Saint des Saints est né en 1998 dans l’Allier chez Nicolas de Lageneste. Il est le fruit d’une idée originale de son éleveur, qui cherchait à créer de toutes pièces un étalon ayant fait ses preuves sur les obstacles. À l’époque, ce n’était pas courant, et parfois fortuit. Quand il est entré au haras, en 2003, seuls l’extra-terrestre Cyborg, qui avait couru à Auteuil jusqu’à l’âge de 6 ans, et Saint Preuil avaient couru et gagné à Auteuil parmi les quinze premiers reproducteurs de chevaux d’obstacle en France. En 1997, il n’y en avait qu’un. Aujourd’hui, ils sont six. Quatre figurent même dans les cinq premiers dont… Saint des Saints.
Pour obtenir ce résultat, Nicolas de Lageneste avait commencé par choisir la bonne mère : « Je l’ai trouvée dans une vente de dispersion qui se produisait après une vacation normale à Deauville, explique-t-il. Chamisène avait un pedigree idéal pour produire un cheval d’obstacle, une fille de Pharly avec une mère par Tanerko, qui avait de bonnes performances sous la casaque Fustok. Elle avait terminé 4e de la Poule d’Essai, qu’elle avait couru pour une compagne de casaque, et elle avait gagné le Prix de Malleret pour son propre compte. Je l’ai eue pour 9 000 francs seulement (1 372 €). Il faut dire qu’elle n’avait pas donné de poulain depuis quatre ans. Je l’ai envoyée tout de suite à Cadoudal, qui était alors tête de listes des étalons… »
Chamisène était une sacrée jument de course. Comme l’a signalé Nicolas de Lageneste, elle avait fait le train pour une certaine Mystérieuse Étoile, également pour la casaque Fustok, et deuxième de cette fameuse Poule d’Essai 1983 remportée par L’Attrayante. Celle-ci devint la mère d’une autre lauréate du classique de Longchamp, Madeleine’s Dream. La 3e ce jour-là, Maximova, donna Macoumba, qui remporta le Prix Marcel Boussac, mais aussi de l’étalon Septième Ciel, et la 2e mère du classique et étalon The Grey Gatsby. Chamisène avait terminé 4e dead-heat avec Little Meadow.
Elle remportait ses trois sorties suivantes en l’espace de huit semaines après son accessit. Pour sa dernière victoire, elle a battu de deux longueurs Alexandrie sur les 2 000 mètres du Prix de Malleret. Et qu’a donné Alexandrie ? Poliglote ! Un des meilleurs étalons d’obstacle de France du début des années 2000.
Toutefois, si elle réussit à produire un poulain, rien ne permettait d’affirmer que le pari était déjà gagnant. « Le poulain est né chétif, et sa mère ne donnait pas un bon lait, se souvient Nicolas de Lageneste. Il a fallu lui donner beaucoup de compléments. Il n’avait pas de très beaux jarrets mais c’était un trait commun de nombreux produits de Cadoudal. Si bien que Robert Fougedoire, qui était venu le voir, n’avait pas voulu le prendre. Un an plus tard, Jacques Détré l’a vu dans un bien meilleur état et il l’a acheté. La suite, tout le monde la connaît… ».
Confié à Guillaume Macaire, qui avait déjà formé Saint Preuil, Saint des Saints allait devenir un des tout meilleurs chevaux de sa génération, mais sans pouvoir remporter un Gr1. Gagnant en steeple en fin d’année de 3 ans, puis en haies, il a dominé le premier semestre suivant sur les haies. Il a remporté toutes les préparatoires au Prix Alain du Breil mais a buté sur Great Love le jour J. À l’automne, la fenêtre de tir s’était refermée car une certaine Karly Flight était arrivée.
Il était temps de faire face à son destin. Les haras ne se bousculaient pas pour le prendre, faute d’une performance de tout premier plan. « Son propriétaire, Jacques Détré, a convaincu le Haras d’Etreham de le prendre, et il a fallu bien négocier. Je dois dire qu’ils ont fait un travail formidable car le cheval ne saillissait pas volontiers et il fallait beaucoup de patience ».
À présent, Saint des Saints peut se reposer, dans les herbages bénis du Bessin, avec le sentiment du devoir accompli. Il contemple un destin qui, s’il était né homme, serait celui d’un roman.