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Le siège et la bataille de Gergovie
Gaulois, troupe de reconstitution Mediomatrici. © Photo Mediomatrici.
L’assaut sur la cité de Gergovie, ruse ou attaque frontale ?
Quand César visite le Petit Camp (il évoque cette visite après
l’attaque du Grand Camp), il constate qu’une partie des troupes
de Vercingétorix a quitté une colline. On connait la raison de ce
mouvement : « Les Gaulois craignaient beaucoup pour ce point, et
sentaient que si les Romains, déjà maîtres de l’autre colline, s’empa-
raient de celle-ci, ils seraient pour ainsi dire enveloppés sans pou-
voir ni sortir ni fourrager. Vercingétorix avait donc appelé toutes ses
troupes pour fortifi er cet endroit. » Lorsqu’on connaît un peu la
topographie des lieux, monter sur les arrières du général gaulois
par une vallée large et en pente douce, et donc dans les cordes
de l’armée romaine, pour prendre les Gaulois à revers, est pos-
sible par le col d’Opme (nom actuel).
Le seul problème, c’est que César évoque dans le même temps :
- une attaque surprise avec la prise du camp de Teutomatos,
- une ruse, « il donne des casques aux muletiers, pour qu’ils aient
l’apparence de cavaliers, et leur recommande de faire le tour des col-
lines » pour faire croire à une attaque par le col d’Opme.
Il complète par d’autres éléments : des Gaulois qui désertent
une partie de la cité pour en fortifi er une autre, des légions
trop avancées qui étaient au-delà d’un vallon assez large, et ces
détails correspondent bien à la ruse évoquée auparavant.
En l’absence d’autre texte, nous sommes bien obligés de suivre
le De Bello Gallico, écrit quelques mois après les faits. On peut le
corriger par l’apport des recherches archéologiques, la poliorcé-
tique, et la topographie des lieux pour émettre des hypothèses
un peu différentes.
Les recherches archéologiques démontrent qu’il y a eu des tirs
d’artilleries sur le sud-ouest de la cité.
Dans le même temps, on a découvert une carrière intra-muros juste
derrière les remparts sud-ouest de la ville. On peut ici conclure que
l’attaque surprise tout comme la ruse peuvent convenir. En effet,
pour que les tirs d’artillerie soient effi caces, il faut que les machines
d’artillerie soient installées à 300-400 m des remparts de la cité.
César évoque également les positions opposées :
- des muletiers partis du Grand Camp pour faire semblant de
contourner les collines (sud-ouest),
- d’une légion qui les accompagne et qui se cache dans un fond
et dans une forêt,
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- de deux légions dont la VIII qui est à l’opposé (donc à l’est),
- de la cavalerie éduenne qui arrivera encore plus à droite, et
donc pour César (placé pendant le déroulement de la bataille
non loin du double fossé entre ses deux camps) qui regarde vers
la cité gauloise, encore plus à l’est ou au nord-est,
- la légion XIII qui sortira du Petit Camp,
- la légion X qui se déploiera au secours de la légion VII en
déroute.
Autre constat : si la victoire gauloise est totale, les Gaulois n’ont
pris aucune machine de siège des Romains. On peut penser
que si cela avait été le cas, des copies – les Gaulois possèdent
également un savoir-faire technologique aussi élevé que les
Romains sur bien des domaines – auraient été fabriquées pour
la suite des événements.
Le plan de César, hypothèse ?
César lance l’attaque sur le camp de Teutomatos. Les archers
crétois, dont les arcs composites permettent des tirs moyens de
près de 300 m, empêchent toute sortie rapide des Gaulois par
les portes connues à l’ouest et au sud. Les Romains pilonnent
le sud-ouest de l’oppidum pour faire croire à une attaque immi-
nente par l’ouest (« Témoignages de la guerre des Gaules dans le
bassin clermontois », Revue archéologique du Centre de la France,
t. 54, 2015). L’attaque du camp de Teutomatos apparaît alors
comme un nettoyage avant l’attaque fi nale sur la cité. Le mur qui
protégeait le camp du chef gaulois peut ensuite servir de mur
protecteur des machines si elles sont installées en aval. En effet,
leur installation derrière le mur ne gêne en rien un tir parabo-
lique. Son but : faire croire à une grande attaque par l’ouest des
légions remontant le col d’Opme, pour isoler Vercingétorix sta-
tionné sur la colline de Rizolles, alors que son idée est d’attaquer
à l’endroit où les Gaulois ne l’attendent pas – au sud-est de la
cité – là où le terrain est le plus abrupt.