Au Liban, l’action humanitaire se concentra sur les orphelins d’Aïntoura, ce village situé au nord de Beyrouth, près de Zouk Mikayel, dont le collège des Lazaristes avait été confisqué par les autorités turques et transformé en orphelinat : environ mille deux cents orphelins arméniens, majoritairement originaires de Gürun, Césarée et Sivas, et Kurdes, y furent accueillis. Recueillis par des fonctionnaires turcs sur les routes de la déportation, ces enfants arméniens avaient été orientés sur Aïntoura pour y être éduqués selon les canons en vigueur dans les milieux jeunes-turcs. Cet établissement n’était d’ailleurs pas unique : les autorités ottomanes avaient fondé d’autres orphelinats similaires pour y turquifier des enfants arméniens, à Ourfa, Mardine, Adana, Césarée, etc.. Aïntoura constituait toutefois un établissement qui se voulait exemplaire : il était dirigé par Halide Edip, nationaliste jeune-turc et femme de lettre, dont la mission était de turquiser ces orphelins. Dès leur entrée dans l’orphelinat, la direction leur attribuait des prénoms musulmans et un numéro de matricule. Il leur était strictement interdit de parler l’arménien, les coupables étant sévèrement punis. La falakha était pour ces derniers le châtiment d’usage99. Le Liban était alors victime d’une terrible famine, manifestement suscitée par le régime jeune-turc, qui décima des dizaines de milliers de Libanais et toucha également l’orphelinat, dont environ un tiers des orphelins succombèrent aux privations endurées100. Lorsque les troupes alliées entrèrent à Aïntoura, elles trouvèrent dans l’établissement que huit cents orphelins, le reste n’ayant pas survécu101. En lire plus
Les rescapés au Liban et en Palestine à la fin de la Première Guerre mondiale
L’orphelinat d’Aïntoura, avec sa directrice Halide Edip, au centre, son corps d’éducateurs et ses pensionnaires arméniens. 1918 (Arch. B. Nubar/Paris).