Série des livres numériques de l’UVA Livre #3: Un siècle d’histoire de l’UGAB (Livre 1) | Page 85

D’autant qu’ils ne souhaitaient pas que le vide laissé par leur retrait éventuel de Cilicie soit comblé par les missions américaines, déjà florissantes dans la région 69. Les orphelinats arméniens se retrouvaient ainsi au cœur des luttes d’influence entre Puissances.

Les organisations arméniennes, et en premier lieu l’Union, voyaient toutefois d’un tout autre œil le changement d’administration intervenu dans l’orphelinat d’Adana. Pour les Arméniens, après le drame vécu du génocide, la survie de la nation reposait surtout sur ces milliers d’orphelins. ... En lire plus

Pour toutes ces raisons, contradictoires, les responsables français décidèrent, jusqu'à nouvel ordre, de conserver en Cilicie les établissements dans lesquels des milliers d’enfants arméniens étaient abrités. Il semble que Zabèl Yessayan, francophile convaincue, n’ait pas bien apprécié les objectifs politiques qui animaient les Français dans leur prise de position au sujet des orphelinats. Elle était même persuadée que c’étaient les organisations arméniennes qui avaient bloqué le transfert des orphelins de Cilicie. Dans une lettre adressée le 1er juin 1920 à Boghos Nubar, elle exprime sa colère et tient la Délégation nationale arménienne pour responsable : « [...] Si pour des raisons extraordinaires, la Délégation juge nécessaire le maintien des orphelinats arméniens en Cilicie, territoire turc, je tiens à faire savoir à votre Excellence qu’il me serait impossible de continuer la mission que vous avez bien voulu me confier, parce qu’il me serait impossible d’avoir des rapports même de simple politesse avec les fonctionnaires turcs. Il sera sans doute opportun de me remplacer par une personne qui aura les qualités nécessaires pour soutenir une pareille situation » 68. Zabèl Yessayan quitta ses fonctions en Cilicie en juin 1920, sans avoir changé d’opinion, mais après avoir fait transférer la direction de l’orphelinat d’Adana qui se trouvait jusqu’alors sous la direction du Vorphakhenam, à l’administration française. Elle avait ainsi répondu aux attentes des Français, qui cherchaient alors à renforcer leurs œuvres dans la région, dans la perspective de l’évacuation de leur armée et de leur administration d’occupation.

La « nouvelle » politique française : l’abandon de la Cilicie,

le transfert des orphelins et l’exode arménien

Exode des Arméniens, en novembre 1921, à la gare d’Adana (Paul du Veou, La Passion de la Cilicie, 1919-1922, Paris 1954).