences sanitaires, même si le nombre de chevaux est peu élevé et qu’ils sont très suivis sur le plan sanitaire. Une contrainte supplémentaire était liée au site : nous avions un grand plan d’eau avec le canal de Versailles ce qui amenait énormément de moustiques qui peuvent transmettre des maladies aux chevaux. Nous avions installé un grand nombre de pièges et faisions des contrôles réguliers des moustiques, mouches et taons. Aussi, le site étant installé à proximité de la forêt de Versailles, la zone avait été sécurisée trois mois auparavant pour empêcher le gibier de s’introduire dans le périmètre où seraient installés les boxes et éviter tout risque de transmission de maladie.
C’est en cela que j’ai dû adapter ma méthode.

G. Quels ont été vos grands enjeux pour une telle organisation ?
CV.
Vous avez en face de vous des cavaliers et des chevaux qui se sont préparés pendant de longues années pour arriver à cet événement et vous ne pouvez pas gâcher cela avec un problème sanitaire. Les enjeux sont énormes.
Nous avions un site préparé à son niveau maximum en biosécurité. Nous souhaitions que les conditions d’accueil des chevaux soient les mêmes que celles des athlètes au village olympique, avec une hygiène irréprochable. Tout s’est parfaitement déroulé et cela a été un grand soulagement et une grande satisfaction pour toute l’équipe. Cela a eu une image très positive sur les participants, qui ont pu constater les efforts mis en place pour que la compétition se déroule dans les meilleures conditions.

G. Comment jugez-vous la demande pour votre outil ?
CV.
La demande est principalement internationale, provenant, notamment, du Moyen-Orient et de l’Asie, pour de gros projets d’infrastructures. La moitié de mes accompagnements se font sur des installations déjà existantes et l’autre moitié sur des projets de construction, ce qui est très stimulant. Je travaille avec les équipes d’architectes pour penser intelligemment les bâtiments afin qu’ils soient adaptés aux protocoles de biosécurité. La demande continue à croître, car les gens se sont rendu compte des enjeux sanitaires. Les grandes épidémies ont des conséquences économiques non négligeables et jouent également sur votre réputation, d’autant plus quand elles sont médiatisées et que les réseaux sociaux s’emparent du sujet.

G. La saison d ’ élevage va débuter , avez-vous des recommandations à faire sur les bonnes pratiques ?
CV.
La première chose, qui ne coûte pas cher et que tout le monde peut faire chez soi, est d’avoir un stock d’urgence : gants, bottes, blouses, pédiluve, désinfectant. Cela permet d’être prêt à la moindre alerte sanitaire. La deuxième chose est de maintenir la pression bactérienne à son minimum. C’est-à-dire de mettre en place les bons process de nettoyage des boxes, de vérifier que son produit désinfectant est bien virucide, bactéricide et fongicide et que la proportion de dilution soit respectée. Enfin, d’instaurer des circuits intelligents au sein du haras pour ne pas contaminer les animaux les plus fragiles. Je sais que la main d’œuvre en France coûte cher et que l’on souhaite toujours optimiser le temps de travail de ses salariés, mais les enjeux sanitaires sont bien plus importants et permettent d’éviter des pertes financières lourdes. Pour cela, je préconise de commencer les tournées par les soins des chevaux les plus vulnérables, c’est-à-dire les juments et leurs foals et de finir par les chevaux en quarantaine, ou sortant de l’entraînement, par exemple. Une chose simple à mettre en place également, et que l’on a bien apprise pendant le Covid, est de se laver les mains régulièrement. Cela limite vraiment les risques de transmission des virus et bactéries.