Par Jacob Pritchard-Webb
Stupéfaction et surprise furent les réactions - les miennes, celles de ma grandmère et sans doute celles de tous les spectateurs - devant la scène qui suivit. Pendant quelques foulées, Kevin ressembla à la statue du Christ Rédempteur sur les hauteurs de Rio de Janeiro. J’ose à peine imaginer ce qui pouvait passer par la tête de Clément Lefebvre quand Kevin s’est rattrapé à lui - ni à sa jument d’ailleurs, qui n’avait signé que pour porter un seul jockey, et non deux. Dans les tribunes, la famille Cyprès assistait, médusée, à la scène : Lord Brett éjecte Kevin Nabet... lequel se retrouve brièvement sur leur autre cheval ! Cette course a aussi marqué le retour gagnant de la championne en titre Charlotte Prichard, en selle sur Levoilatiep pour David Cottin. Dans une saison déjà marquée par les blessures, ce fut un immense plaisir de voir une cavalière de ce calibre s’illustrer lors du plus grand week-end de l’obstacle français. La victoire la plus riche en émotions du week-end revient à Nectaris et son entourage : Noël George, Amanda Zetterholm, Kevin Nabet et Madame Christian Cealy, propriétaire. Pourtant, celui qui devait être en selle ce jour-là n’était pas présent : Nicolas Gauffenic. Ancien propriétaire de Nectaris via le Haras du Saubouas, il l’avait monté à deux reprises avant de recommander son achat aux actuels propriétaires, dont sa compagne Manon Louche. Le destin a frappé : une chute dans le Prix du Président de la République lui a causé une fracture d’une vertèbre (T7) et des lésions à la moelle épinière. Depuis son lit d’hôpital, il a assisté, par FaceTime, à la victoire de Nectaris , monté par son ami de toujours, Kevin Nabet. Les larmes ont coulé dans le rond, où la scène a été projetée sur écran géant. Un moment poignant, inoubliable. Et si je sais ce que c’est que de manquer un moment pareil - j’espère qu’il sait que nous pensons tous à lui et que nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Le duo George-Zetterholm n’en est pas resté là : leur vedette, El Clavel , a créé la surprise en battant le champion Losange Bleu dans la Grande Course de Haies. Leur premier Groupe 1 sous leur nom commun, la deuxième victoire dans cette épreuve pour James Reveley. El Clavel a jailli et seulement trois quarts de longueur séparent les deux à l’arrivée. Un exploit pour ce cinq ans. Si El Clavel reste sur les haies, le duel avec Losange Bleu promet d’être passionnant à l’automne.
PEU IMPORTE CE QU’ON PRÉVOIT, LES CHEVAUX VOUS REMETTENT TOUJOURS À VOTRE PLACE
Jacob Pritchard-Webb
Fin du jour 1, place au jour 2, avec une histoire nocturne : Bertrand Lestrade, victime d’une chute dans un handicap, s’est fracturé la clavicule. Il a donc fallu trouver des remplaçants. Contrairement à la veille, où les favoris se sont bien comportés, le dimanche fut celui des outsiders. Léopard du Berlais , le deuxième plus gros outsider (22/1), s’impose dans le Prix Aguado (Gr.3) pour ses débuts. Monté par Johnny Charron, il a attendu derrière les leaders avant de surprendre tout le monde dans la dernière ligne droite. Le premier Groupe 1 du jour, le Prix Ferdinand Dufaure, a confirmé la tendance. Lanivtsi , seul AQPS au départ, entraîné par Dominique Bressou pour la famille Papot, a brillé. Ancien champion des jeunes jockeys, Gabin Meunier a connu son premier grand triomphe. Derrière, Martha Cannary , entraînée par la jeune Océanne Ellart, prenait une superbe 2e place. Une paire à suivre avec intérêt à l’automne. Enfin, Diamond Carl , proposé à 12/1, a remporté le Grand Steeple- Chase de Paris. Entraîné par François Nicolle, qui courait après cette victoire depuis trente ans, Diamond Carl était monté par Clément Lefebvre, champion 2024, qui retrouvait un siège après que Thomas Beaurain a été préféré sur Gran Diose. Le doute planait sur les capacités de ce cheval mais, à 16h10 ce dimanche, j’ai compris une chose : ne jamais douter de François Nicolle. Victoire nette de 6 longueurs. Une consécration et un conte de fées pour le jockey. Quant à Kivala du Berlais , ce fut une vraie valse des jockeys. James Reveley, engagé ailleurs, laisse sa place à Félix de Giles, puis à Bertrand Lestrade... jusqu’à ce que l’accident de ce dernier permette à Félix de Giles de retrouver la selle et de s’imposer d’un nez dans le Groupe 1. Rien n’aurait pu me surprendre à ce stade. Mais c’est ça les courses : une valse de rebondissements, de gagnants inattendus et de grandes leçons d’humilité. Peu importe ce qu’on prévoit, les chevaux vous remettent toujours à votre place.