Par Serge Okey
Coco Chanel aussi ouvrit sa deuxième boutique (de chapeaux) à Deauville. Juste en face du casino. L’air de la Normandie lui inspira d’ailleurs la chemise marinière, le tweed et le jersey, des vêtements légers adaptés au bord de mer. Et, elle aussi, fréquenta l’hippodrome, au bras de Boy Capel, joueur de polo et turfiste. On sait qu’elle était bonne cavalière et aimait la chasse à courre. Mais ce que l’histoire a un peu oublié, c’est qu’elle fut aussi propriétaire d’un cheval de course : Romantica, une jument alezane achetée grâce à l’entremise de l’incontournable François Mathet, copain d’école de René de Chambrun, l’avocat de Mademoiselle. Dans une interview mémorable donnée au journal Week-end, Coco Chanel confiait que sa soudaine passion pour les chevaux de course venait du fait qu’elle en avait «assez des chiens ». « Bien gentils les chiens, mais il faut s’occuper d’eux tout le temps ». Preuve qu’elle connaissait bien les chevaux, elle expliquait aussi : « J’ai dit à François Mathet : je ne veux que deux chevaux, mais tout ce qu’il y a de mieux. Il m’a proposé d’aller les voir un soir à 18 h. J’ai compris qu’il aimait les chevaux. Un amateur va voir un cheval le soir, quand l’animal a mangé, est détendu. Jamais le matin ». Cette rencontre amena la jeune propriétaire jusqu’au prix de Diane 1964. Montée par Yves-Saint-Martin, Romantica venait de remporter le Prix Rouge Rose avant de s’illustrer dans la préparatoire Prix Finlande. Au côté de la duchesse de Kent, Gabrielle Chanel suivit la course remportée par Belle Sicambre. L’idylle de Chanel avec les courses s’arrêta là et Romantica se reconvertit poulinière au Haras de Bourgfontaine, propriété de son célèbre entraîneur. L’anecdote de marque, c’est que le choix de la casaque Chanel fut un peu contrarié. « J’aurais voulu blanc, à la rigueur blanc toque noire. C’était pris. J’ai dit rouge. C’était pris aussi. Ça m’a agacé. J’ai décidé : rouge quand même. On mettra un peu de blanc quelque part ». Et contre toute attente, elle confia le soin de la confectionner à Hermès. « Ils étaient tout étonnés que je ne fasse pas ma casaque moi-même. Mais j’habille les femmes, pas les chevaux. Ils sont venus à trois. J’ai choisi le rouge moi-même. Pour le blanc, je leur ai dit de tricher, de le mettre aux coudes. Quand le jockey a le bras plié, on ne le voit plus ». Cet épisode a ressurgi en 2019, au moment de la vente aux enchères de l’unique exemplaire de cette casaque en satin de soie, portant les inscriptions Mathet et G. Chanel, chez Drouot. Pour la petite histoire, elle a été adjugée dix fois son estimationà 56 320 € pour le compte de la maison Chanel, détenue par une autre casaque, bleu ciel et blanc, plus célèbre encore: la fameuse écurie Wertheimer et Frère.