La chronique de Igor de Maack : Economie mondiale
Donald Trump a annoncé le 2 avril, lors du Liberation Day, une hausse des tarifs douaniers de 20 % en moyenne pour quasiment tous les pays du monde. Certains pays sont plus touchés que d’autres (40 % pour la Suisse, 34 % pour la Chine, 10 % pour le Royaume-Uni). Mais, force est de constater qu’il est parvenu, dans un premier temps, à atteindre ses trois objectifs : baisse des taux d’intérêt (le Treasury Bond 10 ans est passé sous les 4 %), baisse du dollar (-7 % en trois mois) et baisse des prix du pétrole (60 $ vs 80 $ le baril). Ce dernier point s’avère particulièrement bénéfique aux consommateurs européens dont le pouvoir d’achat demeure très dépendant des prix de l’énergie. C’est donc un véritable contre-choc pétrolier auquel nous assistons. Lors de la journée du lundi 7 avril, l’indice VIX a atteint les niveaux de la crise de Lehman Brothers (en 2008) autour de 50-60. Les marchés actions ont perdu très rapidement entre 10 % et 20 % selon les zones, certains marchés comme celui de Hong Kong perdant en une seule journée -13 %. Cette tendance s’est ensuite inversée la journée du 10 avril lors de l’annonce volte-face de la suspension temporaire de l’application des droits de douane pendant 90 jours (excepté pour la Chine). Comme quasiment toujours (ex : 2000 et 2008), les récessions et chocs économiques viennent des États-Unis (1/4 du PIB mondial). Cette fois-ci, la crise n’est pas venue d’une bulle spéculative, ni d’un endettement non maîtrisé, ni d’une mauvaise trajectoire monétaire. Ce choc est d’abord protectionniste puis, possiblement, inflationniste. À titre de comparaison, on peut citer dans l’Histoire économique, la hausse des tarifs (Smoot-Hawley), qui avait fait chuter les échanges commerciaux de deux tiers entre 1929 et 1933. L’histoire des États- Unis est d’ailleurs percluse de décisions douanières, l’une des premières étant celle d’Alexander Hamilton en 1790. C’est aussi un choc d’incertitude, puisque personne ne sait si les discussions aboutiront dès lors que ce sont d’abord des négociations bilatérales. Les grands bureaux de prévision macro-économique prédisent tous un impact négatif pour le ménage américain et donc pour la croissance du géant outre-Atlantique. On estime entre –1 % et –2 % l’impact sur le PIB américain et donc une croissance mondiale qui franchirait la barre des 2,5 %. De toute évidence, ce retournement de cycle conjoncturel ne ressemble pas à la chute dramatique post Lehman Brothers (arrêt du système de financement mondial) ni au Covid (arrêt des économies). Cependant, là où il est plus gênant, c’est qu’il prend toute la forme d’un retournement de cycle structurel si les négociations sur les droits de douane ne connaissent une issue heureuse. On peut toutefois penser que la violence de la correction boursière (et quelques jours plus tard les tensions sur la dette américaine) début avril inciteront le dirigeant américain à trouver un terrain d’entente « cordial » avec ses partenaires économiques. Il a aussi montré sa faiblesse (son outrance impulsive) et devra rester patient pour sauter les prochaines haies de cette course folle qu’il a entamée avec ses concurrents chinois et européens. Celui qui veut aller loin doit ménager sa monture…