D(Race) Code N°9 Juin 2025 | Page 47

À LA UNE
1906, Maintenon s’ apprête à entrer en piste sous le regard de la haute société. © APRH
Fourrure, collier de perle, rien ne doit être négligé pour se rendre aux courses. © APRH

Jeanne Lanvin, une boutique à la sortie de l’ hippodrome

Par Serge Okey
Lanvin. Quatre consonnes et deux voyelles, deux syllabes iconiques épelant la plus ancienne maison de couture en activité. Chapelière de formation, l’ aînée d’ une fratrie de onze enfants se servit vite de ses doigts de fée. À l’ œuvre dès l’ âge de 13 ans, elle ouvrit sa première boutique à vingt-deuxans. Symbole du « chic ultime », le noir était sa couleur. Une « casaque » indémodable, qu’ elle exporta tout naturellement à Deauville au moment des années folles. Comme Jeanne Paquin et sa grande rivale Coco Chanel, Jeanne Lanvin comprit tout l’ intérêt d’ ouvrir une boutique à deux pas de l’ hippodrome, sous les arcades, en direction de la plage. Dès 1913, année où les tribunes en bois de l’ hippodrome de la Touques furent démolies au profit de nouvelles en briques et béton armé, les mannequins se pressaient alors dans la station normande pour prendre la pose. « L’ hippodrome fut un cadre d’ inspiration pour la mode, rappelle Yves Aublet, historien de la station. Les élégantes venaient montrer les plus belles
créations de couturières célèbrescomme Jeanne Lanvin, Jeanne Paquin, puis Elsa Shiaparelli. Les photos servaient à nourrir leur book et à montrer les créations à Paris ». Si l’ on dit de Deauville qu’ elle est le XXI e arrondissement de Paris, son hippodrome historique a pour surnom le « cinquième hippodrome parisien ». « Dès le début du XX e siècle, il accueillait des « Fashion Weeks », image l’ historien. « Il rassemblait un certain nombre de personnes très hétéroclites: d’ anciennes grandes familles françaises, de noblesse étrangère, d’ ambassadeurs, d’ industriels qui ont fait fortune, de banquiers, d’ hommes politiques, de comédiens, d’ écrivains, de mannequins, de photographes et de passionnés de courses », détaille l’ historienne de la mode Laëtitia Hedde. Au sein de ce joyeux monde, Jeanne Lanvin avait pris le parti de n’ ouvrir sa succursale que l’ été, en juin, juillet, et août, lors de la haute saison. Luxe ultime: « Une couturière était présente parmi l’ équipe réduite afin de pouvoir effectuer des retouches sur lesmodèles. Les clientes importantes et célèbres qui fréquentaient l’ hippodrome devaient paraître à chaque événement dans une tenue différente. Certaines robes pouvaient leur être prêtées, c’ était une forme de publicité pour la maison de couture ».
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