La réalisation effrénée de ces barres de béton, de ces cités-dortoirs ne sont que des voies sans issues, des dispositifs d’ isolement, d’ exclusion, imposant une vie normalisée, dépourvue de liberté, dans un univers où réside une population en rupture avec la société.
Pour changer le destin des hommes, il faut modifier les bourgades, laisser place à l’ espace public afin que les choses circulent, moduler
La ville devrait être l’ espace d’ une réinvention de jours plus heureux pour le quotidien de ses habitants. la réalité pour faire rêver et renaître tout un domaine de connaissance et d’ action. Arles ne possède pas assez d’ îlots de verdure pour s’ abandonner à la rêverie, aux promenades quotidiennes. Le projet de 6 hectares du Parc des Ateliers et du campus de la Fondation Luma proposent un mode d’ exploration offrant des possibilités de rencontres, d’ expériences dans le prolongement d’ un gigantesque espace de végétation qui permettront de réaliser un lieu entre la nature et la ville.
Pour que le centre ville d’ Arles soit agréable et charmant, il faut encourager l’ épanouissement des commerces, ceux qui créent les échanges, suscitent une animation et un spectacle permanent, comme le marchand de journaux et ses titres sensationnels, le boulanger et ses bons petits pains, plus loin l’ épicier, le cordonnier, tous ces métiers indispensables à notre quotidien colportant leurs odeurs, leurs bruits et leurs décors.
L’ idée de la ville ne peut pas simplement venir d’ une seule personne extérieure. Selon notre ami Patrick Bouchain, architecte et scénographe: « il faut savoir se mettre au service du projet, être dans l’ observation et le dialogue ». Lors du réaménagement du quartier Chemin Vert de Boulogne-sur-Mer l’ une de ses jeunes étudiantes en architecture a accepté d’ habiter sur place durant deux ans. Pour Patrick, il est important de construire autrement, de produire de l’ exceptionnel pour émerveiller les futurs résidents. Travailler avec les gens, ce n’ est pas une fausse participation, une consultation illusoire, c’ est la mise en œuvre d’ un « État démocratique dans lequel on devrait être ».
Arles était une bourgade sans vision, aujourd’ hui elle est en transition. Toutes les idées permettent de développer une véritable réflexion à partir des habitants, des rencontres qui changent l’ image de la ville vers une destinée où résonne l’ espoir.
Le film « Demain » de Cyril Dion et Mélanie Laurent, sorti en 2015, nous interroge sur les moyens de construire une autre histoire de notre avenir et de créer un lien social qui nous entraîne vers des réflexions sur les agglomérations, nous permet d’ imaginer, de rêver afin d’ attribuer un visage à une société transformée. Pour éviter que le changement de la ville d’ Arles ne la transforme en un dortoir de luxe, Il faut accepter de partager avec les autres, permettre que s’ installent les oppositions. Arles,
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La librairie Actes Sud
au temps des romains, était la plus grande cité provençale et une métropole marchande importante grâce à sa grande richesse commerciale.
Jean Paul Capitani possédait une ancienne laiterie qu’ il avait décidé de transformer en un lieu de vie. Ensemble, nous avons imaginé, rêvé l’ existence d’ une libraire, pour permettre aux gens de trouver un endroit où il y a de l’ espoir, où ils peuvent rechercher la liberté et mettre des mots dans leur existence. Nous nous sommes installés dans un quartier qui était en déshérence, entassant une population isolée et des bâtiments sans âmes, l’ église où l’ on organise les concerts était un gardemeuble. Dans cette ville sans grande richesse économique, il faut une forte volonté politique, pour reconstruire sur le partage avec les gens.
Il y a des lieux où la vie sociale est réduite au strict minimum, pour vous quelle place tient la culture dans ces espaces de privation de liberté que sont les prisons? Dans ce monde à part, pour que les personnes en prison aient des chances de réinsertion dans la société, il faut un accompagnement culturel, afin de faire cohabiter ces deux univers. En visitant l’ établissement pénitentiaire d’ Arles, j’ ai rencontré des gens qui se sentaient aidés par la transmission du savoir, leur laissant des espaces de liberté sous la forme de la parole, et un moyen de porter un regard plus sage sur l’ humanité. Face à l’ art des images, à la puissance des mots, ils voyagent loin des barreaux, des bruits, les propulsant dans l’ expression d’ un quotidien où la culture est d’ une grande richesse, d’ une grande aide, leur permettant de vivre dans cette institution close de manière plus clémente. Aux Etats-unis, on oblige les délinquants à lire des romans pour leur permettre de prendre conscience, à travers le récit d ' une situation miroir décrivant des actes qui leur donnent la possibilité de porter un regard sans complaisance sur une histoire qui n’ est pas la leur. C’ est l’ occasion de comprendre leurs propres comportements et tenter de reconstruire une nouvelle identité.
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J’ ai lu récemment le livre « Cerveau et méditation » dialogue entre l ' universitaire neurophysiologiste Wolf Singer et le moine bouddhiste tibétain, docteur en génétique cellulaire Matthieu Ricard, dans lequel ils montrent la volonté des autorités scandinaves de mettre en place dans leurs prisons une politique qui ne construit pas des bâtiments mais prend soin des prisonniers, donne des moyens intellectuels ou l’ instruction est considérée comme une nécessité constructive afin de lutter contre la récidive et l’ exclusion sociale. Je pense que l’ on ne doit pas être seulement dans la coercition, dans le jugement, il faut communiquer avec les gens, mettre l’ accent sur l’ éducation pour une transformation personnelle et briser le cycle de la haine.
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