La crise de 1958 n’a heureusement pas duré trop longtemps et les conséquences désastreuses d’un conflit prolongé ont épargné le Liban. Au cours des années suivantes, le pays a retrouvé un fort rythme de croissance. L’essor économique s’est accompagné d’une augmentation du niveau de vie des Libanais. Dans ces conditions, le dynamisme communautaire arménien a atteint des sommets : vie associative riche et animée ; secteur scolaire particulièrement développé ; floraison d’édifices communautaires. La paix civile instaurée au Liban restait toutefois fragile, car elle était en permanence menacée par le moindre bouleversement régional. à la fin des années 1960, avec la radicalisation du mouvement national palestinien en diaspora, autrement dit dans les pays arabes voisins d’Israël où se sont réfugiés des centaines de milliers de Palestiniens, les Libanais ont été confrontés à une nouvelle épreuve. La présence de groupes armés palestiniens sur le sol libanais est devenue une nouvelle source de conflit : fallait-il soutenir la cause palestinienne ou fallait-il chasser les organisations armées palestiniennes du territoire libanais ? Telle est la question qui a été débattue au sein de la société libanaise, sur fond de profonds clivages sociaux, politiques et confessionnels dont le Liban ne s’est jamais vraiment débarrassé depuis sa création.
Les passions communautaires sont alors exacerbées, attisées par les conflits régionaux et internationaux. L’état se montre incapable de maîtriser la situation et de mettre fin aux actes de violence. Finalement, c’est tout l’édifice étatique qui s’écroule : le problème des réfugiés palestiniens devient le catalyseur d’une guerre civile libanaise qui débute en avril 1975 et prend, durant les quinze années suivantes, une dimension régionale, puis internationale.
L’armée libanaise divisée n’est pas en mesure d’empêcher le passage de tout le pays aux mains de milices rivales qui imposent leurs lois aux populations civiles. ...
Le Proche-Orient en crise : flux et reflux d’un monde diasporique
Alex Manoogian en visite à Beyrouth, en 1971. à droite du pupitre, le ministre Raymond Eddé ; à gauche, observant A. Manoogian, Pierre Gemayel (Arch. B. Nubar/Paris).