Wave Radio Mag 2022 | Page 79

Ce n ’ est pas pensé , ça bouge . Je recherche une sorte d ’ équilibre dans le volume , la matière et les couleurs . C ’ est très expérimental . La fin d ’ une œuvre , c ’ est parfois juste une décision . Parfois une évidence : elle a son énergie , son identité . »
Démarche paradoxale
L ’ artiste se défend d ’ être conceptuelle ou dotée de compétences artistiques : « J ’ ai les mots , les idées , j ’ imagine mais je ne fais pas , c ’ est très frustrant . » Tour à tour conceptrice-rédactrice dans la pub , thérapeute du langage , responsable presse et communication , consultante en entreprise , Caroline a transformé son sentiment d ’ impuissance en création artistique : « J ’ ai commencé avec des pastels et des tâches de couleurs , une démarche prémonitoire de mon travail . Ça a fait son chemin . » Elle démarre le processus d ’ assemblage avec le bois récolté sur des plages californiennes où elle a passé presque 5 ans . « J ’ ai fait ramener 1 m 3 de déchets par cargo à Paris … » Une rencontre lui conseille d ’ aller vivre dans le Sud-Ouest . Après un week-end à Arcachon , l ’ artiste cherche un atelier et s ’ installe dans les Landes il y a 21 ans . Elle expose depuis dans toute la France . Un parcours artistique qui témoigne de sa fantaisie et des fondements de sa créativité .
Bousculer les esprits
« L ’ art d ’ accommoder les restes », foisonnant dans la composition et dans la démarche , produit des lectures et effets multiples . Une pièce nous attire ou nous touche par un détail , une autre par l ’ équilibre de l ’ ensemble . Selon notre histoire , notre sensibilité , chaque tableau peut nous séduire ou susciter le rejet . Loin de véhiculer un message environnemental , la démarche artistique de Caroline Secq s ’ inscrit plutôt à contre-courant de l ’ imaginaire collectif . « J ’ ai envie de chatouiller quelque chose chez les gens , transformer les représentations . Si l ’ on parle de déchets ou de trésors , la réaction n ’ est pas la même . Je suis sur ce fil entre séduction et dégoût . Et sans intention malsaine , pour moi , c ’ est de la beauté . » Paysages , Evergreen , Apocalypse , Enfance ... Ces riens assemblés évoquent notre vie contemporaine . « Au bout de 3 / 4 ans , j ’ ai constaté qu ’ il y avait des familles dans les tableaux . » L ’ artiste qui bouscule les images n ’ aime pas plus les cases . « Je ramasse les objets sur la plage . Je les verse sur le terrain , les trie , les lave puis les classe par couleur , taille , thème , échelle , matière … Mais pas trop … Il ne faut pas que ce soit conventionnel pour garder la surprise . Je ne cherche jamais un morceau , je trouve un morceau . Donc je travaille toujours sur plusieurs œuvres à la fois . » Suite aux travaux de rénovation de son atelier , Caroline a investi à Bordeaux un espace de création réduit . Ces contraintes ont engendré des compositions plus petites avec d ' autres matières comme le papier et le tissu : Rien des plages , Rien des villes est née . La matière change , pas la poésie .
MANU DUBARRY

Des poissons éternels

carolinesecq . com carolinesecq
À voir
Exposition Fragments , de Caroline Secq , Dadave et Sophie Helene , du 23 avril au 3 juillet , à La Ferme d ’ en Haut , à Villeneuve d ’ Ascq .
Livre Histoire de riens , Caroline Secq

En entrant dans l ’ exposition éphémère et collective Les enfants Sauvages installée dans un supermarché voué à la destruction à Capbreton , notre œil a irrémédiablement été attiré par les poissons de Manu Dubarry . C ’ était la 1 e sortie de ces maquereaux , daurades , balistes , sarres , bars … « Tous les poissons du Gouf de Capbreton ! » Tissés à partir de déchets , artificiels et colorés , ils semblent paradoxalement vivants , animés . « Je ramasse les déchets sur la plage et je jette . Je garde uniquement ce qui attrape les poissons pour faire mes poissons ». Filets , lignes , fils , microbilles et microfiltres constituent donc la matière première des œuvres de celle qui ne se sent pas une artiste : « Je retranscris seulement la trace humaine . ».

L ’ inspiration des choses abîmées
Si Manu expose pour la première fois en 2020 , sa recherche artistique a toujours existé . Aujourd ’ hui conseil en déco et peinture , diplômée de l ’ École Supérieure d ’ Art et Technique , elle a été chef déco et chef peintre sur des tournages pendant 15 ans puis a tenu une boutique de meubles en bois . « Parallèlement à cette activité , je me suis lancée dans la fabrication d ’ animaux à taille réelle en bois peint . Exposés dans les jardins en trompel ’ œil . Puis en promenant mon chien , j ’ étais sidérée de la quantité de déchets sur la plage . J ’ ai eu l ’ idée de les utiliser pour en faire des poissons . » Une idée naturelle pour cette âme créative qui ne jette rien : « J ’ adore recycler et je déteste jeter . Je trouve beaucoup plus d ’ inspiration dans les choses abîmées que dans le neuf . C ’ est pareil pour tous ces fils , ils m ’ inspirent des histoires . » Une conscience écologique et artistique que Manu partage avec les enfants lors de rencontres scolaires via Nowa ,
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