WAVE RADIO MAG 2025 Juin 2025 | Page 54

ENVIRONNEMENT / Inspiration
© Zep, The End- Rue de Sèvres, Paris 2018 engager et à faire ressentir qui est essentielle. Elle joue un rôle majeur dans la prise de conscience sur des sujets comme la guerre, l’ écologie ou les inégalités. Aux États-Unis, la fiction a parfois eu plus d’ impact que les manifestations, en touchant des personnes qui n’ étaient pas déjà convaincues et en ouvrant leurs yeux sur l’ inacceptable.
Passer de l’ humour à des récits plus sombres et philosophiques, ça a changé votre façon d’ écrire et de dessiner? Oui, complètement! Ces récits disent autre chose que Titeuf. L’ objectif, ce n’ est pas de faire peur aux jeunes, mais de les rassurer, de leur montrer qu’ ils peuvent agir. Dans Titeuf, il s’ agit de comprendre, d’ observer le quotidien. Dans The End, on passe à un récit plus apocalyptique, qui fait un peu peur – et c’ est aussi ce qu’ on cherche en sciencefiction. On aime frissonner, pas forcément être rassuré. Quand la S. F. parle d’ extraterrestres, on garde de la distance. Mais dès qu’ on touche à l’ écologie ou au climat, ça devient très concret. Les scientifiques posent les faits. Nous, auteurs, on a la liberté d’ imaginer jusqu’ où ces faits pourraient aller. C’ est la force de la fiction. Et quand elle s’ appuie sur du réel, oui, elle peut – et peut-être doit – faire un peu peur. C’ est une manière de provoquer une prise de conscience.
Dans The End, la nature est presque un personnage à part entière. Comment avez-vous travaillé cette idée? Ça commence toujours par un instinct. Puis je rencontre des scientifiques qui ont passé leur vie sur ces sujets, pour confronter mon scénario. Pas pour le faire valider scientifiquement, mais pour échanger. Leurs apports nourrissent souvent la fiction. Dans The End, par exemple, j’ ai rencontré Francis Hallé, grand botaniste français. Ce qu’ il m’ a raconté était passionnant, parfois même plus poussé que ce que j’ écrivais. Ses observations apportaient un socle concret à des ressentis que j’ avais déjà. Je dessine des arbres depuis longtemps, je passe beaucoup de temps avec eux. Je sens bien qu’ il existe un monde avec lequel on ne communique pas, mais qu’ on devrait écouter. Si on continue à exploiter notre environnement sans échange, cela finira mal: nous sommes interdépendants. Toutes les autres formes de vie nous permettent de vivre. Mais nous, à quoi servons-nous pour les autres? La nature est pragmatique: ce qui ne sert à rien disparaît. Nous, on se sert de tout, mais on ne sert à rien. Alors, soit on disparaît, soit on trouve un sens, autre que consommer. L’ idée que tout a été créé pour l’ homme vient de la religion. Elle a eu son utilité, mais aujourd’ hui, elle fait des ravages. Il est temps de remettre en question cette vision et de réécrire notre récit.
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