exemple, environ quatre cent cinquante jeunes filles et femmes restaient prisonnières de musulmans de la ville 58, les Britanniques cherchant avant tout à maintenir la paix sociale dans les régions qu’ils administraient, ménageant notamment sa forte population kurde. La politique adoptée par l’administration française de Cilicie, dirigée par le colonel Brémond, était fondamentalement différente. Elle envisageait de faire jouer aux chrétiens, et notamment aux Arméniens, un rôle important dans l’action de la France dans la région. En novembre 1919, lorsque les troupes françaises prirent la relève des Britanniques dans les Territoires de l’Est, les Arméniens de Marach accueillirent donc avec soulagement ce changement et déposèrent de nouveau des réclamations pour obtenir la restitution de leurs biens pillés pendant la guerre, chose dont les Britanniques ne voulaient pas entendre parler. Autrement dit, après avoir espéré conserver les biens extorqués aux Arméniens durant le génocide, les musulmans s’inquiétèrent de la situation nouvelle créée par l’arrivée des Français. L’éventualité d’une restitution des biens arméniens et d’une condamnation des notables locaux lourdement impliqués dans les crimes de guerre contre les populations civiles, entraîna le ralliement d’un grand nombre d’habitants de ces villes au mouvement national turc dirigé par Mustafa Kemal. C’est dans ces conditions sociales et politiques de tension extrême qu’éclata, le 21 janvier 1920, l’insurrection turque à l’intérieur de la ville de Marach, appuyée de l’extérieur par les forces nationalistes qui campaient dans les villages environnants. Le 11 février, alors que le rapport de forces sur le terrain était en faveur des Français, la garnison française abandonna subitement la ville, laissant le champ libre aux nationalistes turcs. En lire plus
Comme on l’a déjà vu, les Territoires de l’Est, comprenant les régions de Marach, Ourfa et Aïntab, restèrent sous contrôle britannique jusqu’en novembre 1919, alors que le reste de la Cilicie était sous administration française. Durant cette période, les Britanniques veillèrent à ce que l’administration civile et la gendarmerie restent sous le contrôle de Constantinople et il fut souvent impossible de collecter les jeunes femmes et les enfants arméniens détenus dans les familles musulmanes. À Marach, par
La « nouvelle » politique française : l’abandon de la Cilicie,
le transfert des orphelins et l’exode arménien
Zabèl Yessayan, inspectrice des orphelinats de Cilicie (Arch. B. Nubar/ Paris).