L’ EXTINCTION DES POISSONS MIGRATEURS
La fin du saumon sauvage en France d’ ici 3 ans
Le bilan 2024 sur les poissons migrateurs dans les eaux pyrénéennes est accablant. Le nombre de saumons géniteurs, truites et lamproies retournant à leurs zones de reproduction est anormalement bas.
Texte Laurie Debove, rédactrice en chef de La Relève et La Peste
© Fabrice Bergues
E n 2013, des pêcheurs de Capbreton demandaient à pouvoir vendre les saumons pris par erreur dans leurs filets. 12 ans plus tard, ils ont quasiment disparu aux côtés d’ autres poissons migrateurs.
Chaque année, l ' association Migradour recense les poissons migrateurs grâce à des stations de contrôle situées sur différentes rivières pyrénéennes. En 2024, le bilan est « catastrophique »: 2 saumons sur 3 n ' ont pas repris le chemin de leur frayère pour se reproduire. La situation est quasiment la même pour les truites et les lamproies.
Migradour a recensé moins de 100 castillons, les saumons qui n ' ont en général qu ' un seul hiver en mer, sur l’ ensemble du Bassin des Gaves! Pour la toute 1 ère fois, la truite de mer passe très largement en dessous de la barre symbolique des 1 000 individus observés. Seul point positif au bilan: les populations de grande Alose, légèrement supérieures à la moyenne des observations précédentes.
« Migradour a constaté un effondrement jamais-vu des effectifs de saumon au niveau des barrages, décrypte Philippe Garcia, président de Défense des Milieux Aquatiques( DMA). On savait que cela allait arriver car, dès 2022, il y a eu un effondrement des juvéniles. On a un enchaînement d’ indicateurs de très mauvais augure car les saumons sont des poissons à durée de vie courte. Il n’ y a que 2 ou 3 générations qui se succèdent dans les rivières, et sur 3 ans on a constaté un effondrement des populations. Il y a donc peu d’ espoir qu’ une autre génération vienne sauver la mise. »
De multiples causes
L’ étude des poissons migrateurs est importante car ils sont un marqueur représentatif de la qualité de l’ eau et de la santé des rivières. Du fait de leur caractère amphihalin, ces espèces sont sensibles à la qualité de l ' eau à la fois en mer et en eau douce, ainsi qu ' à la continuité écologique, nécessaire au bon déroulement de leur migration. Leur disparition est donc très inquiétante pour la qualité des milieux.
Comme ses homologues, le saumon est un extraordinaire navigateur. Grâce à des cristaux dans son crâne nommés magnétite, qui agissent comme un compas magnétique intérieur, il peut parcourir 10 000 km durant sa trajectoire de vie. Une boucle depuis les frayères des gaves pyrénéens en passant à l’ Ouest des îles britanniques, en mer de Norvège, le long de la côte Ouest du Groenland, avant de revenir sur son lieu de naissance. Au cours de ce long périple, le saumon doit échapper aux prédateurs naturels, franchir les barrages qui ont historiquement été les grandes causes de son déclin, survivre aux pollutions et dégradations du milieu comme l’ extraction des graviers( matériel essentiel des frayères des saumons).
« La cause de l’ effondrement des saumons est multifactorielle. De plus, le réchauffement climatique a modifié les zones de proie qui sont elles-mêmes moins nutritives qu’ avant », précise Philippe Garcia.
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