Pourquoi la création de l ' école Domaine du Possible, en quoi se distingue-t-elle? Comment voulez-vous que les gens élevés durant leurs douze années de scolarité dans la compétition, la perte de confiance en soi parce qu’ ils sont dans le jugement permanent, dans la soumission de l’ évaluation constante, ne soient pas dans le malêtre?
Les enfants aiment apprendre,
Une école, pour rendre les enfants heureux comprendre le sens des connaissances, ils ont besoin d’ apprécier le chemin qu’ ils empruntent, en gravissant chaque fois une marche vers l’ espérance. Il faut pouvoir garder intact leur soif de savoir tout en respectant les autres pour devenir des êtres responsables. En France on infantilise, on court après la compétition, la raillerie, les calomnies que l’ on trouve partout. Au 19ème siècle, les idées de Rudolph Steiner étaient extraordinaires, il imaginait comment accompagner les jeunes, sur l’ idée de la liberté, de la confiance, notion indispensable pour avancer dans un monde incertain, aujourd’ hui nous devons réfléchir différemment, car nous sommes au 21ème siècle dans une société qui bouge. Notre but est d’ accompagner les enfants à devenir le meilleur d’ eux-mêmes, à être responsable dans le monde dans lequel ils sont. Notre école est « autre », elle expérimente une façon de faire à partir d’ une diversité résultant d’ une somme d’ individualités. Elle est construite dans la bienveillance et la coopération, en regardant et respectant les enfants, leur permettant d’ apprendre à être ensemble, ne plus entendre: « il ne me respecte pas, on ne m’ entend plus ». Le but de l’ enseignement n’ est pas de bonifier le regard de l’ élève envers le professeur, au contraire, celui qui les accompagne permet à l’ enfant d’ être au centre d’ un dessein commun. L’ école est un questionnement permanent, où l’ acquisition des connaissances doit impérativement être adaptée à notre époque. En France, on oblige l’ écolier à être immobile et calme, pourtant les études sur le cerveau montrent que lorsque l’ on coopère activement, la mémoire fonctionne mieux, l’ intelligence s’ amplifie. Pour « la fête des rois », nos enfants ont écrit un scénario, élaboré leurs costumes, certains ont créé un morceau musical, ils sont à l ' aise dans leur corps, car ils font de la rythmique et connaissaient leurs textes. Leur désir d’ apprendre, leur capacité à acquérir des connaissances, vient du plaisir à participer à l ' activité. On ne peut pas parler d’ égalité, car chacun est différent, tout le monde naît avec un nombre de neurones qui varie d’ un individu à l’ autre, activant un réseau de communication qui devient l’ enjeu majeur de notre avenir. Pour que ces cellules évoluent de façon à être plus actives, il faut cultiver le désir d’ apprendre. Le projet de cette école est d’ accueillir avec respect et bienveillance les enfants qui sont l’ avenir, l’ espoir de notre société.
Pensez-vous que la liberté est au centre de votre vie? J’ ai plusieurs degrés de liberté car j’ ai la chance d’ évoluer dans une société que mon père a créée, une entreprise indépendante, libre par rapport à l’ agitation parisienne. « La cohérence » me paraît être le terme le plus important, il devient la pensée de l’ efficacité et permet d’ apparenter mon travail à une forme d’ expression artistique. J’ ai des engagements auxquels je dois me tenir. La liberté passe par la nécessité d’ une régulation comme celle du prix unique dans toutes les libraires, cela donne la possibilité au petit libraire de pouvoir exister par rapport à la grande surface. Parfois les systèmes de contraintes sont des moyens permettant d’ accéder à l’ indépendance. Par contre, quand l’ économie insidieuse tue le dynamisme individuel, on est dans une atteinte directe à notre libre-pensée, lorsque l’ agrochimie met dans tous nos produits du poison, on compromet notre libre choix. Dans mon travail, j’ ai beaucoup d’ autonomie mais aussi des responsabilités.
Est-ce qu’ être éditrice permet de penser pour les autres? Ce n’ est pas un métier de la demande, c’ est un métier de l’ offre. Un manuscrit nous plaît, on a le désir de le partager avec les autres, d’ échanger nos convictions, notre enthousiasme, on pense qu’ il peut apporter de la joie, de l’ intérêt, de l’ émotion, c ' est ce qui nous donne envie de le faire découvrir. Ces expériences sont formidables, nous sommes les messagers des mots que l’ on pose sur un papier, car la réponse absolue n’ existe pas, le cerveau est en circulation permanente, il n’ y a rien de figé. Après, les gens réagissent, s’ évadent avec l’ histoire, s’ enrichissent ou pas, y trouvent une autre vie qui échappe à leur sort. Nous sommes en dehors d’ un objectif précis.
La coupure réelle entre l’ homme et la nature existe-t-elle? Le monde actuel englobe ceux qui ont un comportement de désintéressement et de négation vis-à-vis de la nature, même s’ ils l’ aiment. Une économie dominée par un besoin d’ argent les entraîne en direction d’ un monde qui évolue de plus en plus vers la finance et l’ attirance du pouvoir. Vous trouverez ceux dont la prise de conscience développe des sentiments profonds de respect pour faire évoluer le système grâce à leur travail phénoménal afin de montrer que l’ on peut nourrir la planète en respectant la nature.
Actes Sud va créer une université de la terre
Actes Sud va développer une université collaborative de la terre, avec un écosystème agricole et humain, cohérent et productif à la biodiversité foisonnante. L’ art de manger est aussi un acte politique, une distinction sociale. Nous allons publier une enquête historique faite par un photographe sur l ' entreprise Monsanto( le plus grand assassin de notre temps, fabricant du désherbant chimique, polluant et très dangereux le Round up), accompagnée d’ une exposition photographique.
La mort de votre fils vous a-t-elle permis de retrouver le lien vers un autre bonheur? Un peu, on ne peut pas parler de bonheur parce que je suis toujours émue, mais il nous a transformé, nous a montré une nouvelle voie pour réinvestir la vie, le départ pour un nouveau voyage. C’ est lui qui nous a donné une certaine énergie, en nous faisant voir l’ existence, avec ces divers degrés de liberté. Nos vies ne seront plus jamais complètes, elles sont continuellement façonnées par des choix qui consistent à comprendre que l’ existence n’ est qu’ un petit parcours, mais au bout du chagrin, il y a un avenir à partager avec nos autres enfants. Mon fils ainé que j’ ai adopté avec les souffrances, les noirceurs du début de sa vie, correspond tous les jours par l’ intermédiaire d’ Amnesty International avec des condamnés à mort aux Etats-unis, nos trois filles sont venues nous rejoindre pour travailler dans la société.
À la mort d’ Antoine, tout le monde s’ est posé des questions, la fratrie, les parents n’ en sont pas sortis indemnes, mais une autre forme de pensée a jailli avec la richesse et la beauté du monde. Ce qui est magnifique, c’ est que l’ âme d’ Antoine nous éclaire tous les jours.
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