Revue Six Étoiles Revue Six Étoiles printemps 2018 | Page 25
Kenojuak Ashevak (1927-2013),
Eegyvudluk Pootoogook (1931-1999),
The Enchanted Owl, 1960,
Gravure sur pierre sur papier, 61,1 x 65,7 cm,
Acheté en 1979,
Collection McMichael d’art canadien, 1979.10.1
Elle semblait aussi avoir instinctivement compris
l’interdépendance entre la vie et tous les êtres vivants qui est
au cœur de la mythologie et de la cosmologie inuites. Même si
elle ne représentait pas les mythes et les légendes traditionnels
directement dans ses œuvres, sa compréhension du monde et de
l’univers était façonnée par ces dernières. Les thèmes de la lumière
et de l’obscurité sont représentés par le soleil et la lune, le hibou et
le corbeau et, à mesure que ses œuvres évoluaient, par un visage
serein d’une femme au centre de tout cela.
Kenojuak s’inquiétait parfois « d’être à court d’idées »; d’ailleurs,
elle a été l’une des artistes les plus prolifiques et célébrées dans
l’histoire de l’art inuit. Ses œuvres ont été reproduites sur des
timbres-poste canadiens et dans des portfolios internationaux
de gravures et elle a fait l’objet d’un livre en série limitée intitulé
Graphic Arts of the Inuit: Kenojuak, qui a été publié en 1981.
Plus récemment, sa gravure Owl’s Bouquet réalisée en 2007 a été
sélectionnée par la Banque du Canada pour être reproduite sur les
billets de 10 $ célébrant le 150 e anniversaire de la Confédération
du Canada. Parmi les nombreuses distinctions civiles qu’elle a
obtenues, notons qu’elle a été nommée Compagnon de l’Ordre
du Canada, a reçu des diplômes honorifiques de l’Université de
Queen’s et de l’Université de Toronto, et a gagné en 1985 le Prix
national d’excellence décerné aux Autochtones. C’était la première
fois que Kenojuak était reconnue par la communauté autochtone
canadienne, un honneur d’une grande signification pour elle –
Kenojuak Ashevak (1927-2013),
Sagiatuk Sagiatuk (1932-),
Young Owl Takes a Ride, 1984,
Gravure sur pierre et pochoir sur papier, 48,7 x 63,6 cm,
Cadeau de la collection du Dr Michael Braudo,
Collection McMichael d’art canadien, 1995.4.100
détrôné seulement lorsqu’elle a été témoin de la naissance de sa
propre patrie, le Nunavut, en 1999. En 2012, elle a reçu la plus haute
distinction du territoire, l’Ordre du Nunavut.
Ses nombreuses apparitions publiques l’ont naturellement
campée dans le rôle d’ambassadrice culturelle. Chaque fois qu’elle
en avait l’occasion, elle partageait de bonne grâce ses idées et son
monde avec d’autres artistes, des dignitaires, des collectionneurs
et des enfants. Kenojuak faisait aussi figure de modèle de rôle pour
d’autres femmes inuites, non seulement des artistes, mais aussi
des femmes professionnelles en général. En vieillissant, elle parlait
plus candidement d’elle-même en tant qu’artiste vivant de son art
et soutenant sa famille grâce aux revenus gagnés. Elle se contrariait
lorsqu’on lui demandait quand elle arrêterait de dessiner : « Les
gens traitent souvent l’art comme si c’était différent de n’importe
quelle autre profession et me demandent pourquoi je voudrais
continuer. C’est mon travail et je l’adore. Je ne peux pas imaginer
ma vie sans l’art. »
Kenojuak a accompli sa mission artistique « de faire
quelque chose de beau. » Elle était une femme merveilleuse
— chaleureuse, attachante et généreuse — et le plaisir qu’elle
tirait de son travail paraissait évident dans tout ce qu’elle créait.
L’essence de la beauté et le secret de son succès pourraient fort
bien en découler. Ses plus belles œuvres associaient son sens
inné du design et de la couleur à son profond respect pour son
pays et la culture de ses compatriotes.
revue six étoiles 23