WAVE RADIO MAG 2025 Juin 2025 | Page 53

Inspiration / ENVIRONNEMENT
ZEP

Nouveaux Horizons

Zep n’ est pas que le papa de Titeuf. Il explore aujourd’ hui des récits puissants, entre S. F., écologie et philosophie, porté par un regard mature et une envie intacte de raconter le monde.
Propos recueillis par Alexandre Sauzedde, chroniqueur dans Délivrez-moi
Après Titeuf, qu ' est-ce qui vous a poussé à explorer des récits plus adultes, centrés sur les enjeux environnementaux? J’ abordais déjà ces thèmes dans Titeuf car ils s’ imposent naturellement à un auteur. Même en fiction, on reste lié à l’ époque dans laquelle on vit, influencé par le contexte social. L’ idée, c’ était de montrer les préoccupations actuelles à travers le regard d’ un enfant, avec une approche plus légère et rassurante. En vieillissant, j’ ai eu envie de parler de choses plus graves, plus adultes. J’ aime la science-fiction, l’ anticipation: c’ est une excellente façon de questionner le présent. Imaginer le futur, c’ est réfléchir aux enjeux d’ aujourd’ hui et à ce qu’ ils peuvent produire. C’ est ça, le rôle de la sciencefiction: proposer des hypothèses, alerter parfois, et nous faire penser à la société qu’ on construit.
Avec des récits plus réalistes et engagés comme The End ou Ce que nous sommes, vous avez pris un tournant. Comment a-t-il été perçu par vos éditeurs, le public et les médias? Ce tournant s’ est fait en douceur. J’ avais déjà en tête des récits plus réalistes, que je notais dans des carnets sans vraiment les revendiquer. Je me voyais surtout comme un auteur d’ humour, une posture que j’ avais adoptée dès l’ enfance pour faire face à une certaine inquiétude face au monde. L’ humour était une façon de tenir à distance l’ angoisse. Puis, avec le temps, cette peur s’ est estompée. J’ ai commencé à regarder le monde avec plus de recul, parfois même d’ émerveillement, malgré la conscience aiguë des menaces qui pèsent sur lui. Ce regard plus mature m’ a donné envie de traiter des sujets humains et sociétaux sous un autre angle. Naturellement, mon dessin a suivi cette évolution, avec un style plus réaliste, ancré dans l’ observation. L’ accueil a été plutôt positif. Il y a eu de la surprise, évidemment, mais aussi de la curiosité. On m’ a demandé si j’ abandonnais l’ humour, mais non: pour moi, c’ est toujours la même envie de raconter. Ces albums ont aussi touché un nouveau public, parfois éloigné de la BD, attiré par le format roman graphique, cette étiquette qui rend peut-être la BD plus accessible à certains.
Pensez-vous que la fiction peut avoir un impact sur la prise de conscience écologique? La fiction a un impact profond car elle nous immerge dans les histoires de manière émotionnelle, contrairement aux informations qu’ on regarde souvent avec distance. Prenez un sujet comme le clonage. Quand j’ étais ado, c’ était une question qui revenait souvent dans les débats éthiques, mais ça restait un peu abstrait. Puis vous voyez Blade Runner, et tout à coup, la question vous percute. Elle devient personnelle, émotionnelle. C’ est cette capacité de la fiction à
© Valérie Martinez
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