LE ZOOM ACTUS FRANCE
Janvier 2019 4
UN MOUVEMENT SOCIAL EXPLIQUÉ : LES GILETS JAUNES
Voilà maintenant 8 semaines que fait rage en France la crise politique liée au mouvement des « Gilets Jaunes ». Cette crise est qualifiée de sans précédent car en effet, c’est la première fois qu'une manifestation de cette nature entraîne un si grand impact sur la vie des Français, qu'ils soient de Paris où les manifestations sont les plus virulentes, ou que celles-ci se déroulent en région. Mais quel fut l'élément déclencheur de ces manifestations qui se perpétuent encore aujourd'hui, et quel est le leitmotiv de ces manifestants ?
L’historique du mouvement
• Tout est parti d'une pétition mise en ligne le 29 mai 2018 par Priscilla Ludosky, automobiliste de Seine-et-Marne. Elle dénonçait à travers la pétition la hausse des prix du carburant à la pompe.
Son initiative rencontra un succès puisque l'on recensa environ 226 000 signatures le 25 octobre et à peu près 1 million de signatures fin novembre.
• Les premières actions eurent lieu le 9 novembre ainsi que le 15 du même mois lorsque certains partisans du mouvement tentèrent de rencontrer le Président de la République Emmanuel Macron mais échouèrent cependant, ainsi que par le biais de blocages de rond-points en Eure.
A la mi-novembre, le mouvement avait sensibilisé environ 7 millions de Français que ce soit grâce à la pétition ou le relayage par les réseaux sociaux des idées du groupe.
Éric Drouet, camionneur, encourage via un live Facebook au blocage de tout le pays le samedi 17 novembre en signe de protestation.
• Nous voilà donc arrivés au premier blocage national (qui prendra l’appellation d’«acte» plus tard ) qui eut lieu le 17 novembre. Les manifestations de cet acte sont pluriformes : effectivement ils prennent la forme de barrages filtrants près de ronds-points dans à peu près toute la France. On recense environ 270 000 partisans du groupe mobilisés à travers la nation. Cependant on déplore un nombre indescriptible de tensions entre gilets et usagers des routes continuant à travailler, ce qui mena à un bilan de 2 morts et plus de 500 blessés. Constatant que ce week-end de mobilisation ne fut pas suffisant, les Gilets Jaunes décidèrent donc de maintenir leur action le week-end suivant : c’est l’Acte II et celui-ci va être déterminant pour la suite.
• Le 24 novembre, le nombre de manifestants décline d’environ 100 000 activistes, passant à environ 166 000 manifestants bien que la motivation de ceux-ci ne faiblit pas. Or cet acte est le premier qui déborde en heurts entre Gilets Jaunes et forces de l’ordre sur Paris ainsi que sur les grandes villes de province telles que Bordeaux par exemple. A la fin de ce week-end, certains Gilets se rendent compte du potentiel de ce groupe de pression qui décide donc de s’organiser : 8 négociateurs sont nommés pour démarcher le gouvernement quant à leurs revendications. Ils se revendiquent non affiliés à quelconque syndicat ou parti politique. Deux d’entre eux sont reçus dans le courant de la semaine par le Ministre de la Transition Écologique, François de Rugy mais ils ne parviennent à le convaincre et appellent donc à un nouvel Acte.
• Ils se retrouvent donc à nouveau le 1er décembre, principalement sur la capitale. Le nombre de mobilisés continue de décliner, atteignant cette fois-ci les 136 000 manifestants. Cependant, c’est durant ce rassemblement que l’on assiste à une explosion des comportements violents, irrespectueux et ne possédant aucun lien avec les revendications du mouvement.
En effet, on peut déplorer nombre de vitrines de magasins des Champs-Élysées, de barricades érigées sur ce qui reste de la soit-disant plus belle avenue au monde, sans oublier l’immolation par le feu de véhicules situés aux alentours. Mais l’évènement le plus choquant eut lieu Place de l’Étoile lorsque qu’un groupe de casseurs portant des gilets taguèrent un des plus grands symboles de la France, l’Arc de Triomphe en inscrivant un message (« Macron démission »). Ce comportement fut sèchement condamné par le Gouvernement qui évoque un irrespect des valeurs républicaines françaises. Les casseurs se sont également introduits à l’intérieur de monument et pillèrent ou cassèrent ce qu’ils trouvèrent sur place. Plus tard dans la semaine, à la suite d’une réunion de crise organisée par notre Président de la République, le Premier Ministre Édouard Philippe annonce la suspension pour six mois de la hausse de la fiscalité sur les carburants et du durcissement du contrôle technique qui faisaient partie des changements demandés par le groupe.
Cependant les mesures annoncées par le gouvernement sont jugées non-suffisantes par le mouvement qui décide de maintenir l’acte IV prévu le samedi suivant.
• Le 8 décembre (4ème samedi consécutif de mobilisation), en réponse aux évènements du week-end précédent, le Gouvernement mobilise 90000 CRS et gendarmes mobiles sont mobilisés dans toute la France dont 8000 sur la capitale ainsi que plusieurs véhicules d’intervention blindés.
Malgré un dispositif de sécurité inédit, des débordements ont lieu dans la capitale, aux abords des grands boulevards notamment, mais aussi dans d'autres villes. A Bordeaux, un jeune manifestant de 26 ans voit même sa main droite totalement arrachée après avoir délibérément ramassé une grenade de désencerclement lancée par les CRS. Selon la direction générale de la santé, 179 personnes blessées ont été prises en charge sur tout le territoire par les équipes médicales des hôpitaux. Le ministère de l'Intérieur comptabilise 264 blessés, dont 39 policiers et gendarmes. L'acte IV se termine par un nombre d'interpellations record : 1723 personnes sont arrêtées dont 1220 gardes à vue.
Suite à ces débordements, Emmanuel Macron prend l’antenne sur la chaîne TF1 lors du journal de 20h le lundi 10 décembre. Durant cette prise de parole, le Président revoit sa copie, sans pour autant changer de cap. Il annonce de nouvelles mesures en faveur de la hausse du pouvoir d'achat : la prime d'activité sera revalorisée de 80 euros pour une partie des travailleurs au SMIC et les retraités touchant moins de 2000 euros par mois seront exemptés de la hausse de la CSG en 2019.
Les jours qui suivent, plusieurs sondages sont effectués et le sondage OpinionWay réalisé par LCI décrit que 49 % des téléspectateurs ont trouvé M. Macron peu convaincant. Cependant 54 % sont favorables à un arrêt du mouvement compte tenu des annonces faites par le Gouvernement Philippe.
• Le week-end suivant a lieu l’Acte V qui, quant à lui, a rassemblé 4 000 manifestants à Paris et 66 000 dans toute la France. Quelque 69 000 membres des forces de l’ordre sont déployés sur le territoire, dont 8 000 à Paris, où 179 personnes sont interpellées et 144 placées en garde à vue. La situation est jugée tendue à Bordeaux, Nantes et Toulouse. Ce week-end est considéré comme un des plus calmes du mouvement comme le montre le sit-in réalisé place de l’Opéra afin de réclamer un RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne). Ce week-end fut aussi marqué par les attentats de Strasbourg survenus le 11 décembre 2018 où 3 ressortissants français perdirent la vie ainsi qu’un ressortissant italien et un touriste thaïlandais.
• Le samedi 22 décembre, selon les chiffres fournis par le ministère de l'Intérieur français, la participation s’élève à 33 600 manifestants dont 2 000 à Paris.Un rassemblement a débuté aux alentours de 10 heures sur la butte Montmartre dans le XVIIIe arrondissement de Paris, où des dizaines de «gilets jaunes» ont entonné La Marseillaise. La police est rapidement arrivée sur place et a ordonné aux commerçants de fermer boutique. Plusieurs «gilets jaunes» y ont entonné La Quenelle, chanson associée à l'antisémitisme véhiculé par l'humoriste Dieudonné, déjà condamné pour incitation à la haine. Malheureusement, on recense un automobiliste décédé près de Perpignan après une collision avec un poids lourd créée au niveau des barrages filtrants organisés par les Gilets ce qui porta le nombre de victimes à 10. Cependant, en fin de soirée, la situation s'est tendue sur les Champs-Élysées. Des images diffusées sur Twitter ont notamment montré une scène très violente opposant des policiers à moto à des manifestants. Ceux-ci ont jeté des projectiles sur les policiers, certains venant les menacer directement. Les policiers se sont défendus avec des coups de pied et des projections de gaz lacrymogène. L'un des agents à moto a, avant la scène filmée, chuté en raison des projectiles lancés par la foule, ce que l'on ne voit pas sur les images. Ses collègues sont venus l'aider pour repartir alors que les jets de projectile se poursuivaient. Côté gouvernement, Le Parlement a donné son feu vert aux mesures d'urgences économiques et sociales voulues par celui-ci : défiscalisation des heures supplémentaires, possibilité pour les entreprises de verser une «prime exceptionnelle» de 1000 euros, exonérées de toutes cotisations sociales et d'impôt sur le revenu pour les salariés gagnant jusqu'à 3600 euros, et l'exonération élargie de hausse de CSG pour des retraités.
• Après un «acte VI» qui avait déjà peu mobilisé le week-end dernier en plein milieu des fêtes de fin d'année, le septième week-end de mobilisation des «gilets jaunes» s'est essoufflé ce samedi. À peine 800 manifestants sont sortis dans la rue à Paris, d'après la préfecture de police. Dans la capitale, 57 interpellations ont eu lieu et parmi les personnes interpellées, 33 ont été placées en garde à vue.
Le lieu de rassemblement avait été annoncé par Éric Drouet vers midi: il a ainsi donné rendez-vous aux «gilets jaunes» rue du Général Alain de Bossieu, dans le XVe arrondissement de Paris. Ils avaient pour but d’assiéger BFMTV. Plusieurs centaines de manifestants se tenaient devant la chaîne de télévision à 13h30, demandant aux journalistes de «répondre de leurs mensonges».
• Samedi 5 janvier, on recense au moins 50.000 «gilets jaunes» qui ont défilé en France pour leur huitième mobilisation d'affilée. La journée a, à nouveau, été marquée par des heurts entre les manifestants et les forces de l'ordre. Selon la chaîne d’informations LCI, plus de 300 interpellations sur l'ensemble du territoire, dont 35 à Paris qui fut encore le lieu d'affrontements entre forces de l'ordre et «gilets jaunes». Les premiers heurts se sont produits vers 14h sur les quais de Seine, près de l'Hôtel de Ville, et des affrontements ont ensuite éclaté sur la passerelle Léopold Sédar Senghor et une cinquantaine de policiers et gendarmes auraient été blessés. Pendant cet épisode, un gendarme a été blessé après avoir été frappé par des manifestants dont un qui se démarque du groupe, surnommé le boxeur qui se prénomme Christophe Dettinger, originaire de l'Essonne et ancien boxeur professionnel, champion de France de boxe et ex-membre de l’équipe de France. Depuis les faits il est à tort considéré comme héros sur les groupes Facebook des «gilets jaunes». Ce dimanche en fin de matinée, il n'avait pas été arrêté. Autres nouvelles outrageuses, le nombre de feux de poubelle et d’incendies déclarés fut important. Mais aussi, les gilets Jaunes menèrent un assaut contre le lieu de fonction de Benjamin Griveaux, porte-parole du gouvernement, en fracassant la porte d’entrée de ce lieu situé rue de Grenelle afin de s’introduire en toute illégalité dans la cour du bâtiment.
Mais quelles sont les revendications de ce groupe de pression ?
Ils se prononcent contre la hausse jugée excessive des prix des carburants à la pompe, notamment en raison de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui comprend depuis 2014 une composante carbone, et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui dépend de la TICPE, afin d'amoindrir l'effet de la forte augmentation du prix du pétrole.
Une autre revendication est la mise en place d’une démocratie directe, conséquence de la crise que rencontre la démocratie représentative dans notre pays. Cette démocratie est soumise à un manque de confiance croissant entre le peuple et ses représentants qu’il a élu.
Ils proposent donc des initiatives comme le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC) Ces référendums peuvent être de plusieurs types : législatif (adoption de textes, lois, règlements…), abrogatif (annulation de textes de lois), constituant (modification de la Constitution) ou bien révocatoire (destitution d’un membre d’une institution)
Diverses idées comme le refus de la signature du Pacte Mondial sur l’immigration, la destitution du président de la République, ainsi que la mise en place de taxes maritimes, sur le fioul, le rejet de la suppression de l’ISF ainsi que l’abandon du projet d’impôt à la source.
Quelles réponses le gouvernement a-t’il apporté ?
Dans un premier temps le gouvernement réagit en affirmant qu’il n’y aura pas de révision de la hausse des taxes mais annonce la revalorisation des primes à la conversion. Le ministre de la Transition Écologique, M. François de Rugy décide donc de recevoir deux représentants du mouvement mais se rend bien compte du cadre que prend les revendications du groupe de pression.
Plus tard, Édouard Philippe annonce la mise en place d’un moratoire de six mois concernant les taxes sur le carburant. Lors d'une allocution prononcée le 10 décembre 2018 Emmanuel Macron annonce l'augmentation du revenu d'un travailleur au SMIC de 100 euros par mois dès 2019 « sans qu'il en coûte un euro de plus pour l'employeur », le retour à la défiscalisation des heures supplémentaires, l'annulation de la hausse de la CSG pour les retraites de moins de 2 000 euros par mois et une défiscalisation de la prime de fin d'année dans les entreprises. Il s'oppose au rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), une demande de certains Gilets jaunes. Le 18 décembre, le Gouvernement Philippe annonce le retrait de certaines mesures entreprises par le gouvernement, puis un communiqué officiel qui affirme que toutes les mesures sont maintenues est émis plus tard dans la soirée.
L'exécutif lance également un « grand débat national », qui doit durer jusqu'au 1er mars 2019. Pilotée par la présidente de la Commission nationale du débat public, Chantal Jouanno, cette consultation vise à faire remonter les souhaits des Français autour de quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, services publics et débat démocratique).
Cependant qui fait partie de ce mouvement et comment est-il perçu dans
son propre pays ?
Beaucoup de manifestants, qui représentent principalement les classes moyennes, expriment le sentiment de mépris dont ils pensent faire l’objet vis à vis des classes élites urbaines. Plusieurs sociologues considèrent ce mouvement comme la rébellion d’une classe moyenne qui se sent marginalisée socialement et géographiquement par les personnes les mieux rémunérées des grandes villes. Les Gilets jaunes incarnent les petits moyens : ils travaillent, paient des impôts et gagnent trop pour être aidés et pas assez pour bien vivre. On recense une forte mobilisation dans la diagonale du vide qui va de la Meuse aux Landes. En revanche, le mouvement rencontre une faible mobilisation dans des territoires urbains comme la Seine-Saint-Denis.
Concernant leurs orientations politiques, ils ne sont rattachés à aucun parti politique et envisagent même la création d’une liste Gilets Jaunes lors des élections européennes qui auront lieu le 26 mai prochain. Cependant la majorité de sondages montre un fort accord avec le Rassemblement National et la France Insoumise. Ils montrent aussi que leur pensée est distancée des programmes libéralistes proposés par François Fillon et Emmanuel Macron lors des présidentielles de 2017.
Quant à la vision qu’a le peuple français quant au mouvement, on remarque qu’un fort pourcentage des sondés par Odoxa trouvent que le mouvement est justifié. Cependant on peut noter une baisse des idées de pérennisation du mouvement au fil des semaines de mobilisation. Mais ils ne font pas les beaux jours de tout le monde : on assiste à l’éclosion progressive de plus en plus de mouvements contestataires des Gilets Jaunes tels que les Foulards rouges, Gilets Bleus qui oeuvrent en faveur d’une accalmie et de la remise en place des libertés individuelles qui sont moins importantes en cette période de crise.
Cette révolte que constitue le mouvement des Gilets Jaunes est donc encore loin d’être fini et continuera sûrement à diviser l’opinion publique et le monde politique pendant potentiellement encore quelques semaines, enfin ceci est l’image donnée par les récentes déclarations de porte-paroles du mouvement qui appellent à l’Acte IX ce samedi 12 janvier 2019.
LABARUSSIAS Arthur